LE CRIME DES
LIENS DIPLOMATIQUES ENTRE ISRAËL ET LA TUNISIE
Par Jacques BENILLOUCHE
La Ghriba de Djerba |
Arafat à Tunis |
Le 3 septembre 1982, Yasser
Arafat, tout juste évacué de Beyrouth assiégée par l’armée israélienne,
débarquait à Tunis et y installait le siège de l’OLP, pour un exil de douze
ans, jusqu’à son retour en territoire palestinien, le 1er juillet 1994. Quinze
mois plus tôt avant son arrivée à Tunis, le leader palestinien avait quitté
Beyrouth en bateau pour une escale à Athènes avant de venir se réfugier en
Tunisie avec quelques fidèles car le plus gros de ses troupes s’était réfugié en
Syrie. Ces douze années ont marqué politiquement les Tunisiens bien que le président
Bourguiba fût réticent à accueillir les exilés mais il avait plié sous la
pression américaine. Le président
tunisien avait cependant exigé que les combattants remettent leurs armes et qu’aucun camp
d’entrainement de l’OLP ne soit installé en Tunisie. Arafat eut droit à un grand
hôtel de Borj-Cedria, devenu son quartier général. En mai 1997, il avait
été emphatique : «Entre la Tunisie et la Palestine, il y a une vieille
histoire d’amour, une amitié trois fois millénaire, depuis que nos lointains
ancêtres ont quitté les rivages de la Méditerranée orientale pour échouer sur
ses côtes accueillantes et y fonder Carthage la valeureuse, la digne».
Habib Bourguiba avait pris
position à Jéricho, en mars 1965, lors d’une tournée au Proche-Orient. Il avait
fait scandale en préconisant l’acceptation par les Arabes de la résolution 181
de l’Assemblée générale des Nations unies, qui prévoyait la partition de la
Palestine : «Ne pas reconnaître Israël est une erreur. La politique du
tout ou rien nous a conduits à la défaite. Seule une stratégie par étapes nous
amènera au but. La paix réelle n’est pas une paix entre vainqueurs et vaincus.
La coexistence avec les Juifs est possible. Viendra un jour où l’on découvrira
que toutes ces tragédies étaient insensées et qu’elles auraient pu être
évitées. La haine mène à l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme ; elle
entraîne par ricochet à l’exaltation et au fanatisme dont les conséquences
négatives pèseront un jour sur d’éventuelles négociations».
Bourguiba était sur le point de
reconnaitre l’État d’Israël mais il ne voulait pas être le premier à le faire.
Il aurait pu anticiper les Accords d’Abraham tant il était en avance sur son
temps dans ce domaine diplomatique. Il a manqué de courage, celui qui avait
animé Anouar Al Sadate. La cohabitation de douze années entre Tunisiens et
Palestiniens a marqué les esprits. Elle a infiltré durablement le raisonnement
de la population. Le souvenir reste tenace et l’arrivée au pouvoir des
islamistes a accentué cette révulsion pour les Israéliens. D’ailleurs le 26 mai
2022, le parti islamiste Ennahda a dénoncé l'exploitation du pèlerinage pour
officialiser des formes de normalisation avec Israël car «la
plupart des Tunisiens ont exprimé leur rejet de la normalisation, comme le
soutien minimum qu'ils peuvent offrir au peuple palestinien. Il valorise la
coexistence entre les religions et le respect des rituels religieux». Ennahda
a infiltré toutes les structures de la Tunisie et il pèse encore sur les
décisions du gouvernement.
la Première ministre Najla Boden, le rabbin Moshé Lein et l'imam franco-tunisien Hassan Chalghoumi, lors de sa visite à la Ghriba |
Le Parti des travailleurs a aussi dénoncé «l'accueil
de ceux qu'il qualifie de symboles de
normalisation avec l'entité sioniste en Tunisie sous prétexte d'accomplir des
rites religieux, notant qu'une grande partie des pèlerins juifs sont venus via
des vols directs depuis Tel-Aviv». Le parti a fustigé la Première ministre
tunisien Najla Bouden pour avoir accueilli des pèlerins juifs à Djerba
car il s’agit «d’un mépris flagrant des sentiments du peuple tunisien et du
peuple palestinien frère».
Des proches du président Kais Saïed, en l’occurrence
Mohsen Arfaoui, ont exigé du ministère des Affaires étrangères et de
l’Intérieur d’éclaircir l'entrée d’Israéliens en Tunisie. D’autres partis ont
réclamé une loi criminalisant la normalisation avec Israël. Najla Bouden a été critiquée pour avoir posé avec le
rabbin français Moshé Lewin et l’imam franco-tunisien Hassan Chalghoumi, très
proches des Israéliens, et pour avoir déclaré : «la Tunisie unit et ne
différencie pas, et dans son présent et dans son avenir elle restera fidèle à
ses caractéristiques civilisationnelles de terre de métissage des civilisations
et à la tolérance entre les religions. L'île de Djerba est une île de
coexistence par excellence et un espace ouvert de concorde et d'harmonie entre
tous, dans lequel se côtoient synagogues, églises chrétiennes et mosquées
islamiques».
Djerba 2022 |
En plus du parti islamiste Ennahda, plusieurs partis
participent à la campagne contre Israël ; le Parti des travailleurs de
gauche tunisien, le mouvement Echaab, le Courant populaire tunisien, le Courant
démocratique (Attayar), condamnent toute forme de normalisation avec Israël.
Dans les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui rappellent que durant sa
campagne électorale, Kais Saïed avait qualifié la normalisation avec Israël de «haute
trahison» et il n’a toujours pas révisé sa déclaration. On se souvient
qu’en octobre 2019, avant son élection, Saïed avait affirmé «qu'il
n'autoriserait personne avec un passeport israélien à entrer en Tunisie, pas
même à visiter la synagogue El-Ghriba pour protester contre la normalisation
des relations avec Israël par certains pays arabes». Cette déclaration,
n’ayant pas été annulée, elle reste en vigueur malgré quelques entorses relevées
cette année.
René Trabelsi avec Mahmoud Abbas |
L’ancien ministre juif du tourisme René Trabelsi,
organisateur du pèlerinage pouvait difficilement se mouiller dans ces accusations
de normalisation avec «l’entité sioniste» : «Honnêtement, je
suis un peu cette polémique, mais je ne donne pas assez d’importance à ces
choses. Il y a beaucoup d’amalgame. Malheureusement, c’est une erreur de traiter
les pèlerins de sionistes et d’Israéliens. Il y a même un journaliste sur une
radio tunisienne privée qui a traité les pèlerins d’agents de l’armée
israélienne, c’est grave ! Concentrons-nous sur le côté positif, car il y a une
récupération politique de cet évènement religieux. Le plus important, c’est que
la Tunisie renaisse de nouveau et que les gens travaillent et s’épanouissent».
Israël reste un sujet tabou. Si la Tunisie, en très grande difficulté
économique, veut réinventer son tourisme, elle doit ouvrir ses frontières à
tous les touristes sans exception sinon ils seront nombreux à choisir
Marrakech, Dubaï ou la Grèce, trois alliés solides de l’État juif.
En ce qui me concerne cela faut des années que je n.achète aucun produits arabes dont cette Tunisie antisemite
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