La famille Safra, Jacob Safra en famille |
Les familles Safra et de Picciotto originaires d’Alep
et de Beyrouth sont des acteurs de premier plan dans la vie financière et
sociale de la région et du monde. Alep, au nord-ouest de la Syrie, est au 19ème siècle, la
3ème ville de l’empire ottoman et un grand centre de commerce entre l'Est et
l'Ouest. La famille Safra a financé le commerce et a échangé des devises de plusieurs pays
d'Asie, d'Europe et d'Afrique, comme le thaler de Marie-Thérèse, ainsi que des
lingots d’or et d’argent. La banque Safra frères et Cie fondée à Alep au milieu
du XIXe siècle, connait une forte expansion qui incite la famille à ouvrir
des branches à Istanbul, Alexandrie et Beyrouth.
Synagogue Safra à Ramat Aviv |
Jacob Safra Alep 1891 – Sao Paulo 1963
En 1920, Beyrouth est le siège de la banque Jacob
Safra qui portait le nom du patriarche et qui devint la banque de choix pour de
nombreuses familles juives syriennes et libanaises. Jacob
épouse sa cousine Esther dont il a quatre fils : Élie, Edmond, Joseph et
Moïse et quatre filles, Evelyn, Gabi, Arlette et Huguette. Il préside aux destinées de la communauté juive de
Beyrouth.
La synagogue de Bhamdoun fut édifiée en 1945 par cinq hommes d’affaires
dont Jacob E Safra.
Mariage à Bhamdoun, photo de mariage de Miro et Norma Dabbah Sutton par le grand rabbin du Liban Chrem le 15 juillet 1962 |
En 1949, Jacob Safra s'installe en Italie, puis au Brésil en 1952. En 1955, il fonde avec ses quatre fils, la première institution financière au Brésil, le Groupe Safra, l'un des plus grands groupes bancaires internationaux avec des branches en Asie, Europe, Afrique et Amérique du Sud. Jacob Safra avait été parmi les grands donateurs de la yeshiva Porat Yossef, dans la vieille ville de Jérusalem, créée par des Juifs d’Alep et datant des années 1940. Il est décédé le 27 mai 1963 à São Paulo. Pour faire revivre sa mémoire, ses fils ont construit le Safra Square à Jérusalem.
Edmond J Safra 1932-1999
Edmond
Safra a quinze ans en 1947, lorsque son père l'envoie s'installer à Milan. Parlant couramment six langues et ayant le
sens de la valeur, de la gestion du risque et du potentiel personnel, Safra
était en perpétuel mouvement jusqu'à sa mort tragique en 1999. L'empire
financier moderne et mondial qu'il a bâti reposait sur des principes
intemporels : un banquier doit protéger ses déposants, éviter les effets de
levier et les risques excessifs.
Edmond Safra 16 ans, Genève, prenant son petit déjeuner en 1948 |
«Edmond parcourait les banques centrales d’Europe en achetant de l’or. Quand il
avait 20 ans et que la famille devait quitter Beyrouth, c’est Edmond qui a
décidé que la famille allait au Brésil». Son père avait
déjà la soixantaine et Edmond était en fait un père de substitution pour ses
deux jeunes frères. C’était un prodige de la finance dont l’éthique
pénétrait profondément dans la Torah. Dès son jeune âge, Safra a assumé le rôle
de leader au sein de la communauté juive syro-libanaise, apportant une aide
personnelle, soutenant les communautés qui se sont formées en exil et défendant
les efforts religieux et éducatifs séfarades en Israël et dans le monde. Son
patrimoine personnel et ses banques étaient les véhicules pour protéger
l’épargne des gens, pour les aider à démarrer dans l’exil.
Edmond
se rendait à Beyrouth jusqu’à l’époque de la guerre civile. C’était un
banquier et un philanthrope. Il était l’héritier d’une famille bancaire
multigénérationnelle, Il a conservé sa nationalité et son passeport
libanais toute sa vie, après la guerre civile et après la guerre de 1982 et le
siège de Beyrouth par Israël. Il possédait toujours la Banque de Crédit
National de son père Jacob, BCN, la banque que son père a fondée en 1920 et a
continué à fonctionner jusqu’à sa mort en 1999. Il avait d’autres banques dans
le monde valant des milliards. Pourtant, il s’accrochait farouchement à
cette petite banque et à sa citoyenneté.
Jacob
avant lui, avait une révérence particulière pour Rabbi Meir Baal Haness, l’érudit
tannaïtique de l’époque romaine, dont la tombe à Tibériade est devenue un
sanctuaire. Dans les années 1950, Edmond a envoyé de l’argent à Tibériade
pour rénover les ruines du sanctuaire au nom de son père. En 1977, le rabbin de
Beyrouth Yaakov Atiya a fait son aliyah, s’est installé à Bat Yam et au cours
des quatre années suivantes, Safra a construit à lui seul la synagogue
libanaise, inaugurée en 1980.
Safra à Bat Yam avec le grand rabbin Ovadia Yossef et le rabbin Yaacov Atiya son rabbin de Beyrouth |
Genève Jacob
Safra junior, le milliardaire discret
Jacob Safra |
Jacob Safra est un homme discret, comme son père
Joseph, deuxième fortune du Brésil. Comme son oncle aussi, Edmond, qui vécut
40 ans à Genève avant de vendre la Republic National Bank à HSBC en 1999
et de succomber dans un tragique incendie à Monaco. Jacob Safra marque le grand
retour de sa famille en Suisse. La fortune de son père est estimée à
18 milliards de dollars par Forbes. Mais surtout le groupe familial peut
s’appuyer sur des fonds propres de 4,1 milliards de francs.
Edgar de Picciotto
En 1850 les Juifs commençaient à s’installer hors de Beyrouth dans un quartier qui s’appelait Wadi-Abou Jamil. La famille Picciotto venant d’ALEP y a construit une magnifique et immense maison.
Maison Picciotto 1860, Beyrouth |
Un génie de la finance. Le
compliment revient souvent lorsque les observateurs parlent d'Edgar de
Picciotto. Après une enfance passée au Liban, il étudie la chimie à Mulhouse et
n'embrasse la carrière bancaire qu'après son mariage, en 1954. Sa belle-famille
dirigeait la Société Bancaire de Genève, société qu'il doit quitter, pour des
raisons personnelles, à 40 ans. Il décide alors de lancer son propre
établissement, la Compagnie de Banques et d'Investissements (la CBI), en 1969,
alors qu'aucune banque n'avait été créée à Genève depuis 1936. Edgar de
Picciotto a l'audace de son côté. Il rachète plusieurs banques dont la
TDB-American Express Bank, dix fois plus grosse que la CBI. L'Union Bancaire
Privée était née.
Une histoire de famille
L’Union Bancaire Privée (UBP) est l’une des plus grandes banques
privées à actionnariat familial du monde. Mais ce qui fait de l’UBP une banque
réellement unique, c’est sa culture d’entreprise, empreinte de modernité et de
tradition. Trouvant ses origines dans le
Portugal des grandes découvertes, la famille de Picciotto conjugue, depuis dix
générations, l’art du négoce et de la diplomatie. Illustrée par une longue
lignée de commerçants et de consuls de grande envergure. L’histoire des Picciotto
s’ouvre sur un exil. Forcés par décret royal à la conversion – comme nombre de
familles juives vivant au Portugal et en Espagne au tournant du XVe siècle –,
ils décident de quitter la péninsule Ibérique pour le bassin méditerranéen. On
les retrouve en 1630 à Livourne, en Toscane, où ils s’occupent de commerce
maritime, mais aussi à Alep, en Syrie, qui au XVIIe siècle s’impose encore
comme une étape incontournable sur la Route de la soie. L’un des membres de la
famille y fait alors fortune en important sur place des articles européens et
en exportant vers le Vieux Continent des dattes d’Irak, du moka d’Arabie, du
mastic de Chios, des perles fines de la mer Rouge, et même des plumes
d’autruche en provenance d’Afrique.
Une dynastie consulaire. À Alep, les Picciotto ont su
gagner l’estime et la considération générales. En 1784, alors que fleurissent
un peu partout des représentations consulaires, Raffaele Picciotto est choisi
par la famille Habsbourg pour représenter les intérêts autrichiens dans la
région. Promu Consul général, il se verra attribuer un diplôme de Chevalerie,
faisant dès lors précéder son nom de la particule nobiliaire. Ses descendants
marcheront dans ses pas, menant de brillantes carrières diplomatiques et
représentant, en plus de l’Autriche-Hongrie, pas moins de quarante États, dont
la Toscane, le Danemark, la Suède, la Norvège, la Prusse, la Belgique, les
Pays-Bas, la Russie, l’Espagne et les Etats-Unis. Avec l’ouverture du canal de
Suez et les conquêtes coloniales du XIXe siècle, le prestige d’Alep finit
toutefois par s’estomper. La famille décide alors de déplacer ses activités
commerciales vers Beyrouth, une ville d’avenir, où elle possède des entrepôts à
proximité du port.
Dépositaire d’une tradition Né au Liban le 4 octobre 1929,
Edgar de Picciotto grandit avec ses deux frères dans un milieu où rigueur rime
avec discipline. Cette éducation stricte l’amènera à placer l’éthique au cœur
de sa vie professionnelle et personnelle. Son enfance sera également marquée
par les discussions familiales autour du négoce et des affaires, développant en
lui cette capacité à prendre des risques calculés et à investir dans des
domaines nouveaux.
L’intelligence de la finance Edgar de Picciotto s’installe en
Suisse en 1954, à la suite de ses études. Il découvre la City de Londres, et
surtout les Etats-Unis, où le modèle de croissance par fusions et acquisitions
attire tout particulièrement son attention. Edgar de Picciotto crée en 1969 la
Compagnie de Banque et d’Investissements (CBI) et l’UBP atteint en cinq
décennies ce que d’autres banques ont mis plusieurs siècles à accomplir.
Edgar de Picciotto |
En
1973, le président Nixon suspend la convertibilité du dollar en or. Dès
l’annonce de la nouvelle, Edgar de Picciotto convertit immédiatement le capital
de la Banque en or, et tous les dollars en francs suisses. Sept ans plus tard,
le billet vert s’est déprécié de moitié, et l’or est passé de 70 à
800 dollars l’once. Une culture inspirée par des convictions On a
souvent qualifié Edgar de Picciotto de visionnaire. Or, chez lui, cet atout ne
se limite pas au sens de l’anticipation ou à l’intuition : il repose avant tout
sur une capacité à penser autrement. «Hier n’existe plus, c’est demain qui
compte». (Edgar de Picciotto)
Guy de Picciotto, le consolidateur
Guy de Picciotto |
Guy de Picciotto, fondateur de l'UBP, a placé sa
famille aux postes clés. Guy de Picciotto qui a longtemps évolué dans l’ombre de son père Edgar, a
repris la direction de la banque.
Edgar avec Daniele |
«Le 4 octobre 2008, quelques amis étaient réunis pour fêter en chanson
l'anniversaire de celui qui revenait après tant d'années et pour qui ils
s'écriaient : « Arriva Edgar de Picciotto, croqueur d'amour, œil de
velours comme une caresse, Edgar l'amoroso, toujours vainqueur, jamais sans
cœur et surtout plein de tendresse, partout c'était le top quand il
parlait : finances, peintures, sculptures et tutti quanti. » Ceci se
passait à l'Albergo de Beyrouth où notre hôte s'était installé avec ses meubles
afin de mieux vivre au quotidien son amour pour Danielle qui l'avait ramené au
pays et qu'il épousait un an plus tard, jour pour jour, le 4 octobre 2009 à
Genève ». Marie (Mégarbané OLJ, 24 mars 2016)
Maghen Abraham 2020 |
Edgar de Picciotto est décédé le 13 mars 2016. Son épouse Daniele Bassoul de Picciotto a invité ses amis à visiter la dernière synagogue restante à
Beyrouth. Daniele a financé la restauration de la synagogue Maghen Abraham en
l'honneur de son défunt mari.
Très bon article sur une grande famille, mais qu'ont ils fait pendant la Shoah...?
RépondreSupprimerEt après, ont ils aidé les survivants...?
C'est certainement le cas mais dans l'article...ça manque énormément...
Les Juifs ont toujours brille dans les affaires bancaires couplees par des liens diplomatiques. Apres cette presentation de banquiers juifs libanais, je suggere a l'auteur de se pencher sur les banques et negociantts irakiens qui ont deborde sur l'Asie du Sud-Est, les familles Sasson, Kadoorie, etc.
RépondreSupprimerIl y eut egalement en Europe occidentale la famille de Camundo qui joua un role important dans les finances internationales, enfin il ne faut pas negliger les plus grands, la famille Rothschild qui exerca une influence profonde sur les relations internationales en Europe et ailleurs.
Article fascinant, destins tragiquES
RépondreSupprimerM. Kabi, je vous recommande la lecture du livre "Un homme d'influence", de J. Attali, et qui raconte, un peu, la vie de la famille Warburg et, aussi un peu, l'avènement de la seconde guerre mondiale, et beaucoup de ce que fût l'émergence de la "haute finance" en cette période avec cet homme.
RépondreSupprimerhttps://en.wikipedia.org/wiki/Siegmund_George_Warburg
à Deux nids
RépondreSupprimerEn avril 2110 un partenariat entre le Mémorial de la Shoah à Paris et la Fondation Safra permit la création d'un institut Edmond J. Safra.
La mission de cet institut étant de promouvoir les actions pédagogiques du Mémorial de la Shoah.
En 2015, alors qu’elle présidait la fondation Edmond J Safra, Mme Lily Safra avait fait don d’un million d’euros à la Fondation Auschwitz-Birkenau pour la préservation du site et les initiatives éducatives de la Fondation.
Edmond et Lily Safra avaient été parmi les premiers bienfaiteurs du programme « March of the Living » [marche des vivants] qui a permis, depuis 1988, à 200 000 élèves du monde entier de visiter le site d’Auschwitz.
Lily Safra est née à Porto Alègre, au Brésil, de parents juifs immigrés. Son père Wolf Watkins, était un ingénieur d’origine tchèque et britannique qui a prospéré au Brésil et en Uruguay, et sa mère Annita Noudelman, dont la famille a fui les pogroms d’Odessa pour se réfugier au Brésil. Lily Safra est décédée en juillet 2022
Edgar de Picciotto est né en 1929 et était un enfant puis un adolescent pendant la seconde guerre mondiale. Par la suite, sa fondation définit des programmes éducatifs généraux