APRÈS PLUSIEURS RATÉS, ISRAËL ET LA TURQUIE SE
RAPPROCHENT
Par Jacques BENILLOUCHE
Malgré des relations
diplomatiques gelées, les Israéliens n’ont jamais rompu les liens commerciaux
qui, au contraire, ont progressé de manière permanente. Les hommes d’affaires
des deux bords ont ignoré le conflit. Le commerce bilatéral, qui s’est élevé en
2021 à un record de 8,4 milliards de dollars a progressé de 34%, chacune des
parties trouvant son compte. L’objectif final des deux pays est de construire un
pipeline pour acheminer le gaz israélien vers l’Europe en traversant la Turquie.
Parce que les deux armées étaient
en totale collaboration, les services de renseignements ont toujours maintenu
des contacts qui ont permis aux diplomates de discuter. Le Mossad n’a pas cessé
de faire pression sur son gouvernement pour le convaincre que la Turquie avait
changé et qu’elle agissait avant tout selon ses intérêts militaires et économiques plutôt que selon ses
intérêts idéologiques. Pour preuve l’affirmation d’un haut fonctionnaire
turc : «Je pense que les Israéliens voient maintenant que la Turquie
est un État sérieux avec des moyens et une stratégie rationnelle dans la région
qui n'a pas pour but de saper qui que ce soit, mais protège uniquement ses intérêts».
Une rencontre a eu lieu entre les ambassadeurs d'Azerbaïdjan, de Turquie, d'Ouzbékistan, de Kazakhstan et d'Israël aux États-Unis.
De son côté, Israël a acté la
volonté des États-Unis de se désengager de la région en envisageant de signer
un accord nucléaire avec l’Iran. Israël a donc intérêt à neutraliser tout lien
entre la Turquie et l’Iran, même s’il faut se méfier des changements répétés d’humeur
des Turcs qui trouvent toujours une excuse pour rompre les avancées politiques.
En 2018, ils avaient pris pour prétexte des troubles à la mosquée Al-Aqsa pour
mettre fin aux pourparlers. Mais pour contenir l’Iran, il est indispensable de
s’allier avec un pays dont les capacités militaires sont considérables. Les
évènements du Haut-Karabakh en 2020 et d’Afghanistan en 2021 a convaincu les
deux pays à mettre fin à leur brouille d’autant plus que l’Azerbaïdjan est leur
allié commun en tant que fournisseur de matériel militaire pour repousser
les forces arméniennes.
À la suite des accords d’Abraham,
le rapprochement avec la Turquie est rassurant pour Israël. Après le départ des
Américains, il est important que l’ordre régional soit assuré par les deux plus
grandes armées de la région. Mais les
Turcs restent prudents en annonçant que les nouveaux liens avec Israël ne représentent
pas une alliance contre l’Iran, mais ils s’opposeront à toute tentative de
l’Iran de mener des actions secrètes dans leur pays.
Hamas et Fatah en Turquie |
La question sensible à régler
reste évidemment le Hamas. Les Israéliens s’opposent à la présence en Turquie
de dirigeants islamistes actifs, hébergés, financés et soutenus à Istanbul.
Pour les dirigeants turcs : «Il n'y a eu aucun changement dans la politique de la
Turquie vis-à-vis du Hamas. Comme avant, la Turquie ne permettra pas au Hamas
de mener des attaques en Israël. Et c'est le cas depuis de nombreuses
années».
Mais la pierre
dans la chaussure d’Erdogan reste son rôle avec la Hamas qui sape la confiance
avec l’Occident. D’ailleurs, les États-Unis avaient condamné le président turc
pour avoir rencontré à Istanbul des dirigeants du Hamas en grandes pompes.
Erdogan avait reçu une délégation du Hamas dirigée par le chef de son bureau
politique, Ismail Haniyeh, et comprenant le chef adjoint Saleh Al-Arouri,
recherché aux États-Unis en tant que terroriste. Selon le Département d'État,
Al-Arouri, qui a aidé à mettre en place la branche armée du Hamas, a été lié à
plusieurs «attaques terroristes, détournements et enlèvements». Les
Américains ont offert une récompense de 5 millions de dollars pour toute
information menant à sa capture. Ils sont de plus en plus préoccupés par les
relations croissantes de la Turquie avec le Hamas. Le Parti de la justice et du
développement (AKP) d'Erdogan et le Hamas sont tous deux liés aux Frères
musulmans. Ces relations avec le Hamas seront certainement au centre des
discussions entre Herzog et Erdogan.
Gaz israélien |
Cependant le
gaz est une nouvelle donnée, surtout en cette période de tension avec la
Russie. Les réserves de gaz naturel d'Israël sont estimées à 800 milliards de
mètres cubes. Les Turcs et les Israéliens voient une perspective politique nouvelle
dans la construction d’un pipeline dans l’est de la Méditerranée pour alimenter
l’Europe. Un projet israélien de construction d'un gazoduc depuis son champ
gazier Léviathan vers Chypre puis vers la Grèce s'est effectivement effondré après que les États-Unis aient retiré leur soutien au projet car ils risquaient une
rupture avec Chypre et la Grèce. Les Turcs voient loin car ils lorgnent
sur un éventuel gaz libanais qui pourrait utiliser le même pipeline. Mais
le Liban et Israël sont toujours
brouillés et la conclusion d'un accord entre eux n’est pas pour demain. Certes
le gaz israélien n’a pas vocation à remplacer celui de la Russie, mais en ces
temps perturbés, il permet de diversifier les ressources européennes.
Erdogan a rencontré les dirigeants du Hamas à Istanbul le 22 août
Les relations
entre Israël et la Turquie sont caractérisées par un manque de confiance
mutuelle et il sera difficile de restaurer le sentiment positif à l'égard de la
Turquie qui existait dans les années 1990. Erdogan est perçu comme un ennemi d’Israël en raison de son soutien
indéfectible à la cause palestinienne, voire au Hamas et au terrorisme. Mais Herzog
veut restaurer la confiance pour atteindre les objectifs politiques.
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerVous aurez pu constater que depuis que la guerre d’Ukraine fait rage, je ne commente plus vos articles sur le sujet, ne voulant pas être prise comme entre marteau et enclume, entre les diverses propagandes inévitables entre les parties en temps de guerre.
J’ajoute que je ne regarde plus les chaînes d’information diffusées en France qui, elles aussi participent à cette propagande.
Je me contente de lire le bilan sur l’évolution de la situation en Ukraine, publié chaque jour à midi et à minuit par le site : « Le Courrier des Stratèges » :
https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/03/09/la-guerre-dukraine-9-mars-2022-jour-14-bilan-de-la-journee/
J’y ai en effet appris ce matin que : « La crise ukrainienne et le comportement occidental amènent une réconciliation entre Israël et la Turquie. Après quinze ans de brouille le Ministre des Affaires étrangères se rendra en Israël en Avril. »
Très cordialement et avec mes regrets
Madame Arnaud, je vous appouve totalement car cette guerre fratricide est incomprehensible si on ne tient pas compte des diverses propagandes. Une seule chose est certaine: les populations civiles trinquent.
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