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lundi 24 août 2020

Les Juifs américains votent à 70% pour les démocrates



LES JUIFS AMÉRICAINS VOTENT À 70% POUR LES DÉMOCRATES

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps


Temple juif réformé Emmanuel à New-York

       Aux États-Unis, la communauté juive compte près de six millions de personnes, sur 328 millions d’habitants, qui votent traditionnellement en majorité pour les Démocrates. Ils l’ont montré en 2016 quand près de 71% d’entre eux ont soutenu Hillary Clinton. Bien qu’ils ne représentent qu’une faible partie de l’électorat, dans certains États-clés, New York, Californie, Pennsylvanie, New Jersey, Illinois, Massachusetts, Floride, Maryland, Ohio, Connecticut, Michigan et Texas. leur vote peut faire basculer le résultat en raison du système électoral spécifique aux États-Unis. 




L’élection présidentielle américaine est un scrutin indirect sur la base de l'élection d’un collège électoral qui choisit le président des États-Unis et le vice-président. Il ne s’agit pas d’un vote au suffrage universel direct. Seuls les Grands électeurs, qui constituent le collège électoral, sont élus au suffrage universel dans chaque État disposant d’un nombre précis de grands électeurs. 
Les Juifs détiennent un pouvoir important dans la vie politique américaine car ils parviennent à affecter l’issue de certains votes. Leur principal atout est leur concentration dans les États décisifs pour l’emporter au Collège électoral selon le système de la liste arrivée en tête qui prend tous les délégués, parfois à quelques dizaines de voix près. Quatre cinquièmes des Juifs résident dans les douze États qui comptent le nombre de voix le plus important au sein du Collège. 

          Ces États représentent 277 grands électeurs quand il suffit à un candidat d’en obtenir 270 pour être élu président. Les Juifs ne constituent certes qu’une petite minorité de la population dans chacun de ces États (12 % dans l’État de New York) mais ils sont politiquement hyperactifs et peuvent influencer, à la marge, l’issue du vote dans les scrutins serrés. Dans l’État de New York, leur rôle a été décisif pour l’élection de Kennedy en 1960 en lui permettant de l’emporter dans les États les plus disputés.
Donald Trump l’a bien compris. En se qualifiant d’allié d’Israël, il espère séduire des électeurs proches du camp démocrate. Alors depuis son arrivée à la Maison Blanche, ses déclarations élogieuses se multiplient «Je suis un grand ami d’Israël», «Aucun président avant moi n’a fait autant de choses pour les Juifs». Et pour mettre son discours en conformité avec ses actes, il a pris la décision hautement symbolique de déménager l’ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem. A l’approche de ces élections de novembre, le président américain a présenté son plan de paix au Proche-Orient très favorable à Israël puisqu’il prône l’annexion d’une partie de la Cisjordanie. Mais il s’avère, selon ses propres révélations, qu’il veut surtout faire plaisir aux évangéliques conservateurs qui constituent la grande base de ses électeurs.


Cependant, le puissant lobby pro-israélien, AIPAC (American Israel Public Affairs Committee), soutien de la droite israélienne et réputé proche du Likoud, s’est trouvé mal à l’aise face à la dérive extrême-droitière du premier ministre qui s’est trouvé contraint, le 25 mars 2019,  de décliner l’invitation pour ne pas être confronté à la mauvaise humeur de certains délégués des plus prestigieux. Ce refroidissement des liens avec le plus grand lobby n’est pas dans l’intérêt d’Israël.
Nixon - Golda Meir

Si l’Histoire démontre que l’attachement des Juifs américains au parti démocrate est une des données les plus stables de la vie politique des États-Unis, il y a eu une exception en 1972 sur laquelle compte Trump. Les journaux annoncèrent la réorientation politique des Juifs en faveur de Nixon. Difficilement élu en 1968, le président sortant tenta d’élargir son électorat et de séduire les électeurs dont le vote est décisif. Si Nixon eut l’idée de courtiser les Juifs, ce ne fut pas tant pour leurs contributions que parce qu’il pensait être en mesure de tirer parti de sa politique israélienne, une politique qui satisfaisait pleinement ceux d’entre eux qui s’identifiaient plus étroitement avec l’État hébreu depuis la guerre des Six Jours.
Dès le début des années 1970 cependant, une seconde question de politique étrangère préoccupait la communauté : le droit des Juifs à quitter l’URSS. Mettre en œuvre une stratégie juive lors des élections impliquait donc d’intervenir dans les affaires intérieures soviétiques et de prendre le risque de remettre en cause la détente. Il a donc exploité la marge de manœuvre dont disposait le gouvernement pour séduire la communauté juive.
Juifs russes à New-York

            Si la grande majorité des Juifs vote pour les Démocrates, une minorité est séduite par le discours pro-implantations de Trump. A Brooklyn, dans le quartier ultra-orthodoxe de Williamsburg, nombreux sont ceux qui ne cachent pas leur volonté de voter pour lui, même s’ils lui reprochent ses positions parfois antisémites : «Le discours de Donald Trump a donné du courage aux suprémacistes blancs antisémites» dont l'idéologie raciste  affirme qu'il existe une hiérarchie entre les êtres.
L'anachronisme à New-York

            Mais Trump n’aime pas se sentir rabroué et parfois il joue avec le feu. Dans son discours devant la Coalition juive républicaine à Las Vegas le 6 avril 2019, il avait insisté sur le «manque de loyauté» des Juifs américains votant pour les démocrates. Nombreux ont vu des  relents antisémites dans cette expression. En effet, les antisémites modernes justifient leur violence par l’absence de loyauté des citoyens juifs. Il a réitéré son affirmation en août 2019 : «Si vous votez démocrate, vous êtes très déloyaux envers le peuple juif et très déloyaux envers Israël». Cette attitude manque d’égards au moment où les actes antisémites se multiplient aux États-Unis. En août 2017, des militants néonazis défilaient à Charlottesville en scandant : «Nous ne laisserons pas les Juifs nous remplacer». Au lieu de condamner, la réaction de Trump fut étonnante : «les rassemblements d’extrême droite comptaient aussi des gens très bien».
En fait, depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, rien ne va plus entre le gouvernement d’Israël et les Juifs américains qui reprochent la dérive d’extrême-droite de l’État juif et fustigent de plus en plus ouvertement la politique des implantations soutenue par Washington.
Des jeunes en Cisjordanie

Les observateurs politiques ont d’ailleurs noté un signe qui ne trompe pas. Lors de l’inauguration de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, le 14 mai 2018, les Démocrates n’avaient pas été invités. Aux côtés de Benjamin Netanyahou se tenaient les pasteurs évangéliques, John Hagee qui considère qu’«Hitler était le bras armé de Dieu» et Robert Jeffress qui estime que «tous les Juifs sont destinés à l’enfer». Les invités d’honneur étaient Sheldon Adelson et Myriam Adelson les grands donateurs du Parti Républicain. Une façon de mettre au pilori les Juifs américains qui ne votent pas Trump.
Pour revenir à l’Histoire, après la création de l’État d’Israël, malgré les réticences des Juifs fortunés immigrés d’Allemagne, très influents dans les milieux intellectuels et souvent membres du judaïsme réformé, méfiants à l’égard du sionisme et du socialisme israélien, l’unanimité s’est faite dans le soutien inconditionnel à Israël. Par ailleurs les premiers immigrants juifs arrivaient des shtetls, souvent pauvres et en majorité pétris de l’idéologie communiste. Ils ont donc normalement embrassé les thèses du parti démocrate même s’ils se sont enrichis par la suite.
Le vent commença à tourner en 1977 quand le Likoud, dirigé par Menahem Begin, mit fin à la domination des Travaillistes en Israël qui faisaient figure de héros pour leur capacité à développer le désert et à se défendre l’arme à la main. Mais le soutien systématique du Likoud aux colons détourna Israël des Juifs américains. La cause palestinienne et la collaboration d’Israël avec l’Afrique du sud raciste devenaient une autre source de clivage. 
Les Juifs néoconservateurs n’ont pas réussi à persuader leurs coreligionnaires de renoncer au vote démocrate. En 2012, la Republican Jewish Coalition, avait lancé une campagne de communication financée par Sheldon Adelson pour convaincre les Juifs américains de rejoindre le Parti républicain. La tentative a tourné au fiasco. Au fil du temps, le soutien à Israël diminua d’année en année, en particulier chez les Juifs âgés de 18 à 29 ans en raison d’un rejet massif de la colonisation.
Le Pew Research center a mis en lumière un retournement complet des sympathisants démocrates. En 2001, 48 % d’entre eux soutenaient Israël, contre 18 % qui se disaient favorables aux Palestiniens. Désormais, ils sont 35 % à soutenir les Palestiniens. Ils détestent l’occupation et la colonisation autant qu’ils aiment Israël. Netanyahou est convaincu qu’il peut se passer de l’appui des Juifs et des progressistes américains, qu’il qualifie de traîtres. Pour lui le soutien de Donald Trump et de l’extrême-droite lui suffit sans se rendre compte que la division du peuple juif est entamée.
Le président américain n’hésite pas à enfoncer son clou sous une forme très agressive. Il a lancé une violente attaque contre son rival démocrate, Joe Biden,  dressant un tableau apocalyptique de son éventuelle présidence et affirmant qu'il serait le «pire cauchemar» des Américains. «Si vous voulez vous représenter la vie sous une présidence Biden, imaginez les ruines fumantes de Minneapolis, l'anarchie violente de Portland et les trottoirs tachés de sang de Chicago dans toutes les villes d'Amérique». Trump pense que tout ce qui est excessif  marque or le langage de la peur ne peut pas lui attirer les Juifs démocrates.
Il existe certes une frontière poreuse entre Républicains et Démocrates en qui concerne Israël. Plusieurs juifs new-yorkais, traditionnellement proches du parti démocrate, notamment sur la nécessité de défendre les migrants, ressentent un malaise grandissant face à certaines prises de position de ce parti : «Cela fait un moment que le parti démocrate affiche des positions plus pro-palestiniennes, mais c’est beaucoup plus net depuis quelques années». Ils ont donc modifié leur vote à la suite du déménagement de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, et le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien, qu’a toujours dénoncé le gouvernement israélien. 
Mais ce genre de positionnement reste encore à la marge, les Juifs américains votent à 75% pour les Démocrates, pour Joe Biden en particulier. Trump voudrait bien imiter Nixon mais autres temps, autres mœurs.

Tableau du vote des Juifs depuis 1916

https://www.jewishvirtuallibrary.org/jewish-voting-record-in-u-s-presidential-elections?fbclid=IwAR37NuR5iHbdvoK8kcDRsYlYqFgETr6sn0L15He08Bvu1n7YMjCG7cmKHnc


4 commentaires:

  1. Emmanuel DOUBCHAK22 août 2020 à 09:13

    Pas si rassurant que ça, vu que ces derniers s’éloignent encore plus d’un Israël fascisant. Ils sont nombreux à rejoindre les rangs des anti, par instinct de survie, comme autant de marranes de l’inquisition universitaire et populaire américaine « politically correct ». Et ce que j’ai vu en 2012 n’a fait qu’empirer depuis que Trompe et Bibi ont fait alliance.

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  2. C'est très rassurant au contraire.
    Ils ne sont tout simplement pas juifs... Que cela plaise ou pas à certains, une personne n'est juive que si sa mère est juive, les autres sont des goyims (c'est à dire des étrangers au peuple juif).
    Comment une personne qui n'a pas été élevé dans le judaïsme, qui ne croit pas en dieu... pourrait soutenir Israël ?
    Sur les 6Millions de personnes qui se revendiquent juives aus USA seule 1,5 Millions sont de vrais juifs au sens de la halakha (loi juive).
    100% des vrais juifs votent Républicains.
    Il n'y a pas de colonisations, simplement un retour du peuple juif sur sa terre historique.
    Si on considere un juif comme étant un colon à Hebron... Il est aussi un colon à Tel Aviv... Les arabes ne reconnaissent d'ailleurs toujours pas les frontières indéfendables de 1948.
    Cordialement.
    Maurice DAHAN

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  3. Une maladie typiquement ashkénaze! Depuis ces dix dernières années, la gauche americaine et les democrates etalent de plus en plus leur antisémitisme et leur haine d'Israël.. mais non! Cela ne leur fait pas changer d'avis! Entre ça et leur pseudo judaisme liberal, il me semblent bien perdus....

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  4. Malheureusement pas exclusivement ashkénaze Monsieur SABBAGH...
    Nos correlegionaires juifs originaires du Maroc (qui déclarent au passage que le Maroc est leur pays mais qui ont tous fait un 2eme passeport... En douce) critiquent l'état d'Israel avec bien plus de violence que les ashkénazes... Tout le monde connaît lès liens entre shalom arshav ( découlant directement d'identité et dialogue, crée par le roi du Maroc) et le royaume marocain.
    Lès "juifs" ashkénazes américains qui critiquent Israël sont des ignorants ou des bons juifs... Lès juifs marocains qui critiquent Israël sont des "traîtres" qui se font acheté par le royaume marocain pour faire croire que la bonne entente avec l'islam est possible.
    Maurice DAHAN

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