MAHMOUD
ABBAS : LA SOLITUDE DU POUVOIR
Par Jacques
BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
Les mauvaises nouvelles s’accumulent à Ramallah alors
que le président de l’Autorité semble de plus en plus isolé. Tout ce qu’il a
entrepris a mal tourné ou s’est retourné contre son peuple. Malgré les mises en
garde américaines, la demande d’admission de la Palestine comme État membre à
l’ONU a échoué, entrainant le courroux et le veto des États-Unis ainsi que la
réduction de l’aide économique américaine comme sanction. La pseudo-victoire de
l’admission à l’UNESCO s’est transformée en défaite pour l’organisation qui a
perdu 22% de son budget après le retrait américain et les remontrances de
Barack Obama.
Échec des élections
Sur le plan intérieur, tout est à l’avenant.
Sa décision d’organiser à tout prix des élections municipales contre la volonté
du Hamas et dans une seule partie de la Palestine a été un échec. Le boycott
des islamistes a limité la participation au vote puisque à peine 54% des
électeurs se sont déplacés malgré la réputation démocratique des palestiniens.
La déconvenue est forte pour le Fatah, le parti du président, puisqu’il a perdu
trois grandes villes importantes, Ramallah, Naplouse et Djénine, gagnées par
des indépendants de l’OLP. Par ailleurs, le camouflet qu’il vient de subir à
Gaza, où il n’était pas invité pour la visite de l’émir du Qatar, a été un choc
pour lui et pour toute l’Autorité palestinienne qui a été écartée des
festivités.
L'émir du Qatar reçu par Ismaël Haniyeh |
La
question de sa crédibilité se pose à présent de manière dramatique. Selon un
membre éminent du Fatah, Dr Anwar Abu Eisheh élu à Hévron, qui a accepté de nous
donner son sentiment, la population est «désespérée que
rien ne bouge, que le processus de paix soit au point mort, que les salaires ne
soient pas versés faute d’argent dans les caisses et que les frères arabes
lambinent pour envoyer leurs dons». Les palestiniens n’ont plus de foi
politique et n’attendent plus rien des dirigeants de Cisjordanie, sans pour autant
vouloir faire le saut vers le Hamas qui
leur confisque leurs libertés.
Statut ambigu
Le statut de Mahmoud Abbas est
ambigu car il persiste à vouloir garder une double casquette et à concentrer
entre ses mains plusieurs pouvoirs. Chef de l’Autorité palestinienne, il est
aussi président du parti au pouvoir, le Fatah, qui est membre de l’OLP avec le
FPLP, le FDPLP et d’autres micros partis palestiniens. Par analogie, François
Hollande pourrait difficilement partager sa fonction avec celle de secrétaire
national du P.S. Il ne peut donc directement conduire les négociations avec
Israël puisque ce rôle incombe à l’OLP.
Haniyeh, Abbas et Dahlan |
Dans sa stratégie
brouillonne consistant à sauver l’impossible, il a sacrifié de nombreux proches
et quelques amis intimes, comme Mohamed Dahlan, pour éviter la rupture avec
Gaza et pour ne pas mécontenter le Hamas. Il est même prêt à sacrifier son
premier ministre Salem Fayyed, l’homme des américains, au nom d’une unité
retrouvée. Son inertie a entrainé une prise de conscience de leur force chez
les islamistes qui deviennent ainsi exigeants sinon intransigeants. Les palestiniens ont fini par adouber le Hamas sans condamner sa
prise de pouvoir antidémocratique par la force.
Haniyeh et Morsi |
Mise à l’écart
La visite de l’émir du Qatar a brisé
symboliquement le blocus de Gaza que Mahmoud Abbas n’a jamais pu faire lever et
a installé Ismaël Haniyeh, le dirigeant avec lequel il faut dorénavant
discuter, dans la cour des grands. Les militants du Hamas en Cisjordanie ne
recherchent plus la protection de l’Autorité mais celle de la Croix-Rouge qui les
héberge dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-est. Ce centre devient un
lieu d’attraction pour les milliers de sympathisants qui boudent le Fatah pour
se joindre aux prières et aux discours islamiques dans les bâtiments
internationaux.
L’Autorité
se sent en perte de vitesse et use de l’arme de la censure dans le cadre d’un
positionnement maladroit en Cisjordanie. Tout ce qui touche au Hamas est banni
des journaux Al-Qods, Al-Ayyam et Al-Hayat Al-Jadidah et bien sûr de la télévision palestinienne. En
conséquence, la population qui n’est pas dupe et qui dispose des médias
internationaux, est de plus en plus nombreuse à contester la légitimité de
Mahmoud Abbas dont le mandat est légalement terminé en janvier 2010.
Abbas, Mechaal et Haniyeh |
Le problème de la scission entre les
deux entités palestinienne reste le point d’achoppement. L’Égypte, la Syrie
d’avant la révolution et le Qatar ont tenté de favoriser une réconciliation
dans l’intérêt de l’unité du peuple palestinien mais les délégations du Hamas
et du Fatah n’ont jamais réussi à trouver un terrain d’entente qui s’élève au
dessus des questions de personnes et des rivalités politiques.
Alors, Mahmoud Abbas s’est trouvé isolé
contre tous ceux qui n’avaient pas compris que seule l’union avec le Hamas
pouvait conduire à un accord avec Israël. La population a fini par approuver
les thèses du Hamas qui s’opposait à toute sorte de négociation et à fortiori à
tout compromis. Le président avait fait le vide autour de lui croyant pouvoir
affronter seul le gouvernement de Benjamin Netanyahou. Mais il n’a réussi qu’à agréger
sur lui toutes les rancœurs et toutes les oppositions.
Les amis du camp de la paix israélien, la gauche palestinienne du FPLP et du FDPLP, les communistes arabes se sont positionnés contre lui au point qu’à peine 9 membres du Comité central du Fatah sur 18 acceptent de le soutenir. Aux abois, il ne peut plus compter pour ses déplacements à Washington, que sur trois fidèles parmi les fidèles : Saeb Erakat, Yasser Abed Rabbo et Nabil Shaath. Mohamed Dahlan, l’ancien homme fort de Gaza et l’expert sécuritaire s’est éloigné de lui politiquement et physiquement puisqu’il a été contraint à l’exil en Jordanie.
Les amis du camp de la paix israélien, la gauche palestinienne du FPLP et du FDPLP, les communistes arabes se sont positionnés contre lui au point qu’à peine 9 membres du Comité central du Fatah sur 18 acceptent de le soutenir. Aux abois, il ne peut plus compter pour ses déplacements à Washington, que sur trois fidèles parmi les fidèles : Saeb Erakat, Yasser Abed Rabbo et Nabil Shaath. Mohamed Dahlan, l’ancien homme fort de Gaza et l’expert sécuritaire s’est éloigné de lui politiquement et physiquement puisqu’il a été contraint à l’exil en Jordanie.
Munib El-Masri |
Des membres historiques du Fatah
prennent leurs distances avec Mahmoud Abbas à l’instar de Mamdouh al-Aqr, qui a
participé aux pourparlers de Madrid en 1991, et du milliardaire Munib al-Masri,
un temps candidat au poste de premier ministre et indispensable à l'économie
palestinienne. Le président de l’Autorité n’a plus la côte au sein de son
propre parti en voie de désintégration. Le vide fait autour de lui ne donne
aucune perspective à son remplacement soit parce que les candidats ne veulent
pas s’engager en politique, soit et surtout, parce que la voie leur est barrée.
Cela n’augure rien de bon sur le processus de paix moribond et sur l’avenir d’une
Palestine déchirée. Mahmoud Abbas paie cher la solitude du pouvoir dans
laquelle il s’est enfermé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire