PRÉSIDENTS FRANÇAIS : PERTE DE CONTACT
AVEC LA RÉALITÉ
Par Jacques BENILLOUCHE
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Cela est devenu une loi générale appliquée
à tous les présidents de la Vème République, une sorte de malédiction qui les
entraine à perdre le contact avec la réalité. Il n’y a pas d’exception à cette
dérive puisque l’opinion publique sanctionne aussitôt l’élu qui est censé
amener le changement. Enfermé dans son château, le président vit dans une bulle
qui le protège de l’extérieur en le forçant à ignorer l’évolution de l’opinion.
Ses conseillers sont pourtant là pour l’informer, voire l’avertir mais ils se
contentent souvent de le protéger avec l’intention louable, mais inefficace, de le
couper des critiques et des menaces.
Affaires courantes
La question du choix des candidats à
la présidentielle se pose dès lors où les présidents élus ne se montrent pas à
la hauteur de leur tâche ce qui explique, à une exception près, qu’ils sont
rarement réélus. Sûrs de leur légitimité accordée par le suffrage universel,
ils s’estiment nantis du pouvoir ultime de décision avec un sentiment
d’infaillibilité.
François Hollande subit lui-aussi
cette malédiction qui l’éloigne de ses électeurs. Il donne aujourd’hui
l’impression que, candidat par défaut, il n’avait pas suffisamment préparé son
arrivée au pouvoir, occupé qu’il était à mener sa campagne électorale. N'étant pas le favori, il ne
semble pas avoir approfondi ses dossiers tandis que son équipe ministérielle,
constituée au lendemain de sa victoire, était encore sous le feu de la surprise
de la victoire. Avec un aéropage d’énarques, d’experts en militantisme
socialiste et de responsables locaux et régionaux, il était légitime de voir
les dossiers importants déposés sur le bureau du Président, prêts à être votés
et appliqués dès le premier semestre de sa prise de fonction. Cela ne fut pas
le cas et l’on se contenta de gérer les affaires courantes comme l’aurait fait un
gouvernement démissionnaire.
On attendait une refonte générale de
la fiscalité des entreprises et des personnes. On attendait une réforme du
droit du travail pour faciliter et développer l’emploi. On attendait une
réforme de la construction pour permettre le développement des logements avec à
la clef des solutions pour les jeunes couples. On attendait une rénovation des
tissus industriels pour limiter la fermeture des usines et à la fois maintenir
l’emploi et assurer l’indépendance industrielle de la France. On attendait des
mesures incitatives pour garder en France les cerveaux et faciliter le
développement d’entreprises de high-tech. On attendait des règles dynamiques
pour permettre le retour en France des emplois délocalisés parce que le made
in France était une nécessité.
Blocage au sommet
On s’attendait à ce que les nouveaux
ministres réappliquent au pays les recettes qui ont souvent réussi dans les
départements ou les régions. Mais les Barons socialistes, qui ont apporté la
preuve de leur réussite dans leurs fiefs, n’ont pas eu droit à l’exercice
ministériel par crainte que leur forte personnalité n’interfère avec celle du
président. Ainsi en était-il de Gérard Collomb maire de Lyon, de Ségolène Royal présidente du conseil régional de
Poitou-Charentes, de François Rebsamen maire de Dijon et président de la Communauté
d'agglomération du Grand Dijon, de Martine Aubry maire de Lille et présidente
de la communauté urbaine de Lille, d’Alain Rousset président du conseil
régional d'Aquitaine… La liste des élus ayant à leur actif une réussite est
trop longue à énumérer.
François Rebsamen |
En revanche les énarques, sans
expérience de gestion d’une collectivité locale et englués dans leurs théories
universitaires, ne manquent pas. Un patron de PME aurait fait mieux qu’eux. Entrés
dans les ministères avec leur dose de suffisance et leurs certitudes éculés,
ils ont démontré que la France avait besoin de dirigeants qui mettent la main
au cambouis plutôt que de théoriciens de cabinets.
De Gaulle et Giscard d’Estaing
Mais François Hollande n’a pas été
le seul président à vivre loin de la réalité. Le général de Gaulle s’estimait
au-dessus de la mêlée et savait user du recours au peuple avec une volonté affichée
de plébiscite pour asseoir son pouvoir. Sa trop grande personnalité ne lui a
pas permis d’être mis au fait des désidératas d’une jeunesse qui se sentait abandonnée
au point d’avoir suscité mai 1968. Le Général
avait dédaigné d’un revers de main les mises en garde des rares conseillers qui
avaient le courage sinon de s’opposer à lui, au moins d’attirer respectueusement
son attention.
Au lieu de prendre le problème de mai 1968 à bras le corps, il a préféré l’éluder. Tandis que les pavés volaient, que les stocks d’or français passaient les frontières, que la guerre contre le dollar, ourdie par de Gaulle se retournait en offensive spéculative contre le franc, le général de Gaulle avait choisi d’effectuer un voyage officiel en Roumanie, du 14 au 18 mai 1968. C’était le signe flagrant qu’il vivait loin de la réalité.
Au lieu de prendre le problème de mai 1968 à bras le corps, il a préféré l’éluder. Tandis que les pavés volaient, que les stocks d’or français passaient les frontières, que la guerre contre le dollar, ourdie par de Gaulle se retournait en offensive spéculative contre le franc, le général de Gaulle avait choisi d’effectuer un voyage officiel en Roumanie, du 14 au 18 mai 1968. C’était le signe flagrant qu’il vivait loin de la réalité.
De Gaulle en Roumanie |
Valéry
Giscard d’Estaing préférait le grand monde et toisait ses concitoyens
même s’il voulait se donner l’allure d’un président simple en se faisant
inviter dans des familles françaises. Il passait ses vacances dans les chasses
d’Afrique au contact de chefs d’État douteux, souvent à ses bottes, parce
qu’ils savaient qu’ils détenaient le pouvoir grâce à la France, la fameuse Françafrique,
et qu’ils risquaient d’être renversés s’ils montraient des velléités d’échapper
aux ordres. Il préféra se fourvoyer avec l'Iran pour des problèmes d'approvisionnements de pétrole mais vendit son âme tout en ignorant ce qui se tramait au plus profond de la France. Il
en paya les conséquences en étant renvoyé à ses études en 1981.
Mitterrand, Chirac et Sarkozy
Malgré leurs états de services,
Mitterrand et Chirac n’avaient pas la réputation d’être des présidents
compétents. Mitterrand ne connaissait rien à l’économie et ne parlait aucune
langue étrangère. Il faisait partie de cette génération de Français élevés aux
belles phrases mais insensibles aux sujets économiques. Mais, souffrant depuis
1978 d’un cancer de la prostate, il
n’était plus disponible pour les tâches de sa fonction et il s’éloigna des réalités
du pays. Il changea de politique et de gouvernement en laissant transpirer la
haine pour les dirigeants efficaces, Michel Rocard en particulier qui lui
faisait de l’ombre, et en se réfugiant auprès de partisans amoureux de sa personne plutôt que de sa
politique.
Jacques Chirac, énarque formé aux
disciplines de l’État, était tout aussi incompétent que Mitterrand. Sa seule conviction
était fondée sur l’opportunisme en politique et sur la trahison puisqu’il
changea d’opinion à plusieurs reprises, à l’égard d’Israël en particulier. En
fait, il n’aimait le pouvoir que pour le pouvoir. Il ne disposait d’aucune
compétence pour la fonction présidentielle et n’avait été élu que par défaut,
sur une mauvaise campagne électorale d’Édouard Balladur et de son directeur de
campagne, Nicolas Sarkozy. D’ailleurs il s’y est pris à plusieurs reprises sous
les quolibets de ses amis et de ses adversaires. Ignorant la réalité des faits, Jacques Chirac
a collectionné les affaires en se protégeant derrière des grognards prêts à tout pour défendre leur
chef, même à endosser la responsabilité de ses affaires.
Jacques Chirac n’avait pas mesuré son éloignement de
la réalité parce qu’il était masqué par sa victoire quasi burlesque au deuxième tour avec 82 % des voix. Il n’avait
pas anticipé l’échec du référendum sur la Constitution européenne de mai 2005 ni
le développement d’une grave crise démocratique en France, que l’élection de
Nicolas Sarkozy en 2007 était censée résoudre.
Élu en 2007, Nicolas Sarkozy dût
lui-aussi subir un effondrement dans les sondages, dès le début de 2008, et un
échec aux élections municipales de mars 2008. Pourtant ses intentions étaient originales.
Il s’était donné pour tâche de consacrer l'impartialité de l'État et l'exemplarité de l'exécutif. Mais il s’est vite entouré de favoris et de
courtisans, de repentis et de transfuges, de prises de guerre opposés à des
conseillers déçus et recalés. Contraint de tout faire, il était devenu un
président inabordable et inaccessible qui tenait à ignorer les mises en garde
de la presse assimilée par lui à une presse de caniveau, de l'opposition et
surtout de ses amis historiques qui devaient ainsi entériner le décrochage avec
la réalité et le mener à la défaite de 2012.
La malédiction des présidents
perdure et le sort s’acharne sur ceux qui auraient pu modifier le cours des
choses à l’instar de Michel Rocard, de Lionel Jospin ou d'Alain Juppé que le sort, la maladresse
de leurs alliés et les rivalités internes,
ont écarté d’un poste qui les aurait transcendés.
une pénétrante analyse de l'incapacité de nos présidents!
RépondreSupprimerBonjour à tous/ toutes et merci à Jacques BENILOUCHE. Voici le lien qui explique comment s'appellent les troubles de François HILLANDE. La réflexion serait de remettre les ministères aux personnes les plus qualifiées, qu'elles soient de droite ou de gauche. SARKOZY, c'est vrai a essayé et n'a pas réussi ou bien, il a été trahi par tous ceux en qui il plaçait sa confiance. Pour moi et c'est une opinion personnelle, des ministrables sont sur la touche et pourtant, ils ont l'expérience, la capacité, le savoir, le carnet d'adresses, je pense à Alain MADELIN, à GATTAZ, à ARTUIS, LAMY et bien d'autres.
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RépondreSupprimerCher monsieur Benillouche,
Vous ayant lu, je suis renforcée dans l'idée que nos institutions touchent à leur limite.
Cela étant dit, je note cependant que François Hollande est le seul candidat ayant accédé à la présidence qui n'ait pas eu la moindre expérience du gouvernement puisqu'il n'a même jamais été ministre. Peut-on gouverner la France comme si c'était le Parti Socialiste ? La réponse est visiblement : NON !
A son arrivée au pouvoir François Hollande qui était attendu sur une grande réforme de la fiscalité, sur une redynamisation de ce qu'il restait de notre outil industriel, a préféré, en bon idéologue socialiste, imposer aux Français ce "changement de civilisation" du mariage des homosexuels - que personne n'attendait vraiment - pour complaire à un lobby ultraminoritaire de ses amis.
C'est la faute originelle de son "règne" qui va durablement diviser le peuple français qui a compris que ce régime allait abandonner toutes les valeurs auxquelles il s'accrochait encore telles que la famille, l'entreprise, la Nation.
Aujourd'hui l'Etat est déboussolé et semble ne plus savoir à quel saint se vouer devant la fronde qu'il a lui-même suscitée.
Et comme, sous la Vème République, le pouvoir appartient au Président, et à lui seul, on peut prédire, sans chances de se tromper, qu'un remaniement, un changement de Premier ministre, ne réussiront pas à calmer la colère du peuple si ces mesures ne s'accompagnent pas d'un changement radical de politique, ce qui ne semble pas être à l'ordre du jour, puisqu'on nous rabâche que "le cap est bon".
Très cordialement.