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jeudi 25 octobre 2012

MAHMOUD ABBAS : LA SOLITUDE DU POUVOIR



MAHMOUD ABBAS : LA SOLITUDE DU POUVOIR

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

            Les mauvaises nouvelles s’accumulent à Ramallah alors que le président de l’Autorité semble de plus en plus isolé. Tout ce qu’il a entrepris a mal tourné ou s’est retourné contre son peuple. Malgré les mises en garde américaines, la demande d’admission de la Palestine comme État membre à l’ONU a échoué, entrainant le courroux et le veto des États-Unis ainsi que la réduction de l’aide économique américaine comme sanction. La pseudo-victoire de l’admission à l’UNESCO s’est transformée en défaite pour l’organisation qui a perdu 22% de son budget après le retrait américain et les remontrances de Barack Obama.



Échec des élections

Comptage des voix aux élections locales

            Sur le plan intérieur, tout est à l’avenant. Sa décision d’organiser à tout prix des élections municipales contre la volonté du Hamas et dans une seule partie de la Palestine a été un échec. Le boycott des islamistes a limité la participation au vote puisque à peine 54% des électeurs se sont déplacés malgré la réputation démocratique des palestiniens. La déconvenue est forte pour le Fatah, le parti du président, puisqu’il a perdu trois grandes villes importantes, Ramallah, Naplouse et Djénine, gagnées par des indépendants de l’OLP. Par ailleurs, le camouflet qu’il vient de subir à Gaza, où il n’était pas invité pour la visite de l’émir du Qatar, a été un choc pour lui et pour toute l’Autorité palestinienne qui a été écartée des festivités. 
L'émir du Qatar reçu par Ismaël Haniyeh
La question de sa crédibilité se pose à présent de manière dramatique. Selon un membre éminent du Fatah, Dr Anwar Abu Eisheh élu à Hévron, qui a accepté de nous donner son sentiment,  la population est «désespérée que rien ne bouge, que le processus de paix soit au point mort, que les salaires ne soient pas versés faute d’argent dans les caisses et que les frères arabes lambinent pour envoyer leurs dons». Les palestiniens n’ont plus de foi politique et n’attendent plus rien des dirigeants de Cisjordanie, sans pour autant vouloir faire le saut vers le Hamas  qui leur confisque leurs libertés.

Statut ambigu

            Le statut de Mahmoud Abbas est ambigu car il persiste à vouloir garder une double casquette et à concentrer entre ses mains plusieurs pouvoirs. Chef de l’Autorité palestinienne, il est aussi président du parti au pouvoir, le Fatah, qui est membre de l’OLP avec le FPLP, le FDPLP et d’autres micros partis palestiniens. Par analogie, François Hollande pourrait difficilement partager sa fonction avec celle de secrétaire national du P.S. Il ne peut donc directement conduire les négociations avec Israël puisque ce rôle incombe à l’OLP. 
Haniyeh, Abbas et Dahlan
Dans sa stratégie brouillonne consistant à sauver l’impossible, il a sacrifié de nombreux proches et quelques amis intimes, comme Mohamed Dahlan, pour éviter la rupture avec Gaza et pour ne pas mécontenter le Hamas. Il est même prêt à sacrifier son premier ministre Salem Fayyed, l’homme des américains, au nom d’une unité retrouvée. Son inertie a entrainé une prise de conscience de leur force chez les islamistes qui deviennent ainsi exigeants sinon intransigeants. Les palestiniens ont fini par adouber le Hamas sans condamner sa prise de pouvoir antidémocratique par la force.
Haniyeh et Morsi
    Le Hamas a réussi à s’imposer comme parti de gouvernement en perdant, aux yeux du monde occidental, sa qualification d’organisation terroriste et à devenir la véritable opposition à l’Autorité. Pour apparaitre comme un gouvernement respectable, il s’est démarqué artificiellement du Hezbollah ou d’Al-Qaïda, sur les conseils de son grand Frère égyptien Morsi, sans pour autant faire illusion, sauf vis-à-vis de l’occident.

Mise à l’écart

            La visite de l’émir du Qatar a brisé symboliquement le blocus de Gaza que Mahmoud Abbas n’a jamais pu faire lever et a installé Ismaël Haniyeh, le dirigeant avec lequel il faut dorénavant discuter, dans la cour des grands. Les militants du Hamas en Cisjordanie ne recherchent plus la protection de l’Autorité mais celle de la Croix-Rouge qui les héberge dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-est. Ce centre devient un lieu d’attraction pour les milliers de sympathisants qui boudent le Fatah pour se joindre aux prières et aux discours islamiques dans les bâtiments internationaux.
     L’Autorité se sent en perte de vitesse et use de l’arme de la censure dans le cadre d’un positionnement maladroit en Cisjordanie. Tout ce qui touche au Hamas est banni des journaux Al-Qods, Al-Ayyam et Al-Hayat Al-Jadidah  et bien sûr de la télévision palestinienne. En conséquence, la population qui n’est pas dupe et qui dispose des médias internationaux, est de plus en plus nombreuse à contester la légitimité de Mahmoud Abbas dont le mandat est légalement terminé en janvier 2010.
Abbas, Mechaal et Haniyeh
            Le problème de la scission entre les deux entités palestinienne reste le point d’achoppement. L’Égypte, la Syrie d’avant la révolution et le Qatar ont tenté de favoriser une réconciliation dans l’intérêt de l’unité du peuple palestinien mais les délégations du Hamas et du Fatah n’ont jamais réussi à trouver un terrain d’entente qui s’élève au dessus des questions de personnes et des rivalités politiques.   
            Alors, Mahmoud Abbas s’est trouvé isolé contre tous ceux qui n’avaient pas compris que seule l’union avec le Hamas pouvait conduire à un accord avec Israël. La population a fini par approuver les thèses du Hamas qui s’opposait à toute sorte de négociation et à fortiori à tout compromis. Le président avait fait le vide autour de lui croyant pouvoir affronter seul le gouvernement de Benjamin Netanyahou. Mais il n’a réussi qu’à agréger sur lui toutes les rancœurs et toutes les oppositions. 
        Les amis du camp de la paix israélien, la gauche palestinienne du FPLP et du FDPLP, les communistes arabes se sont positionnés contre lui au point qu’à peine 9 membres du Comité central du Fatah sur 18 acceptent de le soutenir. Aux abois,  il ne peut plus compter pour ses déplacements à Washington, que sur trois fidèles parmi les fidèles : Saeb Erakat, Yasser Abed Rabbo et Nabil Shaath. Mohamed Dahlan, l’ancien homme fort de Gaza et l’expert sécuritaire s’est éloigné de lui politiquement et physiquement puisqu’il a été contraint à l’exil en Jordanie.
Munib El-Masri
            Des membres historiques du Fatah prennent leurs distances avec Mahmoud Abbas à l’instar de Mamdouh al-Aqr, qui a participé aux pourparlers de Madrid en 1991, et du milliardaire Munib al-Masri, un temps candidat au poste de premier ministre et indispensable à l'économie palestinienne. Le président de l’Autorité n’a plus la côte au sein de son propre parti en voie de désintégration. Le vide fait autour de lui ne donne aucune perspective à son remplacement soit parce que les candidats ne veulent pas s’engager en politique, soit et surtout, parce que la voie leur est barrée. Cela n’augure rien de bon sur le processus de paix moribond et sur l’avenir d’une Palestine déchirée. Mahmoud Abbas paie cher la solitude du pouvoir dans laquelle il s’est enfermé.

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