ISRAËL : PAUVRETÉ ET OLIGARQUES
Par Jacques
BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Certaines statistiques liées à la pauvreté commencent à dévoiler un aspect méconnu de l’économie israélienne. Israël a un taux de pauvreté de 25% en 2013, contre un peu moins de 15% en 1995. Il s’agit du taux de pauvreté le plus élevé dans la zone OCDE. Pourtant les louanges ne manquent pas sur une économie dynamique, totalement calquée sur l’américaine. La politique économique mise en place par le ministre des finances du gouvernement Sharon en 2003, Benjamin Netanyahou, a donné naissance à une génération d’oligarques née sur le modèle russe. Une grande similitude existe entre la politique israélienne de réformes et la politique de privatisation de Boris Eltsine.
Réformes brutales
Benjamin
Netanyahou avait alors décidé d’audacieuses réformes profondes, souvent
impopulaires parce que marquées par le sceau du libéralisme poussé à son
paroxysme. Il décida une baisse importante des impôts couplée avec la refonte
du système des retraites et de l’assurance maladie. Il imposa en particulier
des réductions drastiques du budget avec une réduction des allocations de
chômage afin de forcer les gens à travailler plutôt qu’à recevoir des aides de
l’Etat. Les Arabes et les Juifs ultra-orthodoxes furent les premières victimes
de ces mesures.
Jeunes arabes |
Le nouveau budget, contrairement aux
promesses de Yaïr Lapid, a été voté avec peu d’avancées sociales alors que
toutes les couches de la population, la classe moyenne et la classe pauvre en
particulier, sont à présent touchées. Il a proposé une réduction de 50% des allocations familiales touchant surtout les religieux orthodoxes et les populations arabes. Certes l'économie israélienne avait été
bâtie à l’origine par des dirigeants travaillistes qui s’inspiraient du modèle
soviétique, avec pléthore de bureaucratie.
Le choc imposé à l’économie par Netanyahou
fit entrer le pays de plein pied dans le système capitaliste moderne, sauvage pour
certains, caractérisé en Israël par un grand secteur public doublé d’un secteur
industriel en forte croissance faisant d’Israël le second pays en nombre de sociétés
cotées au Nasdaq. D’ailleurs, la dernière crise économique mondiale n’a pas été
ressentie en Israël avec la même intensité qu’en Europe et seules les
entreprises ayant uniquement axé leur développement sur les États-Unis ont
souffert.
Une dizaine d'oligarques
Mais les odes
à la réussite d’Israël dans le domaine du high-tech et de la biotechnologie imposent de parler de l'autre Israël : celui
du vrai pouvoir économique détenu par une dizaine de familles, expliquant ainsi
les similitudes avec l’histoire économique russe. Israël a réussi à fonder des dynasties
d’oligarques qui ont profité de l’aubaine des privatisations. Ainsi les
familles Dankner, Ofer, Tshouva, Weissman, Arisson, Bino, Federmann, Borovich,
Levaïev, Hamburger, Azrieli, Fishman, Saban, Khan, Strauss, Wertheimer,
Alovich, Zisapel, Shahar, Kass, Schmelzer, Zevledovitz et Steinmetz, avaient alors touché le jackpot. Une seule
exception cependant pour limiter la comparaison : les privatisations se
sont déroulées en Israël de manière transparente et sous contrôle d'une
autorité de régulation indépendante.
Ainsi, une
dizaine de familles gère l’économie israélienne, en toute transparence. Trois
gros distributeurs se partagent 60% de la grande distribution avec Supersol qui
contrôle à lui seul 40% du marché, imposant ainsi les prix des denrées et les
bas salaires de son personnel. Cette pénétration n'a nul équivalent dans les
pays occidentaux. Le premier distributeur français sous l’enseigne des Centres
Leclerc détient 17% du marché hexagonal, tandis que Wal-Mart contrôle 20% de la
distribution au U.S.A et Tesco 25% au Royaume-Uni.
Les groupes
ne se contentent pas d’une spécialisation dans une activité précise mais ils se
diversifient dans tous les domaines. Le groupe Dankner, qui a conclu en 2010,
un accord d’investissement avec deux nouveaux associés du Qatar et d’Arabie
Saoudite, a pris une participation dans Carrefour. Mais il contrôle d’autres
groupes économiques dans le bâtiment, Azorim, dans les assurances, Clal, et dans
les télécommunications, Cellcom. Il n’existe pas en France de situation qui
verrait une seule entité avoir mainmise à la fois sur les hypermarchés
Carrefour, Leclerc et Intermarché, les groupes Bouygues, Axa et l’opérateur SFR.
Les revenus de ce groupe se comptent en milliards de dollars, sans que la
classe moyenne israélienne n’ait profité de cette manne.
Sherry Arisson |
Deux banques
possèdent le monopole de la stratégie bancaire dans un pays où les petites
entités financières font pâle figure. Le groupe Arisson contrôle la première
banque israélienne, Bank Hapoalim, avec 40% du marché bancaire laissant la
deuxième banque, Bank Leumi, loin derrière,
avec 20%. Par comparaison, les groupes BNP-Paribas et Société Générale
détiennent ensemble à peine 32% du marché en France. Ce monopole bancaire
explique d’ailleurs le taux élevé des prélèvements appliqués pour chaque
opération banale. Les utilisateurs se plaignent en permanence de la ponction
anormale qu’ils subissent sur leurs comptes. La compétition est totalement
étouffée alors que la croissance des profits augmente tous les ans et que les
guichetiers de banque, souvent au niveau bac+3, reçoivent un salaire mensuel
brut de 820 euros, loin de la moyenne théorique mathématique des salaires
évaluée à 1.600 euros.
Énorme endettement
Mais la
diversification tout azimut a entrainé un endettement qui requiert des
financements extérieurs et qui fait dépendre le oligarques des banques et des
investisseurs étrangers. La majorité des
magnats souffre aujourd’hui de sérieux problèmes financiers. Ils ont fait
fortune en empruntant auprès des banques et des fonds de pension, pour investir
souvent dans l’immobilier. Mais ils ont du mal aujourd’hui à rembourser leurs
dettes et les intérêts dus aux banques et ils luttent face aux prêts arrivés à
échéance. Leurs investissements n’ont pas répondu à leur attente et ont
perdu beaucoup de leur valeur initiale.
Nochi Dankner |
Ainsi, la
puissance de Nochi Dankner vient d’être écornée puisqu’il a perdu le contrôle
de la Holding IDB. À vouloir monter trop vite et trop haut, parfois en
dépit de toute prudence, il a bradé sa puissance dans un monde sans pitié. IDB est
débitrice de 4,2 milliards de shekels (0,9 milliard d’euros) aux porteurs de
bons et 2,2 milliards de shekels aux institutions financières et aux banques
dont 750 millions pour la seule Banque Hapoalim. D’autres hommes d’affaires luttent
pour rembourser leurs dettes et l’on compte parmi eux Lev Levaïev
(Africa-Israel), Itzhak Tshuva (Immobilier Delek), Ilan Ben-Dov (Partner),
Shaoul Alovitz (Bezeq) et Eliezer Fishman (Industrial Buildings). Tshuva et Levaïev
sont cependant les seuls à utiliser leur richesse personnelle pour éponger les dettes.
Marge réduite
Une dizaine
de familles détiennent ainsi le pouvoir économique en Israël. La première avec
5,2 milliards d’euros de patrimoine et la dixième avec 1,10 milliards d’euros. Aucune
d’entre elles n’a choisi d’entrer en politique pour participer aux décisions de
l’État mais, tacitement, le pouvoir politique leur appartient déjà. Fidèle à
son option économique ultra-libérale, le gouvernement a une marge de manœuvre
très étroite, à moins de légiférer pour imposer des décisions favorables aux
salariés avec une hausse du salaire minimum ou, comme en France, l’application
d’une forme de participation aux bénéfices.
Manifestation 11 mai 2013 à Tel-Aviv contre l'austérité |
Mais les
classes moyennes et défavorisées sont les victimes de cette politique libérale.
Elles ont timidement manifesté durant l’été 2011, et récemment en mai 2013, en vain. Les prix sont partis
à la hausse en 2012 avec une électricité qui a augmenté de 10%, le litre d’essence
qui frôle les 8 shekels (1,6 euros), un pain subventionné qui a renchéri de
6,5%, les locations de logements qui ont augmenté de 4% et une TVA qui a pris
un point de plus.
Les pauvres paient l’addition puisque 1,8 millions d’Israéliens
vivent encore en dessous du seuil de pauvreté tandis que la situation des
enfants s’est aggravée avec près d’un million de jeunes au sein des familles
pauvres. Il ne s’agit
pas ici d’option de politique de droite ou de gauche mais d’une réelle
solidarité qui ne fonctionne plus car l’Israélien est devenu égoïste. La faim n'a pas de critères politiques. Il est vrai que les riches permettent aux pauvres de gagner leur vie mais il ne leur est pas interdit d'être plus généreux pour que jamais, en Israël, les enfants n'aient à souffrir de la misère, sinon de la faim, au point d'être dépendants de la bonté d'associations caritatives débordées qui souvent monnayent leurs aides contre un soutien politique ou religieux.
les effets de l'ultralibéralisme dans toute sa splendeur
RépondreSupprimerLes oligarques russes sont installes a Miami..tout flambe par leur gout du luxe. Ils déséquilibrent toute l'économie... De plus, même si Ils sont instruits pour certains. Ce sont des gens sans valeurs, tout est tricherie et "ruspas"a tous les niveaux. Rien est Clair avec eux. Sunny isles est leur quartier général?
RépondreSupprimerExcellent exposé. Je reste sceptique quant à l'application à venir des recommandations pertinentes du comité pour la concurrence, connaissant l'implication si particulière des relations entre capital et pouvoir.
RépondreSupprimerBonsoir Jacques, vous avez écrit : "dont 750 milliards pour la seule Banque Hapoalim." Ce ne serait pas plutôt 750 millions ?
RépondreSupprimer@Vince
RépondreSupprimerBien sûr 750 millions. C'est corrigé. Ma correctrice bienaimée sera punie de chocolats pendant une semaine!
Good article. Yes things must change. We can not follow this road unless we want to exclude our own people from his own country. Israel should and must give good examples not only in our own behalf but in wirld behalf. There are others ways, ways yes but to built a decent society with place for all and were we all can and must be happy and share that hapiness. Is or is not Israel the Promised Land? If we do believe it is things must change. »
RépondreSupprimerceux qui parlent d'un Israël comme pays unique, qui ne ressemble pas aux autres, me laisse interrogateur.
RépondreSupprimeron se rend compte que les 10 familles qui contrôlent économiquement le pays et qui de fait, contrôle la politique n'est pas une exception: vous associez pouvoir et argent et vous avez Israël qui suit l'exemple de centaines de pays dans le monde.
cet article parle des pauvres, mais ne parle pas de corruption. quand il suffit de réunir 10 familles pour définir l'ensemble des règles de la concurrence, les consommateurs israéliens ont de toute façon perdu avant même d'avoir acheté quoi que se soit.
ces familles prospères, de la pauvreté, ils s'en moquent. chacun a le droit de crever de faim, du moment que cela ne se passe pas devant leurs portes.
on peut remercier le Bibi, ses mesures ont mis les classes les plus fragiles à genoux. Bibi s'en fout, il demande une nouvelle résidence de premier ministre et demande un "air force one" pour ses déplacements. il n'a pas l'air de connaitre la crise et la pauvreté Bibi.
alors que Ben Gourion, lui a décidé de rester dans le Néguev loin de cette nomenklatura israélienne qui rêvent de se pavaner sur les collines du mont Herztel. Ben Gourion, reviens nous, Israël devient fou.
Quand je suis en Israel je boycotte !
RépondreSupprimer....tout ce qui est cher.
Si tous le monde faisait comme moi ces oligarques ne tiendraient pas.
Pourquoi pas mettre en place des systèmes de vente directe avec les kibboutz ?
en europe çà ce fait avec le temps des acheteurs en Israel vu le faible cout de la main d'oeuvre il pourrait y avoir des livreurs.
plein de choses peuvent se produire pas cher et même écolo.
tous les légumes, le savon, le lait .....vu le prix astronomique des gâteaux en Israël une petite boulangerie industrielle pourrait concurrencer tout çà en terme de prix.
aux israeliens d'acheter moins con.
un juif con est un juif mort de toute manière.