YOSSI COHEN, CHEF DU MOSSAD, SUCCESSEUR PUTATIF
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le
James Bond israélien, au physique d’acteur de cinéma, né en 1961 à Jérusalem
d’une famille religieuse, habite Modiïn à 35kms de Tel-Aviv. Après avoir milité
au sein de l’organisation de jeunes religieux du Bné Akiva, il a étudié à la
Yeshiva (école talmudique) Or Etzion, de tendance orthodoxe, mais il ne porte pas la kippa en permanence. Son père, Léo, vétéran de l'Irgoun, l'une des
organisations clandestines paramilitaires sionistes avant l'établissement de
l'État d'Israël, fait partie de la septième génération de Juifs en Palestine ottomane puis en
Israël. Il descendait d'une des familles fondatrices du quartier Mea Shearim de
Jérusalem. Il a occupé un poste de direction à la Bank Mizrahi tandis que sa mère
Mina, Sabra de septième génération, née dans une famille juive enracinée à
Hébron, était enseignante puis directrice d'école.
Yossi Cohen est véritablement un maître espion, nommé chef-adjoint du
Mossad par Tamir Pardo en mai 2011. Il avait rejoint le Mossad en 1983 après son
service militaire comme pilote de chasse et chef des renseignements de l'armée
de l'air. Il a occupé le poste de conseiller à la sécurité nationale (NSC)
en août 2013. Le Conseil israélien de
sécurité nationale (HaMo'atzah leBitachon leOmi) est l'organe central d'Israël
pour la coordination, l'intégration, l'analyse et la surveillance dans le
domaine de la sécurité nationale dépendant directement du premier ministre.
C’est un organisme consultatif car les décisions sécuritaires sont prises au
niveau du Cabinet de sécurité des principaux ministres.
Yossi Cohen, nommé en 2016 à la direction de "l'Agence", est un
expert vétéran du Mossad qui, durant une trentaine d’années, a beaucoup voyagé.
Il fut un espion de terrain, toujours en
mouvement, au point de devenir le spécialiste des cas difficiles. Il était
connu à l’Institut sous le sobriquet de «Monsieur Y» ou plutôt Yod (la
lettre hébraïque) mais aussi comme le «mannequin» eu égard à son
physique de jeune premier. Ses activités à l’étranger consistaient à recruter
de nombreux agents pour le Moyen-Orient, l’Europe, l’Afrique et l’Asie du Sud,
en appliquant la devise du Mossad : «Par la tromperie, la guerre mèneras».
Yossi Cohen, le chef de l'Etat et les chefs sécuritaires |
Il a dirigé, de 2006 à 2011, ce qu’on pourrait appeler le département
des ressources humaines à l’étranger, le département Tzomet (Carrefour)
qui met l'accent sur le recrutement et la manipulation d'agents et
d'informateurs. Dans cette fonction il a été chargé du recrutement des Katsas,
les quelques dizaines d’officiers affectés à des opérations spéciales et aux
techniques de recrutement d’espions envoyés dans un pays arabe ou musulman,
avec une couverture, pour recueillir des informations synthétiques et pour
recruter des Arabes rémunérés avec une indemnité de 3.000 à 5.000 dollars par
mois.
Yossi Cohen a été éduqué dans l’art de traiter les affaires par le
secret. Avec lui, le Mossad n’était pas uniquement une agence de renseignements
mais une annexe du ministère des affaires étrangères, avec l’Iran comme secteur
clé. C’est un proche de Netanyahou et c’est pour cela qu’il a été choisi. Le
premier ministre continue ainsi à verrouiller tous les organismes sécuritaires
pour mettre des gens à lui aux postes les plus sensibles. Pur hasard ou volonté
de satisfaire les sionistes religieux ou les orthodoxes de sa coalition gouvernementale,
de nombreux chefs sécuritaires sont des religieux pratiquants, préférés à
d'autres candidats laïcs de même compétence et de même qualité.
Avec le secrétaire d'Etat John Kerry |
En
l’absence de ministre des affaires étrangères, lorsque le premier ministre
cumulait cette fonction, le chef du Mossad a inspiré la politique étrangère
israélienne. Dans son précédent poste au conseil israélien de sécurité, il a
beaucoup secondé Netanyahou en étant son émissaire, d’abord auprès des alliés
occidentaux mais surtout auprès des pays avec lesquels Israël n’entretient pas
de relations diplomatiques, aidé en cela par une connaissance parfaite de
l’anglais et de l’arabe.
En effet, la diplomatie israélienne se fait de plus en plus dans le
secret des antichambres royales. Yossi Cohen est très introduit auprès des pays
arabes qui partagent ses inquiétudes sur un Iran nucléaire. Avec lui, le Mossad
a fait évolué son activité exclusive de recherche de renseignements en se
chargeant des approches avec les pays arabes et musulmans, frileux quant à
accepter des relations officielles. C’est pourquoi, pour ne pas brusquer ces
pays hésitants, Netanyahou a contourné le ministère des affaires étrangères et
a préféré utiliser Yossi Cohen, à l’aise dans ses contacts, pour préparer des
alliances de convenance et de circonstance avec des capitales arabes, sans
chercher à ouvrir des ambassades de manière prématurée. Très récemment, c’est
Yossi Cohen qui a été envoyé auprès du roi Abdallah de Jordanie pour le
rassurer sur les conséquences réelles de l’annexion de la Cisjordanie.
Yossi Cohen est un habitué des palais des monarques et des émirs arabes.
Mais contrairement à ses prédécesseurs, il ne s’est pas intégré dans les
négociations avec les Palestiniens car pour l’instant il n’y voit aucun avenir.
En revanche il a fait de l’Iran son objectif principal, se distinguant de tous
ses collègues sécuritaires en soutenant la stratégie de Netanyahou contre
l’accord nucléaire, n’excluant pas l’usage de la force. Tous les chefs
militaires et sécuritaires israéliens s’étaient jusqu’à présent prononcé
ouvertement contre toute frappe contre les installations nucléaires iraniennes.
Ils estimaient que Benjamin Netanyahou avait volontairement exagéré la menace
iranienne.
Yossi Cohen à gauche lors de la visite officielle à Oman |
Yossi Cohen est perçu comme un dur capable de modifier la stratégie
israélienne vis-à-vis de l’Iran. Il s’appuie en effet sur l'Arabie saoudite,
les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Koweït, à majorité sunnite,
qui ont un intérêt commun avec Israël face à un Iran nucléaire. Il a déjà parcouru l’ensemble des capitales
occidentales pour diffuser la bonne parole du gouvernement israélien. Il a
toujours montré sa loyauté envers ses dirigeants politiques.
Yossi Cohen en Inde |
Fort d’un appui acquis de la part de pays arabes «modérés», qui
sont prêts à aider Israël à éradiquer le danger nucléaire iranien, Yossi Cohen a
fait de l’Iran son cheval de bataille en tant qu’expert. Sa tâche lui est facilitée
par la confiance personnelle que lui voue le premier ministre. Il a placé le
Mossad en première ligne pour contrer «le sombre islam radical» selon
les termes de Netanyahou, afin d’assurer la sécurité nationale d’Israël. L’État
juif fait face à de nombreuses menaces venant du Hezbollah libanais, de Daesh
en Syrie et en Irak, d’Iran et depuis quelques temps de l’Afrique qui est
devenue une source de ravitaillement en armes pour le Hamas, le djihad
islamique et les terroristes du Sinaï.
Pour faire face à ces défis, Netanyahou avait besoin d’un homme avec des
talents à plusieurs facettes, connaissant les hommes et la cybernétique, rompu
aux techniques du renseignement mais surtout expert en infiltrations d’agents
capables de travailler sous des fausses identités à l’étranger. Il a réformé le
Mossad pour l’ajuster aux défis actuels car les ennemis d’Israël font des
progrès dans les techniques les plus sophistiquées. Mais il ne perd pas de vue
que l’Institut peut certes susciter la guerre mais aussi favoriser la paix.
Yossi Cohen après l'élimination de Soleimani |
Cohen
a intensifié les opérations contre des cibles terroristes, des chefs politiques
ou des savants nucléaires travaillant contre Israël. Il dispose des compétences
militaires, diplomatiques et sécuritaires lui donnant une expertise en cas d’option
militaire contre l’Iran, bien sûr si le pouvoir politique le décidait. Il a
crapahuté sur le terrain et dispose donc d’un capital charismatique auprès de
ses collègues et des dirigeants israéliens qui n’ont trouvé qu’à jalouser son
visage de «mannequin», ses cravates et ses beaux costumes. Mais ils
reconnaissent son esprit fonceur et ses méthodes agressives, sinon directes,
déjà appliquées sur le terrain. Il a les mains libres pour prendre des
décisions rapides, risquées et solitaires dans l’intérêt de l’État en limitant
au mieux les vies humaines. Il est d’un grand conseil auprès du gouvernement
dans le choix d’une politique géostratégique, peut-être aventureuse
militairement. Benjamin Netanyahou a demandé à Yossi Cohen de conserver son
poste pendant un semestre supplémentaire, en raison de la situation sécuritaire
exceptionnelle. Il ne sera donc remplacé qu’en juin 2021 après avoir servi
pendant près de six ans comme chef du Mossad.
C est des génies hautements intelligents que dieu les bénissent
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