Dès mon arrivée en Israël en juillet 1986, au jour où Shimon Pérès
s’envolait pour Ifrane rencontrer Hassan II, j’ai entendu cette boutade de la
bouche d’une Israélienne radieuse : «Mon Premier ministre rend visite à mon
Roi !». Seul ambassadeur convié, je découvrirai plus tard à Jérusalem la
fête grandiose de la Mimouna qui marque pour les Juifs marocains la fin de la
Pâque.
Foule séfarade marocaine immense dans le parc proche de la Knesset. |
Ashdod, le grand port israélien au sud de Tel Aviv, a été fondée en
1956 par quelques familles marocaines installées sous des tentes par les Ashkénazes
qui ne souhaitaient pas les voir dans les grandes villes du pays. Aujourd’hui,
un tiers de ses 200.000 habitants sont d’origine marocaine. Pour fêter
l’ouverture de relations entre Israël et le Maroc, une grande manifestation y a
été organisée le 24 novembre, drapeaux nationaux joints. Le français y est
encore très pratiqué. Il est vrai, les Israéliens d’origine russe y sont
également nombreux.
À quelques jours de la guerre du Golfe, j’y fus invité pour
commémorer la tragédie du Pisces, petit navire qui coula le 10 janvier 1961 au
large des côtes espagnoles avec quarante-quatre Marocains en route pour leur
aliyah. Je me retrouvais ainsi trente ans en arrière. Nommé sous-préfet d’In
Salah au lendemain du putsch des généraux afin, me dit-on, d’apaiser les
esprits, je découvris que les habitants du quartier des Cheurfa [*] d’Aoulef dédiaient
leur prière du vendredi au chérif du royaume marocain. Faut-il le préciser,
cette oasis est située 700 km à l’est de Tindouf.
De mes études, je savais que l’influence, voire la souveraineté, de
ce royaume s’étendait depuis de nombreux siècles jusqu’à Tombouctou comme au
cœur de l’Algérie actuelle. La France en fit l’expérience en 1891 à propos de
notre occupation de l’oasis d’El Goléa, à plus de 1.200 km à vol d’oiseau de
Tindouf. Ministre des Affaires étrangères, futur académicien et à trois reprises
président du Conseil, Alexandre Ribot déclara le 26 octobre à la tribune de la
Chambre que «le gouvernement français n’a pas hésité à signifier au Maroc,
de la façon la plus claire et la plus catégorique, qu’il ne tolèrerait de sa
part aucun acte de souveraineté sur ces territoires qui rentrent dans la zone
naturelle de l’influence française».
J’apprendrai plus tard que Mohamed Abdelaziz, premier président de
la République Arabe Sahraouie Démocratique, était né à Marrakech et avait fait
ses études au Maroc. Secrétaire général des Nations Unies, Javier Pérez de Cuellar
me dira sa surprise lorsqu’il découvrit à leur première rencontre qu’il ne
parlait pas espagnol, langue qu’il avait tout naturellement employée.
En se retirant de sa colonie en 1975, l’Espagne ne s’était guère
préoccupée de son avenir politique. L’Algérie fut heureuse de s’en charger.
Grâce à la France coloniale qui lui légua près de deux millions de kilomètres
carrés, elle se trouvait posséder à son indépendance un immense territoire saharien.
Aujourd’hui, elle souhaiterait l’agrandir encore, à tout le moins s’assurer le
contrôle de la RASD avec un accès sur l’Atlantique et affaiblir dans cette
vaste région la présence séculaire du Maroc, ce voisin importun.
Mohamed Abdelaziz (1947-2016) |
Pour celui-ci toutefois, la partie n’est pas encore gagnée. Le roi
préside le Comité Al Qods (Jérusalem). Il ne fera pas revenir Joe Biden sur la
décision prise, il y a trois ans déjà par Donald Trump, reconnaissant Jérusalem
capitale d’Israël. L’Europe ne bouge pas, la France ménage l’Algérie. Nous
paraissons en effet accepter le verdict prononcé le 4 juillet dernier par le
président Tebboune selon qui, ignorant délibérément le principe de la double
nationalité, notre pays compte «plus de six millions d’Algériens».
Quant aux Palestiniens, s’ils veulent un État souverain, donc une
capitale, il leur faudra faire un autre choix. Hébron pourrait être tout à fait
indiquée. Centre économique des territoires, elle est aussi un lieu saint pour
les musulmans, Ibrahim repose dans le tombeau des Patriarches.
Et Israël ne saurait davantage oublier les Arabes qui vivent sur
son territoire. La Knesset doit revenir sur sa loi du 18 juillet 2018 déniant à
l’arabe son caractère de langue officielle à côté de l’hébreu.
[*] Pluriel de chérif
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