ÉCONOMIE ISRAÉLIENNE FLORISSANTE MAIS SANS MESURES SOCIALES
Par Jacques BENILLOUCHE
Compte
rendu de la conférence du 20 avril 2021 à la loge B'nai Brit'h – Daniel Pearl.
On connait les images classiques véhiculées concernant Israël, à savoir
le pays champion du hightech, leader du dessalement d’eau de mer, disposant de
la meilleure armée du Proche-Orient et ayant réussi l’intégration de communautés
venues du monde entier. Mais ces images réelles cachent souvent l’envers de la
médaille que l’on chuchote pour ne pas écorner l’image du pays. C’est ainsi que s'exprime le
paradoxe d’Israël avec ses facettes contradictoires dont certaines
sont peu traitées par les médias. Ce texte n’a aucune prétention idéologique, ni
revancharde, mais se borne à exposer des faits avérés.
Une
économie florissante
Banque d'Israël |
Le covid n’a eu aucune influence majeure sur l’économie d’Israël. Un
signe ne trompe pas, la tenue du shekel par rapport au dollar et à l’euro. La raison essentielle est l’afflux de dollars
dans les caisses de la banque d’Israël car les investisseurs étrangers
s’intéressent au marché israélien. D’ailleurs
la récession due au covid est moins grave que prévue puisque le PIB n’a reculé que
de 2,5% face aux 8,3% de la France. La crise sanitaire et l’instabilité
politique n’ont pas découragé les étrangers de placer, investir et dépenser
leur argent en Israël. En 2020 les investissements étrangers se sont élevés à 44
milliards de dollars contre 23 en 2019 et 19 en 2018. Les étrangers sont
attirés par l’industrie et le hightech puisqu’ils ont investi directement 25
milliards de dollars dans les sociétés et 18 dans la bourse israélienne. En
Israël on exporte plus qu’on importe, 114 milliards de dollars contre 97
d’import ce qui entraine un excédent commercial de 17 milliards de dollars
alors que la France subit depuis plusieurs années un déficit commercial
important. Cela entraine une augmentation des réserves de la banque d’Israël qui
a engrangé en 2020 38 milliards de dollars en plus contre 6 en 2019 et 5 en 2018. Les réserves
de devises ont atteint 179 milliards de dollars en Israël contre 230 milliards en France.
Monopoles
On ne parle pas beaucoup de la puissance des
monopoles en Israël qui imposent leurs lois et leurs prix. 85 groupes
industriels ou financiers sont considérés comme disposant d’une position
dominante sur le marché. Si depuis 2003 Israël a choisi la voie de l’économie
libérale ce qui a boosté le pays, il ne prône plus la libre-concurrence et ne
lutte pas contre la concentration des entreprises défavorable à l’intérêt des
consommateurs. Il ne faut pas être expert en économie pour comprendre que les
monopoles symbolisent tout le contraire de la concurrence alors qu’ils représentent
l’idéologie officielle des gouvernements de Netanyahou depuis 2009. Le consommateur
trinque et il paie un même produit 30% de plus en Israël que dans les supermarchés français. C’est la loi du plus fort. Alors bien sûr, ceux qui s’élèvent
contre ces méthodes sont traités de «gauchistes», insulte suprême.
Tnuva |
L’ancien ministre Moshé Kahlon avait prévu dans son
programme la limitation des pouvoirs des monopoles. Il s’est d'abord attaqué à celui
des télécoms pour le grand bien des consommateurs qui ont vu leur facture
réduite d’au moins 50%. Il avait compris qu’ils entravaient la concurrence,
imposaient leurs prix, dictaient leurs conditions de vente et ne permettaient
pas d’améliorer les services rendus aux consommateurs. Quelques grands groupes
familiaux, à l’instar de Strauss (produits alimentaires et de boissons),
Harrison (croisières et banques), Ofer (transports maritimes et banque),
Wertheimer (métallurgie et industrie lourde), Azrieli (immobilier) et Tchouva
(construction et gaz), et d'autres encore entravent régulièrement toute modification structurelle
des marchés.
Vente
des bijoux de famille
Port de Haifa |
Ces monopoles, qui n’ont en vue que leurs intérêts financiers et personnels, n’hésitent pas à brader les «bijoux de famille», les fleurons de l’industrie israélienne. Le gouvernement a introduit le loup chinois dans la bergerie en autorisant la vente de la plus grande usine pétrochimique d’Ashdod, Agan Chemicals, avec tous ses brevets de fabrication qui ont été transférés en Chine. De même une création de la Histadrout, Tnouva, première entreprise de lait et de produits laitiers a été bradée aux Chinois au point d’entrainer une pénurie de beurre en Israël qui a été compensée par des importations.
L’implication des
Chinois dans la construction et la gestion de l’extension du port de Haïfa et
de celui d’Ashdod a créé la suspicion des États-Unis qui a interdit dorénavant
à la marine américaine de jeter l’ancre dans ces deux ports pour des raisons
sécuritaires. Les Américains n’ont aucune confiance dans la gestion du port par
une puissance étrangère d’autant plus que les sous-marins israéliens
sont installés dans une base voisine. Si Trump n’avait pas interdit la
transaction, une entreprise de Hong Kong avait été chargée pour développer une nouvelle usine de dessalement d'eau de mer, comble pour un pays leader dans ce domaine. Par
mesure sécuritaire, le président américain a donné ordre aux entreprises
israéliennes de se borner à ne vendre que du matériel civil.
On n’a pas songé comme les Allemands à créer une structure
pour réglementer les investissements dans le pays. Même notre high-tech n’est
pas protégé, en particulier la technologie militaire et la cybersécurité. On
laisse les Chinois investir en Israël 11,4 milliards de dollars en une année en
leur laissant le droit d’envoyer 11.000 ouvriers chinois au lieu de donner du
travail aux nécessiteux de la région.
Pauvreté
Cette politique ultra libérale a accentué la pauvreté qui se définit pour les ménages disposant de moins de 6.000 shekels de revenu mensuel alors qu’ils ont besoin en moyenne de 7.750 shekels par mois pour pouvoir répondre à leurs besoins de base. Le fondateur de l'ONG israélienne Latet (donnez !), pour lutter contre la faim, Gilles Darmon, immigrant français de fraiche date, a révélé que 143.000 familles ont sombré dans l'insécurité alimentaire. 25% des survivants de la Shoah vivent dans la pauvreté.
Les enfants défavorisés manquent de leçons et de repas et ont honte de leur mode de vie. Avec le confinement, ils ne disposaient pas d’ordinateur pour travailler à distance. 29% des foyers vivent en dessous du seuil de pauvreté. Latet soutient 70.000 familles car le coût de la vie en augmentation, associé à la baisse des salaires et au manque de politique de redistribution, ronge la classe moyenne, blesse les populations défavorisées, élargit les écarts et limite les perspectives de mobilité sociale.
Gilles Darmon |
La situation de précarité s’est aggravée avec la crise du logement. Dans les années 1970, les sociétés de construction nationales, Amidar par exemple, construisaient des logements sociaux aux abords des grandes villes, souvent au loin dans le sable. Des appartements de deux et trois pièces permettaient aux petites familles de se loger à bon marché car l’État avait offert aux constructeurs le terrain qui représente entre 30 et 40% du prix du logement. Un simple petit appartement sommaire représentait un investissement de départ pour les nouveaux immigrants et les jeunes couples. Le locataire avait un délai de dix ans pour l’acquérir en toute propriété, à un prix raisonnable, sachant que le loyer versé servait de mise de départ. Un loyer équivalent aux 1.000 shekels d’aujourd’hui. Les monopoles de constructions refusent de construire des logements sociaux car leur rentabilité est faible et pour compliquer la tâche, seuls des appartements de 4 ou 5 pèces sont systématiquement construits.
Moshé Kahlon avait fait le pari d’offrir des
terres domaniales en dehors des grandes agglomérations mais les monopoles n’ont
pas joué le jeu. Aujourd’hui un loyer mensuel minimum de 4.000 shekels, 6.000 à
Ashdod ou Netanya, 8.000 à la périphérie de Tel Aviv, grève le budget des ménages
et des nouveaux immigrants, abandonnés à leur sort par le gouvernement libéral. En fait la politique du gouvernement était volontaire pour inciter les populations à s'installer dans les territoires, loin des centres-villes qui génèrent l'emploi. Cela n’a pas empêché l’avènement de 21 milliardaires en Israël. Et lorsque l’on parle du hightech, on ignore
que seuls 10% de la population en vit.
Prolonger la durée des classes
primaires par des activités de réveil et loger les jeunes et les olims dans des
logements sociaux ne sont pas des exigences insurmontables. Mais le
gouvernement ne peut pas, ou ne veut pas, se mesurer aux monopoles. De 10 à 30% des nouveaux immigrants français retournent à leur point de départ après avoir épuisé leurs économies et frisé la misère. Mais chut! en parler c'est aussitôt être taxé d'antisionisme.
Tout ceci car, en Israël, la finance est reine et mammon est dieu...
RépondreSupprimerTrès bon résumé de ce que pourrait être un programme politique ambitieux.
RépondreSupprimerC'est clair et tellement juste. Ca doit être mediatisé á tout va.
RépondreSupprimerJacques, auriez-vous une source pour le chiffre de 30% de yeridot d'olims?
RépondreSupprimerbravo Jacques . Un rapport sans langue de bois . Merci pour le peuple qui galère . Les 70% du pays qui galèrent ...
RépondreSupprimer@Xavier
RépondreSupprimerIsraël ne publie pas de chiffres officiels des retours mais dans chaque ville la réalité est visible.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2016/07/18/retour-en-france-apres-l-alya_4971214_3224.html
Tres belle présentation de la situation . Un regard juste et pertinent
RépondreSupprimerPetite erreur, Israël ne possède pas de sous-marins nucléaires
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