Roi du Bahreïn |
Polémique sur les relations du roi d'Espagne et Bahrein |
Il faut savoir que l’image à
l’étranger du royaume est si mauvaise qu’il dépense des sommes considérables
pour se payer les services de lobbyistes à Washington. En y regardant de plus
près, le nouvel ami d’Israël n’est pas une démocratie, mais un État policier où
la minorité sunnite règne sur la majorité chiite.
Depuis que le roi Hamad Bin Isa
Khalifa a maté dans le sang les velléités démocratiques du printemps arabe,
c’est le règne de la peur. D’après les infos de l’époque, les manifestations
auraient réuni de l’ordre de 100.000 personnes soit un cinquième de la
population. En fait, proportionnellement plus que dans n’importe quel autre
pays du printemps arabe. L’objectif était alors de rappeler au roi ses
promesses en vue de l’établissement d’une monarchie constitutionnelle.
En février 2011 déjà, les habitants
occupèrent pendant des semaines la place des Perles au centre de Manama. Le
conflit avec les chiites remonte loin dans le passé. Ces derniers considèrent
que le pouvoir les traite en citoyens de deuxième classe. Ce conflit n’est pas
d’ordre religieux car les exigences du pouvoir sont exclusivement d’ordre
politique. Pour mémoire, ce furent des
troupes en provenance d’Arabie Saoudite et des Émirats qui mirent fin dans le
sang aux manifestations. Au même titre
que certains notables chiites soutiennent le monarque, il y a aussi des sunnites
du côté de l’opposition. Alors que cette ile n’est pas plus grande qu’un
département européen (765 km2), on y trouve dès 1934 une présence occidentale
avec son cortège d’habitudes, vente d’alcool, lieux de détente y compris pour
les voisins saoudiens, embryons de syndicats.
Avant la normalisation, le rabbin et le roi |
Curiosité pour l’époque, une
synagogue dédiée aux 30 Juifs du pays. Depuis le royaume, toujours désireux
d’améliorer son image, a même envoyé une ambassadrice juive à Washington. Alors
que la société civile était très active avant la répression, le pays de la peur
est devenu celui du silence, car toute critique ou opposition peut couter la
vie. Dans le classement de Reporters sans frontières, ce pays occupe la
169ème place juste avant l’Arabie Saoudite. Sur le plan militaire, Bahreïn est
le port d’attache de la V° flotte américaine, c’est dire son importance
stratégique qui l’exonère des critiques des États-Unis. Depuis 2004 on y
organise chaque année un grand prix de formule-1, histoire de se donner une
image forte dans les médias occidentaux. Le point d’orgue a bien entendu été la
normalisation avec Israël qui lui vaut toutes les louanges dans le monde
occidental, avec quelques exceptions.
La situation intérieure reste
relativement complexe. On s’est beaucoup focalisé sur le rapport de force entre
la famille régnante et la majorité chiite, alors qu’il existe aussi des groupes
islamistes d’obédience sunnite opposés au régime. Les dérives autoritaires et
sectaires du régime ont encouragé l’éclosion d’un islamisme sunnite, pendant
que les autorités, depuis 2011, ont consacré beaucoup d’efforts à s’assurer du
concours des Frères musulmans et des salafistes contre ces groupes sunnites.
Tant les Frères musulmans que les Salafistes ont tenté de se désassocier de la
politique du pouvoir, sans y parvenir clairement, Ils ont donc largement perdu
de leur poids comme en témoignent leurs mauvais résultats aux élections de 2014
et 2018.
En conséquence, comme dans la
plupart des pays arabes producteurs de pétrole, ces islamistes sunnites ont
réduit leurs revendications, en s’intégrant dans un bloc sunnite. Ce qui ne
pourra qu’accélérer leur perte d’influence dans la vie du royaume. Ce recul a
été amplifié par l’échec des islamistes sunnites en général, celui des Frères musulmans
en Égypte notamment et par extension par les crises diplomatiques avec le Qatar
et la Turquie.
Quel peut être l’avenir du royaume
avec son nouvel ami Israël, cette normalisation va- t-elle changer le mode de
vie des habitants ? Il semble y avoir une timide évolution vers plus de
démocratie. En 2016, la volonté du gouvernement, de séparer religion et vie
politique et d’écarter les groupes islamistes qu’ils soient sunnites ou chiites,
s’est traduite par une loi interdisant à un prédicateur d‘être membre d’un
parti politique ou de participer à des activités politiques. Il subsiste à date
une rhétorique anti-chiite propagée par des groupes islamistes salafistes voire
même djihadistes. Pendant que les groupes islamistes sunnites ont pratiqué une
politique de concessions réciproques avec les autorités, échangeant des
avantages politiques contre des avantages économiques. De tout cela il ressort
que la communauté sunnite, islamistes inclus, bénéficie d’avantages
disproportionnés par rapport à la population chiite majoritaire.
Israël peut trouver des aspects
avantageux à cette complexité, car il s’agira d’un test grandeur nature. On
peut même imaginer que c’est une ambiguïté voulue par Israël et l’Arabie
saoudite, de vérifier ce que pourront être les attitudes des populations à
majorité chiites. S’il est vrai que les dirigeants ont pris position, il est
beaucoup moins évident que les citoyens partagent leur choix. C’est également
un test eu égard au grand voisin iranien. Jusque-là Téhéran disposait de son
satellite aux frontières d’Israël, le Hezbollah. Désormais il restera à voir,
autre test, comment l’Iran réagit avec ses voisins qui deviennent de facto tête
de pont israélienne, quand bien même ne voudrait-on pas le clamer.
Ce qui apparaît à la lumière des plus récents évènements, c’est que les clefs de Bahreïn comme des Émirats se trouvent à Riad, qui opère une évolution officielle très lente et très prudente en sa qualité de grand parrain tant de Bahreïn que des Émirats. Le fait que ce pays ne normalise pas officiellement ses relations avec Israël peut être considéré comme la confirmation d’une connivence avec Israël car il lui permet incontestablement de conserver une relative flexibilité dans sa position et ouvre un maximum d’options vis à vis des différents interlocuteurs arabes, sunnites, chiites et, last but not least, l’Autorité Palestinienne. N’oublions pas que ce pays a aussi ses difficultés internes avec des groupes qui contestent le pouvoir.
De fait c’est une normalisation par
procuration via ces deux États sous sa protection. Il n’en reste pas moins
qu’accepter le survol de son territoire par des avions israéliens civils et
sans doute militaires, accepter une liaison internet par fibre entre les deux
pays, sont d’incontestables signes d’une reconnaissance de facto. En politique,
il n’est nul besoin d’afficher toutes ses affinités, pour ne pas dire amitiés,
dès lors que les objectifs sécuritaires sont en jeu. C’est ce qu’on peut
qualifier de reconnaissance mutuelle d’intérêts à défaut de normalisation.
C’est un pas déterminant dans le changement en cours au Moyen-Orient.
Et comme disait déjà Voltaire, je crois : "Mon Dieu gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge."
RépondreSupprimer