LA RUSSIE VEUT REPRENDRE PIED AU MOYEN-ORIENT
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Les guerres d’Irak et d’Afghanistan, avec leurs
centaines de milliers de morts, ont représenté un échec pour les États-Unis, malgré les moyens militaires disproportionnés
qui avaient été mis en œuvre. Ils n’ont pas réussi à établir la démocratie dans
des pays où l’Iran les a remplacés en force. Ce souvenir cuisant de déconvenues explique la
frilosité américaine pour toute nouvelle implication militaire dans un pays
arabe. Les américains hésitent à
intervenir directement en Syrie où ils ont délégué leurs alliés arabes et la
Turquie pour aider les forces qui s’acharnent, en vain, à abattre le régime
syrien.
Vide politique et militaire
C’est cet instant qu’a choisi la
Russie pour combler le vide politique et militaire et pour reprendre pied dans
une région où elle avait été écartée depuis la désintégration du bloc
soviétique en 1990, avec comme conséquence la montée de l’hégémonie américaine.
Dans cet esprit, la Russie a augmenté sa présence militaire maritime en
envoyant en Méditerranée orientale plusieurs navires de guerre. Elle sécurise
ses bases à Tartous tout en protégeant
Bachar Al-Assad en lui envoyant des
missiles anti navires Yakhont de haute
technologie dans le but d’empêcher le
blocus maritime de la Syrie.
Le chef d’État-Major
américain, le général Martin Dempsey, a
mis en garde contre ces mesures «inopportunes et fâcheuses» dans une déclaration au Los
Angeles Times du 17 mai.
Mais l’armée américaine aura beaucoup de mal à convaincre Barack Obama de revenir à une politique plus
interventionniste d’autant plus que la crise économique et les guerres
coûteuses ont réduit le budget militaire. Par ailleurs le déséquilibre entre
les puissances mondiales reste toujours en faveur des États-Unis même si la
Chine commence à être présente dans le concert international.
Mais les révolutions arabes et les guerres civiles ont rendu les américains plus prudents devant le bouleversement qui a frappé le Moyen-Orient. Cette prudence, souvent interprétée comme une preuve de faiblesse et de baisse de leur influence, a cependant ouvert de nouvelles possibilités aux russes qui souhaitent devenir des acteurs principaux de la région, comme du temps où ils gouvernaient l’Égypte avec le président Gamal Abdel-Nasser.
Mais les révolutions arabes et les guerres civiles ont rendu les américains plus prudents devant le bouleversement qui a frappé le Moyen-Orient. Cette prudence, souvent interprétée comme une preuve de faiblesse et de baisse de leur influence, a cependant ouvert de nouvelles possibilités aux russes qui souhaitent devenir des acteurs principaux de la région, comme du temps où ils gouvernaient l’Égypte avec le président Gamal Abdel-Nasser.
L’alibi
de l’aide financière
Après avoir
repris pied en Syrie, la Russie cherche à présent à se réintroduire en Égypte
après en avoir été chassée par Anouar Al-Sadate.
Elle en garde d’ailleurs un souvenir cuisant. Selon des sources diplomatiques russes,
le président égyptien Sadate aurait déclenché la guerre pour permettre aux États-Unis
de faire leur retour au Moyen-Orient et d’éliminer la présence russe.
Youri Ouchakov |
La Russie a
trouvé, dans les graves difficultés financières rencontrées par l’Égypte depuis
le soulèvement populaire qui a renversé le régime de Hosni Moubarak, l’occasion
de de réactiver son influence dans un pays qu’elle avait équipé et reconstitué
de toutes pièces. Elle a saisi la balle au bond à l’occasion de la visite le 19 avril 2013 de
Mohamed Morsi au Kremlin. Le président égyptien a demandé un prêt important à
Moscou. Youri Ouchakov, conseiller du président russe a confirmé que «la
question d'un crédit a été soulevée. Les structures financières des deux pays
ont été chargées d'en étudier ensemble les détails». Il a refusé d’évaluer
le montant du prêt précisant seulement qu'il ne s'agissait pas d'une petite
somme. Cette aide financière viendrait ainsi en complément du prêt de 4,8
milliards de dollars en cours de négociation avec le FMI.
Morsi-Poutine |
Les russes
veulent utiliser leurs moyens économiques pour renforcer la coopération
politique avec l’Égypte et pour la convaincre de rompre avec l’héritage de
Moubarak. Morsi souhaite de son côté diversifier ses partenaires et réduire
l’influence de l’occident dans son pays en se tournant vers la Chine, l’Inde et
la Russie. La Russie a compris
l’opportunité d’une démarche qui lui permettra de renouer ses liens avec un
pays arabe majeur de la région, longtemps leader du monde arabe, mais surtout
avec un ancien allié historique qui avait initié le rapprochement sous l’égide
de Gamal Abdel-Nasser.
Concurrence
russe
Les États-Unis acceptent
mal cette nouvelle concurrence avec la Russie. Ils se montrent de plus en plus
critiques à l'égard du président Morsi accusé de ne pas ouvrir plus largement
son gouvernement aux autres courants politiques. Mais les russes ont trouvé la
faille. Les américains ont injecté beaucoup de milliards de dollars au profit
des moyens militaires, 1,3 milliard par an, pour obtenir l’aval des officiers
mais ils n’avaient rien fait sur le plan civil malgré les demandes répétées
égyptiennes.
Ainsi à l’occasion de sa visite à Moscou, le président Morsi a demandé aux russes de moderniser les industries égyptiennes qu’eux-mêmes avaient construites dans les années 1960, de réactualiser le complexe métallurgique de Hélouan au sud du Caire et l’usine d’aluminium de Nag Hammadi en Haute-Égypte et de mettre à jour la technique des turbines du Haut-Barrage à Assouan. La Russie dispose de l’expertise dans ce domaine et elle aurait même accepté d’étendre ses compétences à la construction de centrales nucléaires pour la production de 4.000 mégawatts d’électricité et à l’exploitation de mines d’uranium indispensable à l’énergie atomique.
Barrage d'Assouan |
Ainsi à l’occasion de sa visite à Moscou, le président Morsi a demandé aux russes de moderniser les industries égyptiennes qu’eux-mêmes avaient construites dans les années 1960, de réactualiser le complexe métallurgique de Hélouan au sud du Caire et l’usine d’aluminium de Nag Hammadi en Haute-Égypte et de mettre à jour la technique des turbines du Haut-Barrage à Assouan. La Russie dispose de l’expertise dans ce domaine et elle aurait même accepté d’étendre ses compétences à la construction de centrales nucléaires pour la production de 4.000 mégawatts d’électricité et à l’exploitation de mines d’uranium indispensable à l’énergie atomique.
La Russie avait
été pratiquement éliminée du monde arabe depuis la chute de l’URSS en 1991.
Elle a perdu d’énormes contrats de centaines de millions de dollars signés avec
la Libye qui se sont envolés avec la chute du colonel Kadhafi. C’est pourquoi
elle n’a pas voulu reproduire cet échec en Syrie et a mis tout son poids et
tous ses moyens militaires pour garantir la survie de Bachar Al-Assad. Pour le
maintenir au pouvoir, elle aurait négocié avec Benjamin Netanyahou un pacte de
non-agression entre la Syrie et Israël.
Islamistes du Caucase
Les russes
doivent cependant faire face à un dilemme. Vouant une haine implacable aux
islamistes, ils s’inquiètent du pouvoir des Frères musulmans en Égypte. La Confrérie avait été interdite en Russie par
arrêt de la Cour suprême russe depuis 2003 sous l’accusation d’organisation
terroriste. Vladimir Poutine se méfie donc de ces islamistes qui ont
ouvertement soutenu les rebelles du Caucase-Nord, peuplé de musulmans, qui cherchaient
à créer un État islamiste en pleine Russie. Ils craignent que ces rebelles
polluent la région de leur idéologie et étendent la rébellion à d’autres
régions musulmanes russes. Face aux réticences russes à ce sujet, les égyptiens
ont posé comme condition du renforcement des relations la suppression du nom de
la confrérie égyptienne de la liste noire.
Les russes se
doutent bien que cet éventuel rapprochement répond à des besoins purement financiers.
Par ailleurs, il est improbable que l’armée égyptienne, qui détient toujours
les leviers de commande, accepte le remplacement des États-Unis par la Russie.
Depuis la signature du traité de paix avec les israéliens en 1979, elle a
choisi les américains comme seuls fournisseurs de matériel militaire et elle ne
semble pas prête à changer de doctrine politique et militaire. Elle fabrique d’ailleurs
sur place depuis 1988, sous licence américaine, des chars M1-Abrams et ne se
voit pas réorienter l’armement militaire vers des fournisseurs russes.
Les russes
comprennent les limites de leur retour en Égypte mais ils comptent sur la situation financière dramatique en
attendant mieux. Ils jouent de l’arme de la pression en créant la pénurie en Égypte
en refusant de fournir du blé sous prétexte que les égyptiens n’ont pas de
devises pour les payer. Ce qui est sûr c’est que Mohamed Morsi n’est pas au
bout de ses peines et qu’il risque de perdre le pouvoir s’il ne trouve pas
immédiatement une solution, avec ou sans les russes, à la
situation économique inextricable dans laquelle se trouve son pays.
Soldat égyptien au Sinaï |
Israël est serein face à cette situation car il a développé des
relations étroites sécuritaires avec les militaires égyptiens au Sinaï. Pour l’instant, il n’envisage pas, dans sa
stratégie, un retour à la situation qui prévalait au temps de Nasser lorsque la
Russie était impliquée dans les rouages économiques et militaires égyptiens.
Mais les russes ne ratent aucune occasion pour revenir sur le terrain. Après les batailles de Qunetra, l'Autriche a annoncé qu'elle retirait ses troupes qui servent dans les forces de l'Onu (FNUOD) sur le Golan. Les russes se sont proposés pour les remplacer. Mais l'Onu ne peut accepter l'offre de la Russie car un accord passé entre la Syrie et Israël interdit la présence, sur ce plateau stratégique, de contingents appartenant aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité.
Mais les russes ne ratent aucune occasion pour revenir sur le terrain. Après les batailles de Qunetra, l'Autriche a annoncé qu'elle retirait ses troupes qui servent dans les forces de l'Onu (FNUOD) sur le Golan. Les russes se sont proposés pour les remplacer. Mais l'Onu ne peut accepter l'offre de la Russie car un accord passé entre la Syrie et Israël interdit la présence, sur ce plateau stratégique, de contingents appartenant aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité.
La Russie a toujours profité des fissures laissées libres par la diplomatie américaine. C'est bien dommage! (ALFREDO)
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RépondreSupprimerMais enfin, monsieur Benillouche, que nous racontez-vous là ?
Ne pourriez-vous donc accorder votre violon sur celui de nos grands media et nous chanter la seule chanson qui vaille d'être entendue aujourd'hui, à savoir : celle qui concerne le divorce du ménage Poutine ?