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jeudi 14 novembre 2013

LES RELATIONS CONFLICTUELLES FRANCO-ISRAELIENNES 3/3 1967-2007


LES RELATIONS CONFLICTUELLES FRANCO-ISRAELIENNES 1967-2007

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

PARTIE 3/3

Lien pour la partie-1
http://benillouche.blogspot.co.il/2012/02/les-relations-conflictuelles-franco.html


Lien pour la partie-2
http://benillouche.blogspot.co.il/2012/02/les-relations-conflictuelles-franco_02.html



 Début de réconciliation



          L’arrivée de François Mitterrand au pouvoir en 1981 suscita un vent d’optimisme parmi les Israéliens qui s’estimaient boudés par la France depuis 1958. Ils étaient certains qu’entrait à l’Élysée «un ami d’Israël», doté d’une admiration pour le peuple juif et sa culture. Ils y voyaient la consécration de l’action de son ami juif Georges Dayan, qui avait travaillé pour son élection. En hommage à son ami disparu en 1979, il décida d'ailleurs d’être le premier président français à se déplacer officiellement en Israël. Il s’y rendit en 1982 pour afficher sa volonté de renouer des relations privilégiées avec l’État juif. 

Cliquer sur la suite pour écouter un extrait d'une interview de Claude Goasguen


Georges Dayan
           Dans l’opposition, il avait souvent critiqué la politique mercantile de ses prédécesseurs mais il ne fera pas mieux puisque son premier voyage à l’étranger sera à destination de Ryad, en Arabie Saoudite. Il s’agissait pour lui de rassurer les Arabes, ceux du Golfe en particulier qui avaient placé des fonds importants en France, qu’ils n’avaient rien à craindre de la rupture avec le gaullisme et de la présence des communistes dans son gouvernement. 
Begin et Mitterrand à la Knesset
           Le 3 mars 1982, du haut de la tribune de la Knesset, le parlement israélien, il avait choisi, dans son discours, de définir précisément la politique qu’il voulait mettre en œuvre : reconnaissance mutuelle des deux peuples et reconnaissance des droits des Palestiniens à l’autodétermination. Mais si devant Menahem Begin il avait fait une allusion à un «État palestinien», il avait aussi évoqué «l’option jordanienne» qui avait fait bondir les Arabes car il rejoignait une approche nouvelle envisagée par des Israéliens de droite. Il  tira l’enseignement, après ce voyage, que les décennies passées avait disqualifié la France pour animer un éventuel processus de paix et que seuls les États-Unis s’étaient installés, de manière durable, dans cette médiation. Le régime gaulliste, suivi de la parenthèse Giscard d’Estaing, avait perdu  sa crédibilité d’arbitre au Proche-Orient.

Quai d’Orsay omnipuissant

Claude Cheysson

           Le Quai d’Orsay restait encore omniprésent, sinon omnipuissant, mais François Mitterrand ne chercha pas à s’opposer à son influence. Il lui donna un chef à la mesure de ses convictions permanentes anti-israéliennes. Claude Cheysson, ministre des affaires étrangères, n’avait jamais caché son hostilité vis-à-vis d’Israël et son amitié profonde pour les délégués palestiniens de l’OLP auxquels il déclarait : «Ma condamnation du sionisme est catégorique ; l’État d’Israël s’est créé contre la volonté du reste du monde». Un diplomate de haut rang, qui ignore ou efface la décision de l’ONU de créer un État juif en 1947 faisait désordre parmi les socialistes. Quand il a quitté son poste, les Israéliens s’étaient réjouis un peu trop tôt car son successeur Roland Dumas s’inscrivit dans la même lignée pro-arabe en affirmant en 1984 : «la piraterie aérienne était le seul moyen qu’avait la résistance palestinienne de briser l’indifférence internationale». Il justifiait ainsi ouvertement le terrorisme et lui donnait ses lettres de noblesse. Il était difficile d’être plus cynique.
Roland Dumas

           François Mitterrand ne parvint pas à moduler la politique pro-arabe de la France mais il s’efforça de renouer des liens distendus durant la période gaulliste et de décrisper les relations : «Tout ce qui pourrait menacer l’existence d’Israël dans sa réalité reconnue par le droit international sera refusé par la France». Mais en nommant des chefs du Quai d’Orsay partiaux, il s’imposait un service diplomatique minimum. Ses ministres des affaires étrangères, choisis parmi les milieux anti-israéliens, ne lui permirent pas de changer notablement de stratégie et consolidèrent la forteresse inexpugnable du Quai d’Orsay qui continuait à inspirer la politique de la France.

Cohabitation

Edouard Balladur


Cliquer pour entendre l'interview de Claude Goasguen

          La parenthèse de la cohabitation, 1993-1995, avec Édouard Balladur, premier ministre et gaulliste historique, n’arrangea pas les choses. Claude Goasguen, député de droite à Paris, avait expliqué les raisons de la stagnation de la politique diplomatique lors d’une interview: «En vérité la politique étrangère en France est réservée à une poignée d’individus sans contrôle. Le président de la République, un petit peu le ministre des affaires étrangères qui n’a pas grand pouvoir et le Quai d’Orsay. L’Assemblée Nationale ne connaît rien de la politique étrangère de la France. En tant que député, j’apprends tout par la presse, comme vous. Nous sommes le seul pays à avoir un homme et un seul à l’Élysée, avec le secrétaire général du Quai, qui décide de tout et qui est par nature en dehors de toute responsabilité politique ».
          Il avait ainsi justifié l’acte de décès d’une éventuelle révision de la diplomatie vis-à-vis d’Israël. Mais il avait surtout démontré que François Mitterrand, qui fut plusieurs fois ministre de la IV° République, ainsi que le parti socialiste au pouvoir, ont été impuissants à insuffler l’état d’esprit qui a régné durant les dix années d’idylle franco-israélienne de 1948 à 1958. La volonté ne manquait peut-être pas mais les crises pétrolières prenaient le dessus sur les convictions politiques. Tant que les dirigeants français auront l’œil fixé sur la balance commerciale du pays, alors, ils seront dépendants des pays arabes qui leur fournissent le pétrole et qui achètent les armes permettant à la France de maintenir sa quatrième place des pays exportateurs d’armement.
          Israël s’est résigné à tirer sa propre conclusion : quelque soit le parti au pouvoir, de droite ou de gauche, seul le retour de la France dans le concert des États puissants sur le plan économique, politique et militaire lui permettra d’avoir une stratégie indépendante et une politique diplomatique qui ne lui soit pas imposée de l’extérieur. La nouvelle vague de socialistes n’avait pas réussi à redorer le blason figé de la diplomatie française au Proche-Orient.                 

Légère amélioration

Jacques Chirac

           Jacques Chirac, élu président en 1995, avait tissé d’excellentes relations avec les rabbins et les Juifs de France mais il restait totalement réservé à l’égard d’Israël. Le monde juif le fascinait avec sa cabbale mystique, ses prières et ses bénédictions, qui pouvaient parfois aider dans une campagne électorale. Grand admirateur du rabbin Jacob Kaplan, croyant aux miracles des rabbins Loubavitch, il avait appris à connaître les traditions et les coutumes juives et à participer aux offices religieux, portant toujours une kippa ou le borsalino traditionnel des orthodoxes.
          Mais s’il se montrait très chaleureux avec les Juifs de France, il restait plus réservé à l’égard d’Israël. Il tenait à une distinction marquée entre Juifs français et Juifs israéliens, entre le peuple d’Israël et la politique suivie par le gouvernement de Jérusalem. Il réussit cependant à s’attirer les faveurs des juifs du monde lorsque, en juin 2006, il fut le premier président de la V° République à briser à Douaumont le tabou entourant Philippe Pétain, en reprochant au vainqueur de Verdun, sur les lieux de la bataille de 1916, d’avoir couvert «de sa gloire le déshonneur de la collaboration» comme chef de l’État Français de 1940 à 1944.

           Mais Jacques Chirac n’était intéressé que par les problèmes intérieurs et il faisait preuve, tout comme Valéry Giscard d’Estaing, d’une certaine ignorance de la politique du Proche-Orient. Il confondait les options politiques de Barak et de Netanyahou et les stratégies de Pérès et de Sharon. Il fit siennes les idées de ses prédécesseurs gaullistes qui estimaient que, sur le conflit israélo-arabe, il n’y avait aucun sentiment à éprouver. L’opportunisme était de rigueur et l’intérêt économique du pays primait sur les sentiments. Il le démontra à la conférence américaine tenue à Paris en 2000 lorsqu’il accueillit Yasser Arafat en grandes pompes et réserva un accueil froid, sinon hostile, à Ehoud Barak.

Volonté de politique équilibrée

Chirac accueille Arafat à l'Elysée

           Cependant il a fini par comprendre, au fil de son expérience des affaires, que le déséquilibre de sa politique affaiblissait son influence au Moyen-Orient et lui enlevait toute possibilité d’intervenir dans le dialogue israélo-arabe en laissant une place primordiale aux États-Unis. Il décida alors, dès 2002, d’améliorer les relations bilatérales conflictuelles en mandatant en Israël son ministre Dominique de Villepin afin de proposer la création d’un haut comité qui eut des conséquences positives sur les plans scientifique, économique, commercial et culturel.
           Par ailleurs, l’assassinat du libanais Rafik Hariri, grand ami et financier de Jacques Chirac, et le plan de désengagement de Sharon contribuèrent au réchauffement des relations avec Israël. L’intervention d’islamistes dans des manifestations antisémites qui écornaient l’image de la France vis-à-vis des Juifs d’Amérique le poussa à marquer plus de détermination dans sa lutte contre ces extrémistes.
Ehoud Olmert à l'Elysée
           La victoire du Hamas en 2006, organisation inscrite comme terroriste par la France, créa un rapprochement significatif avec les positions franco-israéliennes. La visite en France, durant la même année, d’Ehoud Olmert scella définitivement l’amitié retrouvée. Il avait alors exigé du Hamas la reconnaissance officielle de l’État juif. Bien sûr les divergences, liées à la construction de la clôture de sécurité ou à la création immédiate d’un État palestinien, ne s’étaient pas dissipées mais les conseillers politiques français avaient fini par intégrer l’exigence d’une politique plus équilibrée pour maintenir les intérêts de la France dans la région.
        Arrivé au pouvoir avec une méconnaissance totale du problème israélien, Jacques Chirac a laissé en 2007 une situation fortement rétablie. Son intérêt croissant pour les évènements de la région résultait de sa volonté de faire du problème libanais un problème personnel. Son successeur hérita d’une situation apaisée.

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