SE SOUVENIR D’HÉLÈNE BERR
Célébration du centenaire de sa naissance
Œuvre collective sous la direction de
Mariette Job
et Karine Baranès-Bénichou
Une recension de Jacques BENILLOUCHE
J’avoue que je ne connaissais pas Hélène Berr ni son
journal qui relatait sa courte vie de 1942 à 1944. Ce jour de la commémoration de Yom
Ha Shoah est propice pour parler d’elle, de sa famille et de ses écrits. Née le
27 mars 1921 dans le 4e arrondissement de Paris, elle a été assassinée en avril
1945 au camp de concentration de Bergen-Belsen. Le journal de cette jeune
française a été publié pour la première fois en 2008 et traduit dans plusieurs
langues grâce à la ténacité de sa nièce, Mariette Job, qui a été son éditrice.
Juive d'origine alsacienne et descendante de
l'ingénieur Maurice Lévy, Hélène Berr préparait l'agrégation d'anglais. Son
journal raconte la vie quotidienne et les épreuves des Juifs français de
l’époque, astreints au port de l'étoile jaune.
Son père Raymond Berr, polytechnicien, ingénieur du
corps des Mines, vice-président de l'entreprise Kuhlmann, ancien combattant de
la Première Guerre Mondiale, titulaire de la Légion d’honneur à titre militaire
et de la médaille militaire a été déporté par le même convoi numéro 70 qu'elle le 27 mars
1944. Ces titres de gloire ne l’ont pas protégé de la
police française et encore moins des nazis qui y voyaient peut-être une revanche à leur défaite de 1918 symbolisée par la médaille militaire.
Hélène Berr était une élève brillante qui n’a pas pu
passer l’agrégation en raison des lois antisémites de Vichy. Elle a été arrêtée
avec ses parents à leur domicile, au 5 avenue Élisée-Reclus dans le 7e
arrondissement de Paris, le 8 mars 1944 à l'aube, détenue au camp de Drancy,
puis déportée à Auschwitz avec son père et sa mère, le 27 mars 1944, jour de
ses 23 ans. Devant l'avance des Soviétiques, elle a été évacuée d'Auschwitz le
31 octobre et est arrivée le 3 novembre au camp de Bergen-Belsen où elle a contracté
le typhus. Un matin, trop malade pour pouvoir se lever, elle a été battue à
mort par une gardienne, quelques jours avant la libération du camp par les
troupes anglaises, le 10 avril 1945.
Jean et Hélène Berr à Aubergenville |
Elle avait rencontré en 1941, à l’amphithéâtre de la
Sorbonne, Jean Morawiecki, qui deviendra son fiancé et qui sera épargné grâce à
sa participation aux Forces Françaises Libres. Le Journal est constitué de 262
feuillets volants. Sa publication résulte de la volonté de Mariette Job, sa
nièce qui, connaissant ce texte par des copies circulant dans sa famille, a
retrouvé le manuscrit original. Selon le vœu d’Hélène, il avait été remis après
la guerre à Jean Morawiecki, son fiancé et futur diplomate, qui a institué
Mariette Job légataire du journal. Le manuscrit du journal a été déposé en 2002
au Mémorial de la Shoah.
Mariette Job, à l’occasion du centenaire de la
naissance d’Hélène Berr, a demandé les témoignages de plusieurs personnalités
pour les collationner dans un ouvrage collectif qui «se voulait le reflet
des différentes facettes de la personnalité de son auteure».
Manuscrit d'Hélène Berr |
Le Journal d'Hélène Berr a été tenu par une étudiante juive parisienne, dans le cadre d’un témoignage sobre et pudique sur la vie, les aspirations et l’oppression subie, qui font de ce texte une véritable œuvre littéraire. Le port de l'étoile jaune, imposé en juin 1942, est une première cassure. Hélène a noté son désarroi, les gestes de solidarité des Parisiens dans le métro, le zèle du contrôleur qui la refoule dans la voiture de queue, réservée aux Juifs.
Elle raconte l'arrestation de son père et son internement à Drancy, le désarroi de la famille, la joie que suscite sa libération obtenue par le paiement d'une rançon. Elle évoque la solitude, l'impuissance à témoigner de la barbarie et l'abîme qui se creuse entre elle et ses amis. «À chaque heure de la journée se répète la douloureuse expérience qui consiste à s’apercevoir que les autres ne savent pas». Les derniers mots du journal, «Horror! Horror! Horror!», font écho à la pièce de Shakespeare Macbeth.
Oui il s’agit bien d’horreur mise en évidence par
les témoignages recueillis et publiés. On n’arrêtera jamais de dénoncer l’indicible
de cette période. Merci à Mariette Job et Karine Baranès-Bénichou de nous avoir
permis, en ce jour de Yom Ha Shoah, non pas de revivre un épisode dramatique de
la guerre car nul ne peut imaginer les actes barbares dont les Juifs ont été
victimes mais de lire ou relire le journal d'Hélène Berr. Cela est difficile à vivre, encore plus à raconter. La conclusion de
Mariette Job suffit à résumer le drame de cette brillante jeune française assassinée
alors que la vie s’ouvrait devant elle : «Et si je devais ponctuer une
fin qui n’en est pas une, je conclurais volontiers en points de suspension, à
chacun sa réponse, et le temps , excellent guide, y répondra peut-être,
pout et dans l’éternité… »
Se souvenir d’Hélène Berr
1921-2021
Éditions Fayard
22€
Ces écrits rejoignent ceux d' Ann Frank, d'Irène Némirovsky qui aussi n'ont pas survécu. Ce passé rejoint peut être le présent avec une haine renouvelée des juifs. Ils y a des des attentats perpétrés , des intimidations dans les Universités et d'autres formes de discrimination par les nouvelles minorités. Un Etat Juif pour continuer à exister et se défendre.
RépondreSupprimerEnfin un article sur la Shoah à Temps et contretemps, j'attends la suite avec impatience...
RépondreSupprimer@2nids
RépondreSupprimerPas un mais trois articles consacrés à la Shoah dans Temps et Contretemps qui rend donc un hommage soutenu aux victimes.
Merci à Véronique d'avoir répondu au commentaire ironique, voire insidieux de Denis sur nos articles. Si cela est insuffisant nous attendons un texte de sa part qui sera publié avec plaisir mais sans anonymat!
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