Femme juive en prière |
Dans le prolongement des expositions «Hajj, le
pèlerinage à La Mecque» en 2014, «Chrétiens d’Orient, 2000 ans
d’histoire» en 2017, l’Institut du monde arabe a poursuivi sa trilogie
avec «Juifs d’Orient, une histoire plurimillénaire», du 24
novembre au 13 mars 2022 à Paris. Des rives de l'Euphrate, où les Juifs étaient
présents depuis la première destruction du 1er Temple de Jérusalem aux
plateaux de l'Atlas, de leur expulsion d'Espagne à leur essor dans l'Empire
ottoman puis de leur exil du monde arabe.
L’exposition « Juifs d’Orient, une histoire plurimillénaire » |
Vestiges archéologiques, manuscrits anciens,
peintures, bijoux, costumes, objets rituels, photographies, musiques et
installations audiovisuelles : 280 œuvres, évoquent la vie des populations
juives grâce au concours de musées internationaux et de collections privées
dont celles de la Gross Family, à Tel-Aviv, et de Paul Dahan, à Bruxelles.
Antiquité
Avec la reconstitution partielle de la synagogue de Doura Europos conservée
au musée national de Damas, il s’agit du monument attestant le mieux de la vitalité
de l’art juif dans l’antiquité (2ème siècle). Les murs de la salle
de prière sont entièrement recouverts de fresques évoquant des scènes bibliques.
Période islamique
Le parcours de l’IMA mêle judicieusement la présentation d’objets de culte
gravure et documents audiovisuels. Ainsi des salles sont consacrées à la
fabuleuse Genizah du Caire. Sous le règne des Fatimides (Xème au XIIème siècle),
la communauté juive est organisée autour de la synagogue Ben Ezra où plus de
380.000 feuillets sont entreposés dans une des pièces de l’édifice, la Genizah.
Plusieurs documents illustrent l‘imposante figure de Maïmonide.
Mais le narratif de l’exposition insiste sur le thème de la «coexistence
judéo-arabe», du «bien-vivre partagé». Lors de
l’inauguration de l’exposition, Emmanuel Macron a loué une «formidable
leçon de coexistence», «d’enrichissement mutuel» avec «échanges prolifique » «multiples facettes de la cohabitation entre juifs et musulmans»,
«coexistence tour à tour féconde ou tumultueuse». Le commissaire de
l’exposition Benjamin Stora est passé par là...
Le narratif évoque ainsi les : «premiers liens
entre les tribus juives de la péninsule arabique et le prophète Mohammed». Mais
ces liens se sont conclus par l’expulsion de deux tribus juives et le massacre
de la tribu juive des Banu Qurayza de Yathrib (future Médine) qui refusaient de
suivre le prophète. Plus convivial que moi, tu meurs.
En dehors des ouvrages de l’historien Georges
Bensoussan qui n’est pas en odeur de sainteté auprès du pouvoir français ou de
ceux de Bat Ye’Or spécialiste de la dhimmitude, le livre passionnant de l’islamologue
Meir Bar-Asher nous explique ce qu’est le statut de Dhimmis dans le pacte d’Omar.
Les juifs dans le Coran par Meir Bar Asher |
Le Pacte d’Omar
Ce pacte est traditionnellement
attribué au calife Omar Ibn el Khattab (634-644) ou
au calife ommeyade Omar ben Abdel Aziz (717-720) qui fut connu pour son
hostilité à l’égard des Juifs et des Chrétiens. Il
s’agit d’un recueil de lois discriminatoires définissant le statut juridique
des gens du Livre c’est-à-dire les Juifs et les Chrétiens. Les gens du
Livre se voient attribuer un statut de Dhimmis c’est-à-dire de minorité
soumise mais protégée par le pouvoir islamique contrairement aux païens qui
n’ont le choix qu’entre la conversion et la mort ou au mieux l’esclavage.
On y trouve l’interdiction d’élever des synagogues plus haut que
les mosquées, l’interdiction dans le cadre des prières, de célébrer les
cérémonies bruyantes. Interdiction d’enseigner le Coran aux enfants chrétiens
et juifs. Interdiction de prêcher. Interdiction d’empêcher un enfant de se
convertir à l’islam. La législation patrimoniale et les lois sur l’héritage
sont favorables aux membres de la famille convertis à l’islam. Interdiction de
vendre des boissons fermentées, d’enterrer les morts dans le voisinage des
musulmans, d’employer des musulmans. Ne pas convoiter les maisons des
musulmans, Ne pas racheter les individus fait prisonniers par les musulmans. Interdiction
de chevaucher sur une monture scellée, de monter à cheval, du port d’armes.
Les protégés reçoivent en échange de ces limitations et du paiement
de la Jizya, la garantie de la vie sauve et une discrète liberté de culte. Le
pacte d’Omar a été appliqué de diverses façons en fonction du pays, du
législateur, du titulaire du pouvoir musulman à un moment donné. La Dhimma a
officiellement été abolie de la quasi-totalité des États musulmans entre 1839
et 1856 dans le cadre du tanzimat en Turquie, Irak, Yemen, Syrie, Tunisie et en
1912 pour le Maroc.
La période moderne et le
«temps des exils»
«Avec la montée de l’antisémitisme et la création
en 1948 de l’Etat d’Israël c’est un véritable déchirement que vont vivre les
communautés juives d’Orient amenées à quitter les terres d’Islam par vagues
successives». Le narratif insiste ainsi sur la responsabilité de la colonisation
européenne et de la création d’Israël en 1948 dans l’exode de près d’un million
de Juifs des pays arabes.
Apprentis Tunis 1901 Alliance Israélite Universelle Photo Valensa Tunis |
Les germes de la rupture. «Le décret
Crémieux octroie la nationalité française aux trente-cinq mille Juifs
d’Algérie. Cette insertion soudaine des Juifs dans la société coloniale suscite
des réactions et l’essor d’une forme d’antisémitisme».
Le narratif est complètement inversé. La colonisation
et l’accès à la culture occidentale qui ont permis aux sociétés juives
d’échapper à la dhimmitude. À Tunis, les Juifs n’avaient pas accès à la
propriété immobilière et ont vécu pendant mille ans dans un quartier surpeuplé.
Les propriétaires musulmans pouvaient louer simultanément un logement à
plusieurs familles sans recours juridique possible. Le Protectorat français a
permis aux Juifs d’accéder à la propriété immobilière et de construire les
quartiers de la ville moderne (Passage, Lafayette, Belvédère). Cette réussite a
suscité l’antisémitisme.
Les professeurs - Alliance Israélite Universelle Beyrouth 1909 |
La lettre ouverte des intellectuels et
artistes arabes à l’IMA s
Une missive
publiée le 9 décembre par le journal Le Monde a mis le feu aux poudres. «Nous, soussignés,
intellectuels et artistes du monde arabe, demandons à l’Institut du Monde Arabe
de Paris de revenir sur les prises de position de son festival Arabofolies et
de son exposition «Juifs d’Orient» qui donnent des signes explicites de
normalisation, cette tentative de présenter Israël et son régime de
colonialisme de peuplement et d’apartheid comme un État normal. L’Institut du
Monde Arabe, …, trahirait sa mission intellectuelle en adoptant cette approche
normalisatrice – une des pires formes d’utilisation coercitive et immorale de
l’art comme outil politique pour légitimer le colonialisme et l’oppression. Il
s’agit aussi d’un manque d’honnêteté intellectuelle et morale, car il amalgame
délibérément les Juifs arabes et les Juifs d’Orient avec le régime colonial et
d’apartheid israélien. Israël, … s’est aussi approprié la composante juive de
la culture arabe, en la présentant comme sioniste, puis israélienne, avant de
l’arracher à ses véritables racines pour l’employer au service de son projet
colonial dans la région. Pourtant la culture des Juifs arabes fait partie
intégrante de la culture arabe et la couper de ses racines est la négation
d’une partie de la mémoire et de l’histoire arabes ».
Plus
de deux cents membres de l’intelligentsia du monde arabe ont signé la missive, comme
le romancier libanais Elias Khoury, le cinéaste palestinien Elia Suleiman et le
musicien tunisien Anouar Brahem. La section CGT de l’IMA conteste la
réalisation de l’exposition en association avec des institutions israéliennes,
la participation d’artistes israéliens. Le syndicat écrit : «Un certain
nombre de salariés de l’IMA, confrontés au public et à l’incompréhension
exprimée sur les réseaux sociaux ont fait part de leur émoi devant cette
situation».
On peut noter parmi les signataires :
- Elias Khoury pour qui «Israël cherche à effacer la
mémoire des Juifs arabes,
- Joseph Massad qui affirme : Israël
est coupable d’avoir provoqué l’exode des juifs arabes par «une série
d’actions criminelles ayant forcé les Juifs du Yémen, d’Irak, du Maroc,
d’Égypte et d’autres pays à partir pour Israël».
- Khaled Hroub qui est l’historien
du Hamas
- Michèle Sibony membre de BDS
France reproche à Neta Elkayam sa nationalité israélienne bien qu’elle chante
aussi en arabe et lui demande de choisir entre : «Vouloir conserver à la
fois les bénéfices de l’artiste marocaine et de la citoyenne israélienne». «Juive
arabe, tu peux choisir les privilèges que te confère automatiquement ta
citoyenneté israélienne en alimentant de fait les intérêts du régime colonial
et ceux des dictatures, ou bien par ta musique de jouer un rôle dans le
rapprochement entre les peuples».
Pourtant certains signataires comme Saleh
Bakri, Kamilya Jubran, Michel Khleifi, Elia
Suleiman, Juna Suleiman, sont eux-mêmes citoyens de l’Etat d’Israël !
La tombe oubliée de
Babylone
Si sur les 652 figures saintes du judaïsme, 126 sont
communes à l’islam mais les musulmans ont la fâcheuse habitude de vouloir tout
s’approprier.
La tombe d’Ézéchiel |
C’est le cas pour la tombe du prophète Ézéchiel
vieille de 2 600 ans, symbole de l’héritage juif d’Irak qui a été appropriée par
l’islam shiite qui en a fait un lieu de pèlerinage.
Inscription en hébreu lieu de sépulture de notre maître Ézéchiel |
Outre
la tombe d’Ézéchiel, les tombes de personnalités importantes du judaïsme
réparties dans toute la région, comme les tombes de Daniel et Esther en Iran ont subi le même sort. Après l’indépendance de l’Algérie, les synagogues
d’Alger et d’Oran ont été transformées en mosquées. Curieusement ce sont les dictateurs
et les monarques tant décriés par ces intellectuels et artistes qui font revivre
le patrimoine juif. Le président égyptien Sissi a restauré de nombreuses
synagogues dont celle de Maïmonide.
Le roi du Maroc ordonne la restauration de centaines de sites juifs |
Article très intéressant qui démontre, s’il en était encore besoin que nous sommes ou serons tous, un jour ou l’autre les dhimmis de quelqu’un.
RépondreSupprimerMais à propos, ils sont combien les Chrétiens de Gaza à avoir eu l’autorisation de sortie pour se rendre à Bethléem fêter la naissance du Christ, car il ne vous aura peut-être pas échappé que nous sommes bien à la nuit Noël ?
Oui, je sais, la Commission européenne vient de condamner NOËL et a financé une campagne proclamant « la joie est dans hijab » !
Or tout de même, aujourd’hui ils seront nombreux les Chrétiens de par le monde à chanter, comme les anges à Bethléem : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur terre aux hommes de bonne volonté. »
Joyeux Noël à tous !
Bravo cher Cousin pour cet article très justement écrit.
RépondreSupprimerExcellent article. Les faits historiques très bien renseignés depuis l'antiquité à nos jours. Exercice compliqué à résumer l'histoire trois fois millénaire des juifs en Orient.
RépondreSupprimerIl y a tout juste un an, j'ai fini d'écrire mon mémoire sur ce même sujet. Travail minutieux d'études et de recherches vu la qualité infinie de documents authentiques autour de ce sujet.
J'ai pris beaucoup de plaisir à vous lire.
الموضوع عميق جدا، الإشكالات فيه متعددة منها الدينية و التاريخية و الحضارية. و السؤال المطروح على الجميع هل تغيرنا ؟ هل تغير العقل البشري رغم ادعاءات البعض التطور و التقدم .. العقل البشري لم يتطور مازال يفكر بحساسية مفرطة خاصة في الشان الديني . نعيش في مجتمعات تروم معادات الآخر الذي لا يدين بدينك هذه المعادات تصبح معولا لهدم تاريخه و حضارته و إنسانيته و تعمل على قتله. ...نشترك كلنا نشترك في قتل بعضنا .. المتسامح يتهم بالخيانة .. و الخيانة ؟ خيانة تعاليم الكتاب.. والدين.. إن الله عز وجل وهو رب الجميع.. قال
RépondreSupprimerفي الكتب السماوية بأن لا نتباغض و لا نتحاسد و لا نتقاتل.. ولكننا نتقاتل و نتقالتل لأسباب تافهة واهية..إسوة بقابيل و هابيل