Beyrouth Livres |
Du 19 au 30 octobre 2022, Beyrouth
accueillait son premier festival littéraire francophone. L'Institut français du
Liban invitait le public libanais à (re)découvrir la littérature francophone à
travers plus d'une centaine de rendez-vous mêlant écrivains, invités et
artistes de la scène. Acteur
essentiel de la politique culturelle extérieure de la France, l’Institut français
est investi d’une mission de service public : promouvoir la culture et la
langue françaises dans le monde, soutenir la mobilité́ internationale des
talents, contribuer à l'accueil des cultures étrangères en France. Plus
de 90 auteurs de 8 nationalités différentes s’étaient donné rendez-vous à
Beyrouth Livres. Mais voilà.
L'Institut français du Liban |
Le Ministre libanais de la Culture, Mohammad Mortada,
membre du Mouvement Amal allié au Hezbollah, titulaire d’une licence en
Histoire de l’Université islamique, a critiqué le 8 octobre,
dans un tweet, la présence d'auteurs «ayant embrassé les projets sionistes dans la
pensée et dans la pratique, les soutenant aussi bien dans leurs travaux littéraires
que dans leur vie quotidienne». Il poursuivait en
s’adressant aux autorités françaises, : «Votre pays ne permettrait pas à des militants
du Liban de se rendre dans (votre) pays pour critiquer le droit des pratiques
sionistes, et en retour nous ne permettrons pas à des sionistes de diffuser le venin du sionisme au Liban, même
si, en apparence, ils semblent détenir les passeports de votre pays».Mohammad Mortada
Contraint
d’effacer son tweet, Mohammad Mortada n'est pas revenu sur ses propos,
interrogé par l'Orient-Le Jour, il explique :
«Nous
avons eu vent de la participation à l’événement d’auteurs connus pour
promouvoir une pensée israélienne et nous nous demandons ce qu’ils viennent
faire au Liban. Nous avons fait nos recherches et avons effectivement trouvé
que plusieurs d’entre eux ont de tels projets et nous avons fait part de nos
réserves à l’ambassadrice française».
Les cinq auteurs qui sauvent l’honneur
Éric-Emmanuel Schmitt |
Cinq
auteurs français ont visiblement pris acte des propos de Mortada, et annoncé
l'annulation de leur participation à Beyrouth Livres. Parmi eux, quatre membres
de l'Académie Goncourt, à savoir Éric-Emmanuel Schmitt, Tahar ben Jelloun,
Pascal Bruckner et Pierre Assouline, qui pointent «la dégradation générale de la situation au
Liban» ; ainsi que Selim Nassib, né à Beyrouth dans une
famille juive en 1946 et auteur du roman Le tumulte [1], publié récemment
par Albin Michel, qui a renoncé lui aussi au déplacement à Beyrouth Livres. Il
évoque dans un communiqué une allusion du ministre qui l'a «profondément
dégoûté».
Sélim Nassib |
L'Académie
Goncourt n’a pas condamné les propos du ministre et a maintenu sa participation
à Beyrouth Livres.
Les Académiciens Camille Laurens, Philippe Claudel, Didier Decoin et Paule Constant entourant la romancière Salma Kojok qui animait le débat au musée Sursock. Photo Michel Sayegh |
Yaël German, ambassadrice d’Israël
en France, a publié un communiqué de presse dans lequel elle s’est émue que les
propos du ministre n’aient pas été «fermement condamnés par la direction de
l’académie Goncourt» et affirme que «le
silence de l’Académie Goncourt est un terrible affront aux valeurs de liberté,
de tolérance et d’ouverture qui caractérise la République française. L’histoire
nous enseigne que ceux qui détournent le regard face à la bête immonde sont les
complices directs de l’antisémitisme». Elle accuse l’Académie
Goncourt d’être «les complices directs de l’antisémitisme».
Yael German |
«Ne venez pas,
nous intime M. Mohammad Mortada? Raison de plus pour refuser de faire
le jeu du Hezbollah, et donc y aller malgré ses injonctions inacceptables. Le
lieu a été choisi par solidarité vis-à-vis de la capitale du Liban, durement
éprouvée par l’explosion dans son port». Une belle hypocrisie car cette
fameuse explosion qui a dévasté le port de Beyrouth est sans doute de la
responsabilité du Hezbollah qui s’est toujours opposé à ce qu’il y ait une
enquête ! Soutien complice de l’ambassadrice
française et de la France qui ont choisi de ne pas soutenir ses ressortissants
et de ne pas protester contre les déclarations du ministre libanais. Quant au
Liban officiel, il conserve sa place sur «la liste de la honte»
onusienne, Beyrouth ayant une nouvelle fois voté contre une résolution
condamnant le régime iranien pour répression des manifestants et violation des
droits de l’homme, le 9 novembre 2022.
Le Sommet de la Francophonie
Sans surprise, Louise Mushikiwabo, l’anglophone à la
tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a été
reconduite à son poste pour quatre années supplémentaires. Officiellement,
c’est une réussite «Djerba n’a pas déçu… La Tunisie n’a pas déçu», a
estimé la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la
Francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo, lors d’une conférence de presse en
clôture du sommet. «Nous sommes en route vers une francophonie de l’avenir,
modernisée, beaucoup plus pertinente», a-t-elle ajouté.
Tel n’est pas l’avis de Nicolas Beau. «Sommet de la
Francophonie : des couacs et des absents. Après trois ans d’absence liée à la
pandémie et à de multiples embûches du côté de l’organisateur tunisien, le
Sommet de la Francophonie a pu se tenir à Djerba les 19 et 20 novembre. Sans surprise, Louise Mushikiwabo, l’anglophone à la
tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a été
reconduite à son poste pour quatre années supplémentaires. Officiellement,
c’est une réussite : Je dis que c’est un succès clame la patronne
rwandaise de l’organisation et d’ajouter «la langue française avance, en termes
de locuteurs, grâce à la démographie galopante en Afrique qui a 32 membres sur
88, c’est le bloc le plus important de la Francophonie. Excepté que sur les
300 millions de Francophones, il en manquait plus de la moitié sur la photo
finale. En raison des coups d’État survenus au cours des deux dernières années
en Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso, le Mali, la Guinée Conakry et le Tchad
ont été suspendus des instances de l’OIF. Ce qui représentent près de 73
millions de personnes dont le français est la langue principale. La
représentante personnelle de Macron, Leila Slimani, a éclipsé la secrétaire
d’État française. Autre grande absente, la secrétaire d’État française à la
francophonie, Chrysoula Zacharopoulou, physiquement à Djerba, mais privée de
parole. Il faut dire que le dernier discours de la gynécologue franco-grecque,
en octobre au dernier Sommet de la paix et de la sécurité à Dakar est très loin
d’avoir fait l’unanimité. S’exprimant avec un accent grec très prononcé et
multipliant les erreurs de grammaire et de syntaxe, celle qui a obtenu la
nationalité française juste après sa nomination au gouvernement comme
secrétaire d’État à la francophonie, avait mis mal à l’aise toute l’assistance.
Français et Africains très attachés à la belle langue française en étaient
restés ébaubis. Ceci explique donc cela. Emmanuel Macron a préféré mettre en
avant sa représentante personnelle pour la francophonie, l’écrivaine Leïla
Slimani, qui représente la jeunesse dorée casablancaise des bords de Seine. Les
Français parlent aux Français». [2]
Exclusion d’Israël
Ftouh Souhail rappelle qu’Israël n’est pas membre de l’OIF du fait
de l’opposition…du Liban et de la Tunisie. «Israël est l’oublié de l’OIF, l’entrée lui est refusée. Un pays comme
Israël, où un million de personnes s’exprime dans la langue de Molière,
est discriminé par des pays antisémites. Si, malgré son million de Francophones,
Israël ne fait pas partie de la Francophonie alors que l’Égypte — avec
seulement 2% de Francophones — en est membre, c’est à cause d’obstacles
politiques et du blocage psychologique de la France, qui table depuis plusieurs
décennies sur une politique foncièrement propalestinienne » [3]
Le
choix d’Yseult
La chanteuse Yseult |
Le
dernier couac est la nomination incongrue, par le président Macron, d’Yseult, une
chanteuse française d’origine congolaise comme marraine de la Francophonie en 2024. Le choix de cette
personne, en qui de très nombreux français ne se reconnaissent nullement
est le fait du prince. Yseult qui a eu la chance de naitre et de grandir dans
des conditions privilégiées en France, prétend ne rien devoir à la France et
critique ouvertement son pays. À peine sacrée marraine de la francophonie 2024
par Macron, le chanteuse Yseult est bannie de twitter pour avoir violé les
règles du réseau social.
Le Journal
du Dimanche nous apprend le 27 novembre 2022 que le sénateur des Français
établis hors de France Damien Regnard, rattaché aux Républicains, déplore ce choix
d'Emmanuel Macron. «Vous ne connaissez pas Yseult ? Elle est pourtant bien
connue et appréciée de ceux qui critiquent notre pays et son Histoire. Exilée
en Belgique, elle considère ne rien "devoir à la France", le pays
qui l’a pourtant vu naître. Ses "textes" d’artiste ? Un
vague magma entre anglicismes et français approximatif».
[1] Le livre «Le tumulte» fera bientôt
l’objet d’une recension dans ces colonnes.
[2] Nicolas Beau Mondafrique 21 novembre 2022
[3] Ftouh Souhail le 20 novembre 2022 Dreuz Info
Je ne sais pas d'ou vient ce chiffre d'un million de francphones en Israel. A mon avis, il y en aurait que 200,000 au grand maximum car la grande masse se trouve deja au cimetiere et le renouvelement est negligeable. Je suis francophone, francais meme, mais mes enfants ne comprennebt que quelques mots et mes petits-enfants pas du tout. Et j'en suis fort aise. Je ne me suis pas installe en Israel pour perpetuer la langue francaise, qui n'est meme pas ma langue maternelle ni celle de mes parents et de mes aieux (ceux qui n'ont pas et brules dans les crematoires).
RépondreSupprimerJe deplore, mais je comprends aisement pourquoi Israel n'est pas membre de la francophonie. Peut-etre pourrait-il poser sa candidature au Commonwealth britannique?
georges kabi
RépondreSupprimerDe culture française il est dommage que vos enfants et petits-enfants ne parlent pas cette langue.
Vous semblez vouer un culte pour la langue anglaise mais rappelez-vous de l’attitude des États-Unis pendant la seconde guerre mondiale qui rejetaient la demande de visas des juifs d’Europe pourtant en grand danger.
Rappelez-vous de l’épisode tristement célèbre de l’Exodus pour lequel les anglais lui interdirent d’accoster en Palestine…
Plus près de nous la Reine d’Angleterre n’a jamais mis les pieds en Israël… alors pour quelle raison souhaiteriez-vous qu’Israël entre dans le Commonwealth sur lequel elle régnait?
Je n’oublie évidemment pas la France qui fut en grande partie abjecte pendant la guerre.
Ceci étant s’il fallait s’exprimer uniquement dans une langue dont le pays n’atteignit jamais les juifs… il ne resterait au mieux que l’hébreu.
A moins de ne se rendre en aucun cas à l’étranger, cette langue aussi belle soit-elle, est par définition un entre soi.
Bien à vous.