Les Palestiniens persistent dans la négation

LES PALESTINIENS PERSISTENT DANS LA NÉGATION

Par Jacques BENILLOUCHE

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Réunion contre les Emirats

Les Palestiniens ne perdent jamais l’occasion de rater une opportunité sérieuse d’entrer dans le jeu diplomatique.  Toutes les factions sans distinction se sont unies pour protester contre l'accord d’Israël avec les Émirats. L’union sacrée a été reconstituée face à cette normalisation, non pas pour annuler l’accord, mais pour empêcher d’autres pays arabes de suivre le mouvement. Il n’est pas certain qu’ils aient gain de cause car, depuis longtemps, le conflit israélo-palestinien a été retiré de tous les agendas politiques arabes en raison de l’obstruction du principal intéressé, Mahmoud Abbas, qui mise sur une unanimité parfaite chez les Palestiniens pourtant malades de divisions intérieures. 

Manifestation à Ramallah

Le président de l’Autorité estime que les Émirats n’ont pas réussi à mettre fin au projet d’annexion et ont anéanti tout espoir d'établir un État viable et indépendant. Ils ont sapé le consensus arabe selon lequel la reconnaissance d'Israël ne vient qu'en échange de concessions dans les pourparlers de paix, le seul levier pour les Palestiniens. Mais les Émirats n’ont jamais pris part au conflit du Moyen-Orient, n’ont jamais participé à aucune guerre israélo-arabe pour la bonne raison qu’ils n’ont aucun conflit frontalier avec Israël. Dans ce contexte, les Palestiniens ont durci leur position et ont redoublé d'efforts pour isoler Israël, en vain.

Alors ils ont fait appel à des organisations obsolètes totalement dépassées : la Ligue arabe et l’OCI (Organisation de la coopération islamique) qui n’ont jamais montré d’unanimité entre leurs membres et qui n’ont rien réalisé de positif. Une réunion urgente de la Ligue arabe et des 57 membres de l'OCI a été réclamée pour condamner cette décision. Ils auront du mal à s’opposer  aux Émirats riches en pétrole, alliés des États-Unis. La déclaration de l’Autorité ne facilitera pas le dialogue puisqu’elle qualifie la normalisation de «trahison de Jérusalem, de la mosquée Al-Aqsa et de la cause palestinienne», une vieille sémantique qui n’a plus cours pour enflammer le sentiment arabe et musulman dans le monde.

L'OCI

L'accord, qui sous-entend la suspension de l'annexion de la Cisjordanie, a été favorablement accueilli par la communauté internationale, y compris l'Égypte et les pays arabes du Golfe de Bahreïn et d'Oman. D’autres pays à l’instar de  l'Allemagne, la France, l'Italie, la Chine et l'Inde, y voient un moyen sérieux de contribuer à relancer le processus de paix. Les Palestiniens ne trouveront comme seuls alliés que l’Iran et la Turquie, les rivaux régionaux des Émirats, qui les ont déjà accusés de trahir les Palestiniens, les Arabes et les musulmans sans se douter que ces deux pays sont à l’origine de la nuisance au Moyen-Orient.

Mahmoud Abbas est familier des mauvaises décisions puisqu’il a suspendu tous les contacts avec les États-Unis qui avaient reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël en 2017. Ils ont aussi rompu tous les liens avec Israël, y compris la coordination sécuritaire, en réponse à la menace d'annexion. Et pourtant l'Autorité palestinienne est à court d'argent bien qu’elle refuse le transfert de centaines de millions de dollars de taxes perçues par Israël. Ils veulent toujours rester perchés sur leur arbre sans en descendre.

Les dirigeants palestiniens n’ont pas hésité à contacter leurs rivaux islamiques au risque de se faire avaler par eux sous prétexte de coordonner les activités de protestation publique sous le drapeau palestinien. Les dirigeants du Hamas et du djihad islamique se sont engouffrés dans la brèche pour contrer la décision des Émirats mais en fait pour tenter de déloger le pouvoir en Cisjordanie.  Mahmoud Abbas ne se rend pas compte qu’en s’alliant avec ses pires ennemis, il risque de perdre sa casquette.

Munir Al-Jaghoub

Munir Al-Jaghoub, chef du bureau des médias du Fatah a confirmé que les dirigeants de l'Autorité et du Fatah avaient invité toutes les factions à une réunion à Ramallah. En fait de véritables gesticulations stériles. «La réunion discutera des mesures à prendre par les Palestiniens après la déclaration tripartite». Il a expliqué que la réunion comprendrait des membres du Comité exécutif de l'OLP, du Comité central du mouvement Fatah, les secrétaires généraux des factions du Hamas et du djihad islamique, des représentants et dirigeants des services de sécurité et le personnel de la présidence, enfin du beau monde car : «Le moment est venu de neutraliser toutes les contradictions internes et de faire face à la menace imminente qui pèse sur le projet palestinien, les sainteté et la vie des gens». Un bel aréopage d’ennemis de l’Occident et d’Israël.

Un grand rassemblement, prévu le 19 août près du village palestinien de Tormus Aya, réunira toutes les factions sous l’égide de  Jibril Rajoub, chef du Comité central du Fatah, fer de lance des manifestations. Il avait déjà tenu une conférence de presse conjointe en juillet avec son homologue du Hamas à Beyrouth. Il entretient des relations étroites avec les mouvements islamiques d'opposition qui lui ont exprimé publiquement leur soutien et leur respect. On sait qu’il s’est mis sur les rangs pour remplacer Mahmoud Abbas.

Dialogue Jibril Rajoub avec le Hamas à Beyrouth

Cet accord avec les Émirats permettrait aux musulmans de se rendre en Israël pour prier à Al-Aqsa, la troisième mosquée la plus sainte de l'islam. Mais fidèle à son intransigeance, le grand mufti de Jérusalem, le cheikh Muhammad Ahmad Hussein, a publié un édit religieux confirmant une fatwa antérieure interdisant aux Émiratis de visiter et de prier à Al-Aqsa.

La direction palestinienne pense frapper un grand coup, en fait un coup d’épée dans l’eau, en rappelant son ambassadeur d'Abou Dhabi, et en boycottant l'Expo de Dubaï prévue en octobre 2021. Elle en sortira perdante, au moins financièrement. Elle soutient les manifestants qui ont brûlé les photos de Mohammad Bin Zayed, et qui le qualifient de traître à la cause palestinienne. Elle laisse faire. 

Les Palestiniens vont intensifier leur action BDS comme le démontre le site Web de l'agence de presse officielle palestinienne, Wafa. Mais frappant tout azimut Mahmoud Abbas ne mesure pas le danger financier que représentent les Palestiniens travaillant aux Émirats qui pourraient être remplacés par des ouvriers moins politisés.

Par ailleurs le zigzag politique de Mahmoud Abbas est déroutant. Longtemps il s’était opposé à la «militarisation» des manifestations et moqué les roquettes «amateurs» du Hamas car il prônait l'initiative de paix arabe. En s’engouffrant parmi les extrémistes islamistes,  il risque de se brouiller avec le Bahreïn, Oman, le Maroc et le Soudan qui envisagent d’imiter les Émirats. D’ailleurs, des responsables israéliens ont déclaré à la presse locale qu'ils étaient déjà en pourparlers avec Oman pour parvenir à une normalisation similaire des relations. 

Les experts politiques ne comprennent pas la position d’un chef palestinien vieilli, pétri d’idéologie périmée, qui ne mesure pas l’influence des conflits et des divisions inter-arabes. Se couper d’Israël et de certains pays arabes riches, capables de mettre la main à la poche pour aider le peuple palestinien, est un suicide politique.