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dimanche 31 juillet 2022

Itamar Ben Gvir ou la revanche d'un pestiféré

 


ITAMAR BEN GVIR OU LA REVANCHE D’UN PESTIFÉRÉ

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

Itamar Ben-Gvir, Michael Ben-Ari, Benzi Gopstein et Baruch Marzel 

        Il fut un temps où le seul prononcé de son nom créait la nausée. Aujourd’hui, il occupe les premières pages des médias et les hommes politiques de droite lui font la cour parce qu’avec ses amis, en particulier Bezalel Smotrich, il peut représenter 10 sièges à la Knesset, si bien sûr on croit aux sondages qui se sont toujours trompés en Israël. Itamar ben Gvir fait figure d’un Zemmour en pire car il use souvent de la violence vis-à-vis de ses adversaires, avec ses positions tranchées, anti-islamistes, anti-arabes, anti-centre, anti-gauche, anti tout ce qui touche au gouvernement actuel. Il a réussi à dépasser sur leur droite les sionistes religieux modérés tels que Naftali Bennett et Ayelet Shaked dont l’avenir est devenu incertain. Ce n’est pas étonnant depuis le virage à l’extrême-droite de l’opinion israélienne.


En visite sur l'esplanade du Temple



Il doit sa réputation aux médias qui ont martelé son opposition au parti Raam de Mansour Abbas, soutien de la coalition actuelle.  Il a tout fait pour attirer l’attention sur lui en s’installant en pleine rue pour soutenir l’expulsion de familles palestiniennes de Cheikh Jarrah, en s’introduisant de force dans la chambre d’hôpital d’un gréviste de la faim arabe, et en provoquant une altercation avec le chef de la liste arabe Ayman Odeh. C’est un spécialiste politique qui veut faire parler de lui au moyen de provocations en arborant son idéologie d’extrême-droite. Il avait fait incursion sur l’esplanade de la mosquée al-Aqsa, certes sous haute protection policière israélienne : «Ma visite comporte un message simple, qui est que je ne me soumets pas et ne recule pas».

Bureau temporaire à Cheikh Jarrah



Il a profité des manifestations arabes dans les villes israéliennes mixtes pour s’afficher en défenseur des Juifs, des militaires et des jeunes ultra-orthodoxes pour qui il est devenu un symbole. Il a réussi à supplanter Bezalel Smotrich qui a perdu son rôle de chef incontesté de la droite sioniste religieuse. Ben Gvir est d’ailleurs devenu exigeant sur le contenu des listes électorales aux prochaines élections en imposant la moitié des places pour ses amis. Il n’est pas loin de vouloir prendre la tête d’une liste commune en écartant Smotrich qui a senti le danger et qui n’est pas prêt à se soumettre aux diktats de son concurrent, quitte à se présenter seul sur une liste séparée. Cela ne ferait pas l’affaire du Likoud qui compte sur une liste unifiée pour servir de strapontin à une coalition sous l’égide de Netanyahou.

Expulsé de la Knesset pour insultes au président de séance



Pressé par les dirigeants du Likoud, Smotrich hésite et finasse car il sait que son avenir politique est en jeu. Il ne veut pas subir le sort réservé à Bennett : «L'union de nos deux partis est importante pour nous par rapport à nos valeurs, mais aussi pour des raisons très pratiques. Nous n'avons qu'un seul objectif : amener le bloc nationaliste à la victoire, si Dieu le veut, lors des prochaines élections, et établir un gouvernement juif, sioniste et nationaliste en Israël». 

Pour Gantz et Lapid, Ben Gvir est du pain béni car ils vont axer leur campagne sur le risque d’un trublion pareil dans un gouvernement qui n’aurait de cesse que de se mettre à mal avec les pays arabes. Netanyahou avait longtemps gardé à distance cet extrémiste qui donnait une vilaine image de la droite et il avait tout fait pour lui interdire la Knesset en refusant de lui faire la courte échelle pour un poste de député. Mais aujourd’hui la situation est différente et il a besoin de lui pour revenir au pouvoir même s’il risque de perdre des voix de la droite modérée qui trouveraient refuge auprès de Gideon Saar. C'était Ben Gvir ou la liste arabe;

Clash avec Ayman Odeh



Ben Gvir est de la lignée du rabbin Meir Kahane dont les options racistes ont été toujours combattues en Israël. Meir David HaKohen Kahane, né à Brooklyn le 1er août 1932, a été assassiné à Manhattan le 5 novembre 1990. Il prônait une ligne nationaliste favorable au Grand Israël et au transfert hors du pays de tous les Palestiniens de Cisjordanie en incluant les Arabes vivant en Israël. Fondateur de la Ligue de défense juive puis de Kach, parti politique israélien d'extrême droite, il devint député à la Knesset lors des élections de 1984. Il a été exclu du parlement après que Kach a été déclaré parti raciste par le gouvernement israélien puis interdit en Israël.

Itamar Ben Gvir vu tenant l'emblème de la voiture du Premier ministre Yitzhak Rabin,

Ben Gvir est soupçonné d’avoir été l’inspirateur de l’assassinat du premier ministre Rabin. En effet il avait été filmé en train d’arracher l’emblème de sa Cadillac : «Nous sommes arrivés à sa voiture. Nous le rejoindrons aussi». Quelques semaines plus tard, Rabin avait été assassiné par un extrémiste illuminé tandis que Ben Gvir s’était paré du symbole de la tragédie nationale d'Israël.



Smotrich et Ben Gvir représentent tous deux une nouvelle génération de politiciens israéliens ayant supplanté Naftali Bennett qui, pour eux, s’était déplacé vers le centre après avoir formé la coalition actuelle. Netanyahou n’aurait pas d’autre choix que de les inclure dans son éventuelle coalition en cas de victoire aux prochaines élections. Ben Gvir a déjà prévenu : «Si je deviens ministre, je ferais la promotion d'une loi qui impose la peine de mort à tous les terroristes palestiniens, et une autre qui accorde l'immunité à tous les soldats israéliens». Les Israéliens sont prévenus.

Cependant, avoir le vent en poupe dans les sondages n’est pas forcément une fatalité. Zemmour était aussi au firmament mais il s'est effondré au final. L’électeur israélien réfléchit à deux fois avant de mettre son bulletin de vote dans l’urne. Israël n’a pas l’habitude des extrêmes qui ne servent que de repoussoirs pour les mettre dans le droit chemin.

 

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