Netanyahou entouré des orthodoxes |
Netanyahou et ses alliés |
Les
seuls alliés de Benjamin Netanyahou pour assurer sa survie politique sont cinq
partis religieux : deux partis ultra-orthodoxes ashkénazes ; un parti
orthodoxe séfarade – le Shass d’Arie Dehry, délinquant multirécidiviste et dont
la nomination comme ministre a fait l’objet d’un arrêt négatif de la Cour
Suprême ; le parti kahaniste et suprémaciste d’Itamar Ben Gvir, et le
parti «messianiste» de Bezalel Smotrich – dont le chef spirituel
soutient l’établissement d’une théocratie (2) -, associés dans une même liste pour
l’élection. Électron libre élu avec ces derniers, l’homophobe Avi Maoz et son
micro-parti Noam, dont Haaretz vient de publier un portrait inquiétant (3),
qui a été nommé par Netanyahou vice-ministre «chargé de l’identité
nationale juive d’Israël».
Quelle
vision des femmes ont en commun ces différentes «nuances de noir» ?
Comme dans toutes les religions monothéistes, l’idéal féminin n’est pas associé
à un quelconque pouvoir dans le Judaïsme. Certes, le patriarcat n’est pas une invention
religieuse. Mais la loi divine a longtemps accompagné une domination
masculine. Les religions ont longtemps freiné toute évolution ; et la
libération du corps féminin a été le fruit d’une longue lutte, avec par exemple
le droit à l’avortement qui remonte seulement à une cinquantaine d’années en
France ; ou la révolte des Iraniennes, qui au bout de 40 ans descendent
dans la rue en refusant de sortir voilées.
Femmes du gouvernement 2021 |
Cette
domination s’affirme dans l’exercice du culte, avec toute la symbolique
associée : la religion catholique s’articule hiérarchiquement sur un Pape
et des clergés tous masculins ; l’islam réserve la portion congrue aux
femmes, en termes de statut personnel ou d’exercice du culte ; et le judaïsme
orthodoxe – celui des origines, et avant la naissance des courants libéraux au
19ème siècle – a sévèrement codifié les droits des femmes, alors
même que le récit biblique mentionne des héroïnes ayant joué un rôle
déterminant dans l’Histoire juive, de Débora qui fut Juge et Prophétesse à la
Reine Esther. Deux exemples marginaux mais frappants de discriminations :
les autorités rabbiniques ont décrété le chant de la femme impur (la voix
exprimant la nudité, la halakha stipule qu’une femme ne doit pas chanter
en présence d’hommes, de peur de les détourner de la prière) ; avec la
même notion d’impureté et de tentation, les médias ultra-orthodoxes refusent de
publier des photographies féminines, et cela a été particulièrement abject
quand ils ont mentionné récemment des victimes du Covid.
Une
analyse de la nouvelle Knesset (4) révélait un recul indéniable de la
proportion de femmes parmi les députés : elles étaient 35 dans l’Assemblée
sortante, elles ne sont plus que 29 dans la nouvelle. Si on rapporte ces
chiffres au total de sièges (120), elles représentent aujourd’hui moins d’un
quart des élus, alors que par comparaison en France le pourcentage d’élues est
de 37% - et ce n’est pas du tout un record dans l’Union Européenne. Mais si on
examine plus en détails l’affiliation des députées israéliennes, le constat est
encore plus accablant : elles sont seulement 9 appartenant à la nouvelle
majorité, et 20 à l’opposition. Pour rappel aussi, ce qui doit être vécu comme
une gifle dans une bonne partie de l’électorat féminin : deux dirigeantes
de partis – Ayelet Shaked pour le parti de droite Yamina et Zehava Gal-On pour
le parti de gauche Meretz – ont disparu des bancs de la Knesset : la faute
au mode de scrutin qui, du fait d’un seuil à 3,25% des voix, a éliminé de
l’Assemblée leurs formations. Faut-il rappeler, aussi, que les alliés
orthodoxes de Netanyahou interdisent toutes candidatures féminines dans leurs
listes ?
Cinq femmes au gouvernement 2023 |
Ceci
ne pouvait que se refléter dans la composition du nouveau gouvernement, par
comparaison au précédent. Voici la liste des ministres femmes du cabinet
Netanyahou (on relèvera au passage certains intitulés loufoques) : cinq du
Likoud, Miri Regev aux transports, Galia Gamliel au «renseignement»,
Idit Silman à l’environnement, Gadit Distel Atbaryan à la «diplomatie
publique» et May Golan «rattachée au Premier Ministre». Et deux
ministres du parti de Smotrich, dont Orit Struck chargée des «missions
nationales» et qui a tout de suite frappé très fort en suggérant que des
médecins refusent de soigner des patients «à l’encontre de leurs convictions
religieuses». Soit 5 sur 37 au total, alors qu’elles étaient 8 sur 26 dans
le précédent cabinet. À noter, enfin, que le pourcentage actuel est tout à fait
indigne au regard des normes actuelles dans les pays démocratiques.
Des
femmes donc qui peuvent légitimement se sentir marginalisées dans la
représentation politique, alors même qu’elles sont montées en responsabilités
dans tous les secteurs de la société civile, de l’économie et aussi dans
l’armée, institution vitale pour un pays dont la sécurité est toujours menacée.
Faut-il rappeler aussi que cette ascension ne date pas d’hier ? Israël a
été un des premiers États dirigés par une femme Premier Ministre, Golda Meïr. Longtemps
avant que les personnels des armées se féminisent à travers le monde, Tsahal
était fier de faire défiler ses soldates, soumises au service militaire
obligatoire comme les jeunes appelés de 18 ans. Mais aujourd’hui, elles sont en
plus admises dans quasiment toutes les unités combattantes et sont de plus
en plus nombreuses dans les différentes unités de la police. Comment beaucoup
d’entre elles ne seraient pas révoltées en pensant aux dirigeants du judaïsme
ultra-orthodoxe, obtenant par leur chantage que Netanyahou dispense les élèves
des Yeshivas de faire leur service militaire alors qu’elles risquent
leur vie pour assurer la sécurité de grossiers personnages les stigmatisant comme
«impures» ?
Soldates dans un hélicoptère de recherche |
Par
une amère ironie, alors que Yariv Levin, ministre de la Justice du nouveau gouvernement,
veut faire voter dans les plus brefs délais une série de lois destinées à
détruire l’indépendance de la Justice et tout recours possible auprès de la
Cour Suprême. J’y reviendrai dans un autre article. Se dressent contre lui deux
femmes qui ont encore les plus hautes responsabilités : Esther Hayut, présidente
de la Cour, et Gali Baharav-Miara, procureure générale de l’État.
D’une
manière plus concrète pour le statut des femmes et leur défense contre les
discriminations, on peut noter déjà une information révoltante si elle se
concrétisait : «Israël devrait ne pas adhérer à la Convention
d’Istanbul sur la lutte contre les violences envers les femmes. C’est en effet
une demande du parti de Bezalel Smotrich, à laquelle Benyamin Netanyahou a
décidé d’accéder et qui figure dans l’accord de coalition. Le ministre sortant
de la Justice, Gideon Saar, avait fait pression pour qu’Israël adhère au traité
international de 2011 signé par 45 pays et l’Union européenne, qui oblige les
gouvernements à adopter une législation permettant de poursuivre les violences
domestiques et les abus similaires ainsi que le viol conjugal et les mutilations
génitales féminines». (5)
Susan Weiss |
Susan Weiss a écrit un long et très documenté article sur son blog du Times of Israël (6), intitulé «Quatre raisons pour lesquelles la clause dérogatoire devrait terrifier les femmes». Elle a fondé l’ONG «Justice pour les femmes», et suit de près ce qu’ont été les actions – et les limites - de la Cour Suprême pour leur défense. Extrait du début : « La clause dérogatoire proposée, un mécanisme qui permettrait à la Knesset d’Israël d’annuler une décision de la Cour suprême jugeant une loi inconstitutionnelle, est mauvaise pour nous, Israéliens – hommes, femmes, minorités, personnes de quelque orientation sexuelle que ce soit. C’est particulièrement mauvais pour les femmes juives lorsque leurs droits sont contestés au nom de la religion, de Dieu et du peuple juif».
Susan
Weiss donne des exemples précis pour quatre domaines. 1/ La ségrégation
sexuelle. En 2011, la Cour a jugé que la ségrégation coercitive dans les bus
publics était une violation de l’égalité et de la dignité. Cela a pris quatre
longues années ; 2/ La discrimination au travail. La Cour Suprême a
accepté la plupart des requêtes réclamant l’égalité des chances en matière
d’emploi, elle est parvenue aussi à ouvrir aux femmes la voie pour siéger dans
les conseils religieux municipaux, ou soumettre leur candidature à des postes
administratifs clés au tribunal rabbinique d’État ; 3/ Les services
religieux. Normalement ils devraient pouvoir être proposés à tous les citoyens
sans discrimination, alors que le rabbinat maintient son refus d’admettre dans
les mikvés – bains rituels – des femmes célibataires ; 4/ Les
droits de propriété des femmes mariées. Pour rappel, la Halakha (loi
juive) considère qu’il n’y a pas de propriété commune dans un mariage, tous les
biens et revenus appartenant exclusivement à son mari. La Cour Suprême a pu
faire pression pour que la loi civile s’applique exclusivement, mais demain un
retour en arrière n’est pas du tout exclu.
Un
hasard de calendrier a fait que je fasse une lecture détaillée d’une note
récente de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) - «Maghreb :
l’impact de l’islam sur l’évolution sociale et politique» -, en vue de
l’interview de son auteur, Madame Razika Adnani. Elle relève un impressionnant
recul des libertés, surtout en Tunisie où la nouvelle constitution de juillet
2022 supprime toute référence aux droits de l’homme, et en Algérie où la
liberté de conscience n’est même plus reconnue. Elle relève en parallèle le
retour en force de l’islam, dans les constitutions mais aussi dans le cadre
juridique. Elle note que «le renforcement du discours religieux a fait
reculer le droit. Des individus de plus en plus nombreux prétendent imposer les
lois de la religion et l’autorité des traditions, même quand elles vont à
l’encontre de la loi, convaincus qu’elles sont plus légitimes, qu’il est de
leur devoir de croyant d’ordonner le convenable et interdire le blâmable».
Bien entendu, tout ceci s’accompagne d’un recul des combats féministes, et de la
prolifération de signes ostentatoires comme le voile islamique. Et si ce
cauchemar se transposait en Israël, et plus rapidement qu’on ne l’imagine ?
(1) https://benillouche.blogspot.com/2022/11/israel-en-route-vers-une-theocratie.html
(4) https://fr.timesofisrael.com/a-quoi-va-ressembler-la-25e-knesset/
(6) https://blogs.timesofisrael.com/four-reasons-the-override-clause-should-terrify-women/
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Merci monsieur Corcos pour cet article. Il met en perspective la dimension féminine qui se réduit en Israël comme elle se réduit dans bien des pays. La religion ne fait pas bon ménage avec les femmes, elle les contraint, les soumet au diktat des hommes.
Lors d’un interview le Grand Rabbin Ernest Gugenheim eut une réponse étonnante :
- Toutes les professions sont-elles ouvertes aux femmes, et à tous les niveaux?
« -….Il n'apparaît pas souhaitable qu'une femme occupe un poste supérieur à celui de son mari car c'est une situation susceptible d'engendrer des conflits dans la vie du couple. Le judaïsme n'aime pas beaucoup les princes consorts... »
Je termine avec cette citation de Simone de Beauvoir qui devrait rester à l’esprit de chacune de nous en ces temps perturbés:
"N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant."
Bien cordialement
Si les reformes du systeme judiciaire sont adoptees, et il n'y a aucun obstacle a ce qu'elles ne le soient pas, une pluie d'annulation de lois apparaitra. Entre autre, l'interdiction de la conscription des femmes, mais aussi la presence d'enseignants ultra-orthodoxes dans les ecoles laiques, avant la disparition de ces ecoles, l'annulation de 2 Lois fondamentales, celle instituant les droits civiques et celle instituant la liberte de l'emploi.
RépondreSupprimerTout cela pour que Bibi soit reconnu innocent et blanc comme neige et ca, les religieux feront tarder les choses afin d'obtenir leurs revendications.
Bref, l'Etat d'Israel est a 2 pas de sa desintegration a la grande joie de tous nos voisins.
Cette desintration a toujours le plus vif souhait des ultra-orthodoxes, mais ces derniers seront egorges de la meme facon que les laics ou forces a se convertir a l'Islam.
Entre temps, je profite de la joie de vivre de mes petits-enfants.
On parle ici du droit des femmes. Tout ce qui va à l’encontre d’une société ouverte fait régresser cette société. Les rivaux de P Aghion, professeur au Collège de France, sont implacables : les états avec des universités ouvertes et libres, et une égalité homme-femme, accèdent à plus de richesses, de liberté, de découvertes que les autres.
RépondreSupprimerPourvu que les Israéliens se réveillent.