ISRAËL, LES ARABES ET LE BRÉSIL
Par Jacques BENILLOUCHE
Il s’agit véritablement d’un comeback politique
remarquable pour l’homme de 76 ans. Durant son mandat de 2003 à 2010,
il a agi pour combattre la pauvreté qui touchait des millions de personnes
grâce à un programme d’aide sociale et pour engager une ère de croissance
économique. En 2017 il a été accusé de corruption dans le cadre du scandale de
Petrobras, puis emprisonné et libéré en 2019 après l’annulation de sa
condamnation. Les deux dirigeants se distinguent par une approche divergente du
conflit israélo-palestinien sachant que le Brésil abrite la moitié de la
population de l’Amérique du Sud.
Lula da Silva rencontre la communauté palestinienne au Brésil juin 2022 |
Historiquement, le Brésil s’est toujours
rangé du côté des Palestiniens mais la courbe a été inversée avec Netanyahou
qui avait trouvé un terrain d’entente avec Bolsonaro dans la cadre d’idées
communes de droite. Le président
brésilien s’était engagé dans des liens étroits avec les responsables
israéliens sous l’influence du mouvement évangéliste brésilien. Il avait
organisé dans le Jourdain sa propre cérémonie de baptême.
En arrivant au pouvoir en 2019,
il avait fait part de sa volonté de transférer l’ambassade du Brésil à
Jérusalem mais la realpolitik l’en a empêché, se contentant d’ouvrir une
mission commerciale à Jérusalem ce qui ne fut pas du goût des Palestiniens.
Lors de sa visite en Israël, il avait été qualifié de «bon ami» par
Netanyahou.
Bolsonaro et Netanyahou au Mur |
Le ministre des Affaires étrangères du Brésil, Ernesto Araújo, en visite officielle dans l'État d'Israël du 7 au 9 mars 2021, avait fait une déclaration commune avec le ministre des Affaires étrangères d'Israël, Gabi Ashkenazi. Réaffirmant les excellentes relations d'amitié et de coopération, les ministres ont publié une déclaration conjointe : «le partenariat entre le Brésil et Israël est fondé sur nos valeurs communes de liberté, de démocratie, d'économie de marché, de justice et de paix, et sur notre détermination à assurer la prospérité de nos peuples». Ils ont réaffirmé leur engagement à sauvegarder le principe de la liberté de culte et à lutter contre l'antisémitisme.
En revanche les prises de
position propalestiniennes de Lula étaient réputées. Il avait pris des
initiatives en faveur d’une reconnaissance de la Palestine. D’ailleurs, en 2010,
il avait reconnu l’État de Palestine selon les frontières de 1967. Il
avait effectué son tout premier voyage d’un chef d’État dans les territoires
palestiniens occupés et avait réservé un terrain près du palais présidentiel
brésilien pour la future ambassade de Palestine. Lors de
l’offensive israélienne dans la bande de Gaza en 2014, le Brésil avait rappelé
son ambassadeur en Israël et condamné «l’usage disproportionné de la force
par Israël ayant fait un grand nombre de victimes civiles, y compris des femmes
et des enfants».
Lula portant le keffieh |
Durant sa campagne électorale,
Lula avait rencontré des membres de la communauté palestinienne au Brésil vêtu
d’un keffieh et d’un foulard noir et blanc à carreaux, symbole du nationalisme
palestinien. Au cours de cette rencontre, il avait souligné que le peuple
palestinien avait le droit de vivre dans un «État libre et souverain» et
qu’il s’efforcerait de rétablir le rôle de premier plan de la politique étrangère
brésilienne en faveur de la médiation des conflits et du droit des peuples à se
défendre.
Après son élection de 2022, Lula a prôné
la «paix et l'unité» sachant qu’il a gagné d’une courte tête. Il s'est
toutefois dit inquiet du silence de son adversaire qui n'avait toujours pas
reconnu sa défaite plus de quatre heures après le résultat. Le silence du chef
de l'État sortant était troublant ; c’est la première fois qu'un président
brésilien échoue dans sa tentative de réélection.
Il est certain que la victoire de
Lula sera un tournant pour le Brésil après quatre années du régime autoritaire
de Bolsonaro. Mais il faudra s’attendre à des jours difficiles dans les
relations d’Israël avec le Brésil, sauf si le nouveau président choisit le
pragmatisme plutôt que l’idéologie.
Quitter le pouvoir juste avant l'Apocalypse n'est pas foncièrement préjudiciable.
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