ISRAËL CRAINT LA SITUATION D’INSURRECTION AU LIBAN
Par Jacques BENILLOUCHE
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La situation explosive au Liban risque de mener à une véritable insurrection.
Israël observe les évènements avec beaucoup d’inquiétude car ils pourraient tenter
le Hezbollah d’intervenir avec sa milice face à une armée libanaise peu équipée et dévalorisée. Un signe ne trompe pas. Le président de l’État israélien, Réouven
Rivlin, qui est censé «inaugurer les
chrysanthèmes», est sorti de sa réserve pour prendre une position politique
inhabituelle. Il a toujours été très consensuel et très modéré dans ses
interventions, en laissant la politique aux bons soins du gouvernement. Les déclarations belliqueuses ne sont pas dans son ADN.
Il vient de mettre en garde le
Liban pour lui éviter toute aventure dramatique : «Israël tient le
Liban et son gouvernement responsables de toute activité du Hezbollah visant
des cibles israéliennes. Aussi longtemps que le Hezbollah sera une composante
du Liban et de son gouvernement, aussi longtemps que ce groupe continuera à
exploiter le peuple libanais pour servir les intérêts de pays étrangers, la
responsabilité de la souveraineté incombe au gouvernement du Liban qui sera
tenu responsable de toute action commise par le Hezbollah depuis le territoire
libanais. Israël n'hésitera pas à porter un coup fatal à son ennemi où qu'il
soit, et ne reculera jamais devant l'affrontement».
Cette déclaration inhabituelle du président résulte du
chaos existant à l’heure actuelle au Liban, à la limite de la guerre civile. De
nombreuses manifestations éclatent à travers tout le pays pour des raisons,
pour l’instant, économiques. Mais les motivations pourraient vite évoluer. La
livre s’est effondrée. Le dollar qui cotait 3.890 livres le 3 juin n’est pas
loin des 7.000 et il est probable qu’il évoluera encore vers le haut. Sous
prétexte d’une monnaie en ruine, les manifestants ont bloqué des routes et des
rues car il n’y a plus de dollars en circulation. La conversion de la livre en
dollars permet à la population de protéger ses revenus et ne pas trop souffrir
de la décote car les salaires ont chuté de 70% depuis le
mois d’octobre par rapport au dollar.
Devant cette chute brutale de
revenus, la grogne a décuplé. La population s’en est prise aux banques qui ont
été incendiées. Elle ne comprend pas qu’on puisse encore soutenir le premier
ministre Hassan Diab incapable d’endiguer la baisse de la livre et accusé de
soigner un cancer avec de l’aspirine. C’est la pire crise économique depuis des
décennies. En raison du contrôle des capitaux et de la limitation des retraits
en dollars, les citoyens, qui avaient l’habitude de protéger leurs économies en achetant des dollars, sont
tombés dans la pauvreté et leur situation a été aggravée par la pandémie. La
réunion d’urgence du Cabinet n’a pas donné de résultats probants alors qu’on attendait
des mesures pour faire baisser le taux de change de la livre. Le nouveau
gouvernement semble tout à fait dépassé par les évènements.
Gouvernement Diab |
Le président Michel Aoun a exigé
de la Banque centrale qu’elle injecte sur le marché des dollars américains pour
freiner la chute libre de la livre. La grogne est telle que les manifestants
s’en prennent aux soldats bombardés de pierres et pire parfois, attaqués aux bombes à
essence. Les forces de l’ordre ont dû riposter par des gaz lacrymogènes contre
les cocktails Molotov. Les Libanais sont poussés par le désespoir de la faim
car tous les produits de base sont devenus inabordables. L’extension du chômage
a aggravé la situation. Les prémices de la guerre civile de 1975 semblent présentes.
Près de la moitié des six millions d'habitants du Liban vit désormais en
dessous du seuil de pauvreté en raison de l’inflation galopante.
Le gouvernement libanais a demandé l’aide du FMI (Fonds monétaire
international) qui impose toujours des réformes économiques douloureuses, alors
que le système politique est communautaire, voire sectaire. Il existe encore de
fortes résistances malgré les faillites de centaines d’entreprises, entraînant
un chômage de plus de 30%. On se souvient que le Liban a déjà été incapable en
mars 2020 de régler sa dette extérieure.
Mais la corruption sévit dans
tout le pays, à tous les niveaux ce qui excite la colère des citoyens à travers
tout le Liban, à Tripoli, à Sidon, dans la plaine de la Bekaa et en plein
centre de Beyrouth. A la mise à feu d’agences de banques, répondent les tirs de
balles de caoutchouc des forces de sécurité totalement débordées.
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Des zones majoritairement
chiites de la banlieue sud ont été la proie des manifestants qui ont choisi
l’union entre les partisans du Hezbollah et de leurs alliés du Mouvement Amal
qui ont rejoint la foule. Au départ, Hassan Nasrallah avait demandé à ses
milices de rester en dehors des troubles mais il a fini par accepter d’être
impliqué dans les manifestations car «le peuple est affamé». Les
motivations politiques ont pris le pas sur les exigences économiques car le
gouvernement aura du mal à sortir de l’impasse économique et politique. La
seule force structurée est le Hezbollah avec ses milices plus équipées en armes que l’armée régulière libanaise. C’est là que le danger guette.
Les manifestants libanais
appellent le gouvernement à démissionner malgré la crise économique. Le risque
est grand que le Hezbollah décide de passer à l’action pour sauver son allié de
toujours, le président et ex-général Aoun qui lui avait fait un pont d’or au
gouvernement. Alors qu’Israël pense avoir neutralisé en grande partie l’extension
de l’implantation iranienne en Syrie, le front libanais risque de se réchauffer
et de prendre le relais. Cela explique la mise en garde dramatique du président
de l’État.
Mais le Liban sait qu’il aura
tout à perdre de provoquer Israël via le Hezbollah pour détourner l’attention
sur ses échecs. Il risque tout simplement comme l’avait brocardé l’ancien
ministre des transports, Israël Katz, «de ramener le Liban à l’âge de pierre
si le Hezbollah attaquait l’État hébreu». Il ne s’agit pas d’esbroufe de la
part d’Israël mais d’une menace réelle car il n’aura pas d’autre solution si sa
sécurité, voire son existence est menacée. Il est temps que le Liban prenne la
voie des pays arabes modérés qui entretiennent des relations, discrètes certes,
avec Israël. Il aura tout à gagner pour éviter le chaos. Le Hezbollah n’a
apporté au pays que la misère, la mort et le chaos dans ce qui fut la «petite
Suisse du Moyen-Orient».
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