TRISTE COMMÉMORATION AU LIBAN SUD, OTAGE DU HEZBOLLAH
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Le 23 mai 2000, le premier ministre israélien, Ehud
Barak, avait annoncé le redéploiement des forces israéliennes stationnées dans
le sud du Liban qui s’est effectué du 23 au 26 mai. Aussitôt après le retrait
israélien, la milice du Hezbollah, mouvement pro-iranien fondé en
1982 à Baalbek, s’était installée en protectrice envahissante. Mais
depuis, la situation économique nationale s’est dégradée menant en mars
2020 à la faillite officiellement déclarée du Liban. En effet, à deux jours de
la date fatidique marquant l’échéance d’un remboursement de 1,2 milliard
d’euro-obligations de la dette publique du pays, le premier ministre, Hassan
Diab, avait annoncé que le Liban n’était pas en mesure d’honorer cette dette.
À
cette situation dramatique, s’est greffée la crise due au
coronavirus qui a fragilisé encore plus le Liban avec pour conséquence le ralentissement
de l’activité et une aggravation de la crise économique que traverse le pays.
C’est une raison suffisante pour que les Libanais vivant au sud, qui n’ont
jamais été des fervents partisans du Hezbollah, affichent ouvertement leur
opposition à la milice chiite, en la rendant responsable de leurs déboires. La
désillusion qui s’est emparée d’eux leur permet de manifester ouvertement leur
grogne.
Jardin de l'Iran |
Symbole
malheureux de cette présence, le «Jardin de l’Iran» avait été construit après
la guerre de juillet 2006 dans le village frontalier de Maroun el-Ras surplombant les terres israéliennes. L’Iran avait financé
ce jardin public, doté d’un auditorium baptisé Ali Khamenei, où des conférences
sont organisées en même temps que des barbecues publics pour attirer toute une
variété de curieux. Pour marquer les 33 jours de guerre avec Israël, 33
pergolas avaient été érigées en béton, chacune portant le nom d’une province
iranienne. C’est dire l’implication et l’influence des mollahs dans cette
région libanaise assimilée à un petit Téhéran.
Sous les yeux d’une Finul passive,
voire complice, le Hezbollah s’est déployé au Sud-Liban en se renforçant
d’année en année par la construction de tunnels, de bunkers et de structures
militaires de béton. Des galeries souterraines traversent toute la région. Le Hezbollah partage son pouvoir avec la
milice rivale prosyrienne Amal mais s'abstient de régenter les enclaves druzes,
fidèles à leur leader Walid Joumblatt, ainsi que les villages chrétiens placés
sous la tutelle d'un parti laïc inféodé à Damas. Les sphères d’influence n’ont
pas changé depuis le temps de la guerre civile.
Poster géant de Qassem Soleimani au Sud Liban doigt dirigé vers Jérusalem |
La population s’est radicalisée et
l’on voit de plus en plus de femmes en tchador à l’iranienne. Pour commémorer
la «résistance à l’entité sioniste», toute la zone des combats violents,
à savoir les villages de Maroun
el-Ras, Bint Jbeil, Ainata et Aitaroun, a été décorée de drapeaux jaunes du
Hezbollah et de banderoles rendant hommage au parti de Dieu. Les drapeaux
libanais ont été rares durant ce 25 mai. Au début, l’installation du Hezbollah
a été bonne pour les affaires et pour le développement de la consommation
locale. Mais à l’usage rien ne peut être entrepris sans l’imprimatur des chefs
chiites qui ont droit de regard dans les villages. Si les boutiques sont
tolérées, la politique est hors-la-loi. Les quelques journalistes locaux ne
peuvent travailler librement que s’ils sont encartés au Hezbollah ou font
allégeance à lui. Leurs voitures sont contrôlées et leurs déplacements surveillés
pour empêcher la diffusion de thèmes interdits.
Mais la crise économique a donné
l’occasion aux Libanais de se rebeller et de critiquer cette mainmise qui fait
d’eux des otages en puissance. Bien sûr, l’expression n’est pas libre mais la
grogne transpire, même si les contestataires prennent des risques. Le Hezbollah
a tout noyauté dans la région, jusque dans les services de l’État. Les
enseignants qui ne se soumettent pas à l’idéologie de la milice perdent leur
emploi tandis que tous les directeurs des administrations publiques doivent
être inféodés au Hezbollah. Des infirmières et des médecins ont été virés de
l’hôpital de Bint Jbeil et Marjeyoun parce qu’ils ne filaient pas droit. Même
les familles, qui ont pourtant payé un lourd tribut en sacrifiant à la guerre
contre Israël certains de leurs enfants, n’ont aucun passe-droit. Elles sont
suspectes de déviation. En fait, les
populations du sud pensent avoir seulement changé d’occupants et ils en
viennent à regretter les Israéliens qui leur laissaient plus de liberté, sans
les voler.
La population se plaint car du temps
de l’occupation, il y avait de l’argent et pas de crise économique. Ils étaient
sous domination étrangère certes, mais libres. Grâce au commerce avec Israël,
les Libanais du Sud étaient devenus les plus riches du pays. Les Israéliens
finançaient les membres de l’ALS (Armée du Liban Sud) et avaient autorisé des
centaines de Libanais à travailler dans les usines et les hôtels de Galilée et
même dans les champs frontaliers. Au départ des Israéliens, tous ces ouvriers
expatriés ont fait au moins un an de prison pour «collaboration». C’est
pourquoi, certains ont préféré choisir l’exil ou l’installation dans d’autres
villes du Liban. Mais tous sont convaincus qu’au temps passé, ils vivaient
mieux.
Armér Liban Sud |
Les Chrétiens sont ceux qui
souffrent le plus car ils ont subi d’une part les exactions des fédayins puis d’autre
part celles des miliciens du Hezbollah. Ils regrettent d’avoir été abandonnés
par l’État libanais au point de ne rêver qu’à une révolution qui fasse tomber
le Hezbollah. Malgré les appels pressants de New York, le
gouvernement se montre peu empressé de déployer son armée dans le secteur
libéré. Il invoque la nécessité d'attendre la «certification» par l'ONU
du tracé frontalier car une petite contestation existe au sujet des fermes de
Chaba. Excuse non recevable car la vraie raison est que l’armée libanaise doit
coordonner toute initiative avec la Syrie et qu’elle n’est pas du niveau
militaire du Hezbollah, mieux entrainé et mieux armé.
Par
suite de sa faiblesse chronique, l'État libanais a cessé d'exercer son autorité
sur le sud du pays depuis les années 70. Les soi-disant «résistants»
chiites se comportent comme des pilleurs qui agitent la menace d’une épuration
sauvage. Seule faction à avoir refusé d'abandonner ses armes après la guerre
civile (1975-1990), le Hezbollah est même devenu un acteur militaire plus
puissant que l'armée nationale libanaise. Financé et armé par Téhéran, le
groupe a renforcé son arsenal, faisant fi des sanctions de Washington et des
mises en garde d’Israël.
Walid Joumblat |
Pour
venir en aide aux Druzes du Liban, les rassurer et protéger son flanc nord, Tsahal
a constitué le bataillon druze Herev, qui a développé des nouvelles techniques
de lutte contre l'organisation terroriste libanaise, basées sur des années
d'expérience à la frontière nord d'Israël. Le bataillon, décrit comme «le
fer de lance de la frontière du Liban», est chargé de missions uniques près de la
frontière israélo-libanaise. Le lieutenant-colonel Shadi Abu Fares, commandant
du bataillon Herev, explique que la lutte contre le Hezbollah nécessite une
méthode spécifique de combat qui a été testée et approuvée contre des actions
plus agressives.
Bataillon druze Herev |
La
présence de ce bataillon proche de frontière est rassurante pour toute une
population lassée d’être la vache à lait de miliciens sanguinaires. Si la
population du sud se sent otage, elle rêve du jour où la mainmise du Hezbollah
ne sera qu’une mauvaise péripétie dans leur Histoire. Il revient au
gouvernement libanais de changer de stratégie dans la région car des relations
apaisées avec Israël seront bénéfiques pour son économie et pour le bien-être
des populations du sud.
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