ALI HAJIZADEH, LE NOUVEAU KASSEM SOLEIMANI
Par Jacques BENILLOUCHE
L’Iran a trouvé son nouveau Kassem Soleimani mais il doit encore faire ses
preuves. L’Iran semble avoir trouvé un grand militaire de la trempe du général
assassiné. Il lui reste seulement à acquérir des compétences politiques pour
devenir l’homme des nuisances iraniennes dans le monde. Le général Amir Ali
Hajizadeh avait été déjà visé par Israël en raison d’attaques qu’il avait
menées à travers le Moyen-Orient. Le commandant de la force aérospatiale
du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) est le spécialiste du
développement des drones iraniens.
Par ailleurs les services de renseignements israéliens l’ont identifié
comme le cerveau de l’attaque du pétrolier Mercer Street dans le golfe d'Oman.
Selon le ministre de la Défense Benny Gantz : «Amir Ali Hajizadeh,
commandant de l'armée de l'air du CGRI, est à l'origine de dizaines d'attaques
terroristes dans la région, utilisant des drones et des missiles». Il
est devenu le nouveau Kassem Soleimani adoubé par le Guide suprême.
Il a façonné son statut d’intervenant à l’étranger en multipliant les
opérations militaires avec des drones de plus en plus perfectionnés. Né à Téhéran en 1962, il
s'était enrôlé dans les Gardiens en 1980 avec le déclenchement de la guerre
Iran-Irak et avait participé à la guerre pendant huit ans comme tireur d'élite. Il avait ensuite été affilié à la division d'artillerie de la Garde ce qui lui a
permis de collaborer avec le général Hassan Tehrani Moghaddam, le militaire du programme
iranien des missiles qui lui a permis de s’élever dans la hiérarchie militaire.
Exposition de missiles iraniens |
Hajizadeh a été nommé en 2003 commandant en chef de la défense aérienne des
Gardiens de la révolution pour se concentrer sur la production de systèmes de
missiles. Alors que les Russes étaient prêts à vendre des missiles Buk,
Hajizadeh a été chargé par le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei en 2009, de
produire les propres systèmes iraniens de missiles, en particulier les systèmes
Khordad, Tabas et Raad et d’élargir son champ d’activités dans le domaine
d’aérospatiale.
Sur le plan politique, Hajizadeh se situe dans le
camp des conservateurs et complètement contre les réformistes. Il est anti
tout ; anti-occidental, anti-Rouhani, anti-Jcpoa (l’accord nucléaire),
anti-Israël. C’est lui qui avait lancé deux missiles balistiques avec une
mention inscrite sur les côtés, «Israël doit être effacé de la surface de la
terre». Alors que le président Hassan Rouhani et le
ministre des Affaires étrangères Mohammad Jawad Zarif avaient insisté sur le
fait que l'accord nucléaire éliminait la menace de guerre, Hajizadeh n’y
croyait pas. Il avait salué avec force l’arrivée du président Ebrahim Raïssi et
de son administration qualifiée de premier «gouvernement entièrement
islamique».
Défilé du drone iranien d'attaque |
Les états de service d’Hajizadeh
sont éloquents ; il était plus qu'un commandant des Gardiens de la
révolution grâce à sa puissance et à ses capacités. Il est une excellente publicité pour
son pays. Sous son contrôle, l’Iran avait tiré des missiles sur des positions de
Daesh en Syrie, abattu un drone de reconnaissance américain dans le Golfe et
bombardé une base militaire de soldats américains en Irak. Il a créé en Iran
des villes souterraines en zones urbaines, contenant des missiles prêts à
tirer.
En 2019 il avait donné l’ordre
d’abattre un US RQ-4A Global Hawk, un drone américain de surveillance de 220
millions de dollars, au-dessus du détroit d'Ormuz, à l'aide d'un missile
sol-air, sous prétexte qu'il avait violé son espace aérien. Donald Trump
n’avait pas décidé de représailles immédiates. Mais l’année suivante il avait autorisé
l’élimination de Kassem Soleimani, le chef suprême. Cela n’avait pas découragé Hajizadeh
qui, quelques jours après l'attaque du drone, avait fait pleuvoir un barrage de
missiles balistiques sur la base aérienne irakienne d'Al-Asad, entraînant des
conséquences médicales sur plus de 100 soldats américains qui ont subi des
lésions cérébrales traumatiques.
Mais le système de défense
iranien avait encore des lacunes car un avion de ligne ukrainien de 176 places avait
été abattu par erreur au-dessus de Téhéran. Hajizadeh avait été contraint
d’apparaitre à la télévision pour affirmer que les responsables de l'écrasement
de l'avion seraient jugés. Certains avaient demandé son limogeage, en vain.
Aujourd'hui, l'Iran dispose d'un
vaste arsenal de drones, de tailles et de capacités diverses. Les
premières unités, datant de 1984, avaient pu effectuer d'importantes missions
de reconnaissance avant des opérations majeures pendant la guerre
Iran-Irak. Mais dès qu’il en a pris la responsabilité, Hajizadeh a créé
une force aérospatiale. Cette unité de drones a fait des progrès remarquables
avec des unités ayant une portée de 7.000 kms, mais en nombre très insuffisant.
Ils ont été testés en Irak et au Yémen en attaque contre des installations
pétrolières et des aéroports saoudiens, des troupes américaines et divers types
de navires autour de la péninsule arabique.
L’Iran
recherche toujours un successeur à Soleimani. Le succès de Hajizadeh dans la
Force aérospatiale le transforme en un Soleimani avec moins de charisme cependant. La
force Al-Quds n’a pas récupéré l’aura qu’elle a eue du temps de son
précédent chef car son influence et son efficacité ont diminué. Hajizadeh est
politiquement très différent. Alors que Soleimani était proche des réformistes
et n'a jamais été partisan de la ligne dure, en revanche Hajizadeh est une
figure conservatrice et complètement contre les réformistes. On
verra à l’œuvre comment le pouvoir le façonnera.
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerSi Soleimani « proche des réformistes (qui) n’a jamais été partisan de la ligne dure a néanmoins pu être éliminé, on ne voit pas pourquoi un sort différent pourrait attendre Hajizadeh « figure conservatrice et complètement contre les réformistes » à moins que le système de défense iranien ait fait de tels progrès avec lui, que « le nouveau Kassem Soleimani » ne soit devenu, en quelque sorte, invulnérable.
Très cordialement.
P.S. Je lui trouve une belle tête de guerrier à votre Ali Hajizadeh !