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jeudi 9 juin 2022

Point G par Claude MEILLET

 

POINT G


Par Claude MEILLET

 

Datcha

          Il faut le dire. Le lieu prédisposait à la prise de distance. Leur datcha. Au plein milieu de la forêt, dans les collines de Jérusalem. Où, chaque année, un week-end allongé, ils se réfugiaient, les cinq copains. Sans femmes, ni enfants, ni télé, ni ordi. Juste les portables, au cas où…. Pour se retrouver, se ressourcer. D’une certaine manière, garder les pieds sur terre, selon la formule de Jonathan. Et ce soir-là, le petit dernier, la cinquantaine bien sonnée tout de même, s’était demandé tout haut, mi amusé, mi stupéfait, et pour faire bonne mesure, mi consterné, mais, qu’est-ce qui les fait marcher, à quoi carburent donc t-ils ? Ils, c’étaient les gouvernants. Les hommes et les femmes du haut du panier. Dans la vie politique, la vie économico-financière. Si dominants, si définitifs, si pressés. Qui, visiblement, eux justement, prenaient leur pied à étaler leur position.



         Le pilote fut le premier à rebondir. On dit que gouverner, c’est prévoir. On devrait dire, gouverner, c’est jouir. Pas de doute, le débat pouvait décoller ! Pour rester dans la trajectoire, le prof définit leur kérozène comme le pouvoir. La recherche, le goût, l’exercice, l’enivrement du pouvoir. Poutine en est le prototype tragique. Jouissance de la domination, du commandement, sur tout et sur tous. Possiblement la découverte de la magie exponentielle du pouvoir, dans le passage de petit chef à grand chef.

La puissance aussi, reprit le pilote. Sentir que si l’on met les gaz, on passe à Mach 2. Rien ne vous résiste. Pour rester dans le champ politique, Xi Jinping. Empereur de la République démocratique chinoise. Dans le champ économique, Jeff Bezos. La pratique hors limites interne de la puissance qui offre une sortie hors limites de l’extérieur.



L’accès à la grande richesse, lança l’avocat. La gangrène progressive de la pensée objective, le grignotage de plus en plus profond de vie morale, le détournement intellectuel, le délaissement du collectif au bénéfice du satisfecit individuel. Jusqu’à l’embrigadement clanique quasi mafieux, pour le détournement du bien commun. Un processus entier mis au service du bien matériel que la richesse procure. Profession oblige, je ne voudrai nommer personne, mais tout le monde ici, c’est-à-dire vous quatre, messieurs, et tous les animaux de la forêt, savez de qui je parle, s’amusa l’avocat.

Le restaurateur, tout petit dernier qu’il était, habitué à discerner et donc, à satisfaire la personnalité de ses clients, avança une théorie plus subtile. L’orgasme de la gouvernance vient parfois, mes amis, du jeu théâtral. Le gouvernement par le théâtre. Assez fier de son effet de surprise, il déroula assez complaisamment, sa démonstration. Quel artiste ne souhaiterait-il pas reproduire à l’infini son personnage, comme l’a fait, plein de lui-même, c’est le cas de le dire, d’un auteur-acteur, prédestinément nommé, en se dupliquant par hologramme. Démultipliant ainsi, par magie théâtrale, son projet de gouvernance. Pour aller plus loin encore dans la prétention au gouvernement du pays, admirez la démarche théâtrale d’un candidat à la présidence française. Dramaturge revendiqué de la pièce, inventée de toutes pièces, du grand remplacement. Une écriture théâtrale géniale, mise en scène et représentée sur les grands boulevards électoraux par une découverte du jeu dramatique.

Un peu sonné, Jonathan se vit obligé de retourner, comme il dit, le compliment. Pour atténuer la charge, et réhabiliter, honnêtement, les personnalités en puissance de gouvernement. Rappelant en renfort, la formule «la critique est facile et l’art est difficile». Gouverner est un pari, devenant peut-être d’autant plus malaisé que tout le monde peut, dans les temps modernes, prétendre pouvoir le tenir. Mais que bien peu s’y risque. En économie, l’entrepreneur est rare. Et cher. Et c’est normal car …. tout ce qui est rare est cher ! Hormis les grands patrons, qui frôlent et parfois pénètrent en politique, les patrons, les gouvernants de petites et moyennes entreprises, ne rechignent ni au pouvoir, à la puissance, à la richesse. Mais ils répondent à une envie de faire et à une volonté personnelle vis-à-vis d’une collectivité.

De même que dans la vie publique, les animateurs de la vie quotidienne acceptent les risques de leur charge.  Maires, conseillers municipaux, présidents d’associations, ne sont pas exempts des tentations de la gouvernance Mais une majorité balance la satisfaction personnelle avec l’engagement pour les autres.



Quant aux grands, sans demeurer insensibles aux honneurs et luxes et reconnaissances, beaucoup, plus qu’on ne croit, idéalisent leur démarche de gouvernants. Gandhi théorise et pratique la non-violence. Mandela combine résistance et résilience pour initier et consolider la conquête de la paix. Gorbatchev annihile le stalinisme. Mendès-France fait jaillir un éclair de lucidité, moralité, efficacité dans la vie politique française. Ben Gourion mobilise un peuple entier autour de lui, après deux millénaires d’errance et de résilience du Judaïsme, pour faire naître Israël.

Des grands du monde économique, ne se contentent plus seulement de leur rôle de gouvernants de groupes, mais deviennent des mécènes à portée mondiale. Sans être, eux non plus, totalement angéliques, Georges Soros, Warren Buffet, Bill Gates, François Pinault…apportent leur contribution à la santé, l’économie, la culture…D’innombrables savants, techniciens, intellectuels, éducateurs, artistes, tissent une toile de solidarité sur le monde.

Reprenant sa peau d’étudiant, le prof d’endocrinologie ramena la discussion, au soir qui tombait, à un niveau potache qui lui apparaissait plus approprié. Je dirai, si vous le permettez, qu’en matière de gouvernance, la fonction crée l’orgasme. Devant la demande générale d’élaborer sur un plan plus scientifique, il synthétisa son analyse en précisant que d’après ses propres connaissances et les argumentations développées par ses camarades, il lui semblait que le fameux point G par effet de gouvernement tenait plus d’un facteur d’intensité que d’un facteur de position. À bon entendeur, salut, conclut Jonathan.

2 commentaires:

  1. Cher Claude, tu a si bien publié la version de l'avocat, peuple que j'ai tendance trop généraliser à exécrer, que j'ai coupé-collé ce passage, quitte à l'utiliser plus tard comme un beau plagiat.

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