L’ÉVOLUTION DES RELATIONS BILATÉRALES ISRAËL-RUSSIE
Par Jacques BENILLOUCHE
Sharon-Poutine 2003 |
Poutine-Lieberman |
Lors de sa visite à Moscou entre le 1er et le 3 juin
2009, Lieberman avait estimé que «les relations bilatérales entre Israël et
la Russie avaient atteint leur plus haut niveau depuis le rétablissement des
liens diplomatiques» entre les deux États en 1991 grâce à la politique
d’ouverture de Mikhaïl Gorbatchev. Les liens entre l’URSS et Israël avaient en
effet été rompus à l’initiative de Moscou à la suite de la guerre des Six jours
en 1967 alors que l’Urss avait été le premier État à reconnaître l’existence
d’Israël en 1948.
Les relations ont été caractérisée des deux côtés
par le réalisme politique et économique.
Il en fut ainsi à l’occasion de l’invasion de la Géorgie par la Russie
en 2008 qui n’a pas interrompu l’assistance technique et matérielle fournie par
Jérusalem à l’agressé. La Russie a refusé de sacrifier ses relations avec les
Israéliens au nom de l’aide accordée par ces derniers aux militaires géorgiens.
Moscou n’avait pas voulu compromettre leur coopération sur les autres dossiers,
tels que le terrorisme islamiste ainsi que leur partenariat économique. Les
relations israélo-russes reposent sur des convergences d’intérêts politiques et
stratégiques plus globaux.
Il existe un partenariat économique et technique très
dynamique qui a été mis en place en juin 1995 par Avigdor Lieberman. Près de 18
accords régissent les relations économiques, culturelles et technologiques
entre la Fédération de Russie et Israël. Le volume des échanges a explosé,
passant de 12 millions de dollars en 1991 à plus de 2,8 milliards de dollars en
2008. Les Israéliens importent de Russie essentiellement du pétrole, du gaz, des diamants bruts
(70%) ainsi que des métaux (20%). La Russie importe quant à elle du matériel
médical mais surtout des technologies de pointe (40%), notamment des systèmes
sophistiqués pour équiper une partie des avions de combat qu’elle destine à
l’export. Enfin, l’abolition du régime des visas entre les deux États a amélioré
non seulement les déplacements des hommes d’affaires israélo-russes, mais a facilité
également le développement du tourisme russe en Israël, qui est une des
activités économiques phare de l’État hébreu.
Seule ombre au tableau : Il n’existe à ce jour
aucun système et aucun accord facilitant les transferts de capitaux, ni aucune
sécurisation de ces transferts ou des investissements. Cette lacune dans ce
domaine peut s’expliquer par la volonté des deux États de conserver une forme
de contrôle sur les flux financiers. Il existe en effet une forte activité
financière à caractère mafieux générée par les oligarques en grande majorité
juifs et par les citoyens binationaux.
Par ailleurs, la délinquance financière et le crime organisé entre les deux États sont des questions sensibles. Israël refuse toute extradition de ses ressortissants si bien que les demandes de Moscou concernant des oligarques binationaux recherchés pour des délits financiers sont toujours rejetées. Les collaborateurs de Mikhaïl Kodorkovskiï sont réfugiés en Israël : Leonid Nevzline, Mikhaïl Brudno et Vladimir Dubov. Ils sont recherchés par les autorités russes pour détournements de fonds et pour évasion fiscale. Vladimir Goussinskiï et Boris Berezovskiï, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la justice russe, possèdent également des passeports israéliens. Bien que Goussinskiï, l’un des principaux leaders de la presse d’opposition à Vladimir Poutine ait été arrêté en Espagne en 2000, il n’a jamais été extradé vers la Russie. Ces cinq personnages ont en outre bénéficié de la Loi du retour qui permet à tout Juif de devenir citoyen israélien. Il s’agit-là des oligarques les plus en vue, cependant, d’autres personnalités, moins connues gravitent dans la nébuleuse du crime organisé et de la délinquance financière. Certains ont été assassinés par les Russes.
La coopération en matière de haute technologie
repose principalement sur deux accords : celui du 25 avril 1994 qui fournit un
cadre aux échanges dans le domaine technique, et un accord de coopération
militaire et technique bilatérale qui a été signé en décembre 1995, renouvelé
en 2000 et toujours en vigueur. La coopération dans le domaine militaire est nuancée
par deux facteurs, l’alliance israélo-américaine et surtout une méfiance réciproque.
La vente par Israël à la Russie de 12 drones tactiques pour un montant de 53 millions de dollars en avril 2009 illustre un autre volet de la coopération bilatérale israélo-russe. Jérusalem espérait que le transfert d’un certain nombre de technologies amènerait Moscou à geler ses ventes d’armes à la Syrie. Il n’en a rien été. La dernière campagne de l’armée russe en Géorgie, bien que soldée par la défaite de l’armée géorgienne, a mis en lumière les carences flagrantes des forces armées russes en matière de renseignement tactique. Il semble d’ailleurs que la guerre en Ukraine ait montré les mêmes lacunes. D’où le besoin en drones.
Radar Phalcon |
La coopération bilatérale se
concrétise également à travers des contrats passés par les Russes à des
équipementiers militaires israéliens pour des systèmes d’électronique afin d’équiper
des produits destinés à l’export. On retrouve ainsi des systèmes israéliens de
navigation sur de nombreux avions de chasse russes, comme les Mig-29, qui sont
équipés du radar EL/M-2052 développé par les Industries Aéronautiques
Israéliennes. Un projet israélo-russe a été concrétisé par la vente à l’Inde en
mai 2009 de son premier AWACS d’origine israélo-russe équipé d’un radar
israélien Phalcon.
Dans le domaine énergétique, les relations israélo-russes sont également marquées par une intense coopération bilatérale. Israël a besoin de 300.000 barils/jour. Plus de la moitié des importations israéliennes de gaz et de pétrole proviennent de Russie. Gazprom a également manifesté de l’intérêt pour l’exploitation des réserves israéliennes de gaz naturel du champ de Tamar-2, à 90 km au large de Haïfa. Cependant, les premières tentatives du géant gazier russe pour s’implanter sur le marché israélien se sont soldées par des échecs puisque l’exploitation du nouveau gisement est assurée par la société israélienne Delek Energy en partenariat avec l’américain Noble Energy.
Oléoduc Ashkelon-Eilat |
Sur la question du pétrole, un projet israélo-russe autour du pipeline Ashkelon-Eilat s’est concrétisé en 2003. Le pétrole russe, chargé sur les tankers à Novorossisk sur la mer Noire, arrive à Ashkelon d’où il est envoyé par pipeline à Eilat pour y être de nouveau chargé sur tankers. L’utilisation de la route de la mer Rouge permet ainsi au géant russe d’éviter le passage par le canal de Suez et d’évacuer plus rapidement le pétrole vers l’Asie. Ainsi en 2015, le volume des échanges commerciaux entre les deux pays est de près de 2,3 milliards de dollars, contre seulement 12 millions de dollars en 1991.
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