PLÉTHORE DE MINISTRES EN ISRAËL
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Le premier gouvernement d'Israël en 1948 |
Un véritable constitutionnaliste devrait se pencher sur la question de la pléthore de ministres en Israël. Il n’est pas judicieux, comme le font certains, de soulever des points de comparaison avec d’autres pays occidentaux parce que la lacune en Israël réside dans l’absence de relais intermédiaires de gouvernance. Nous passons directement de la structure de maire à celle de ministre sachant que, entre les deux, les députés ne gouvernent pas mais légifèrent. Cela implique une charge élevée pour les ministres qui tentent donc de répartir leurs responsabilités en ayant recours à des sous-ministres. A chaque mandature, de nouveaux sujets d'intérêt apparaissent au fil des événements, comme la crise du coronavirus.
Alors
on se glose que les États-Unis ne disposent que de 15 Secrétaires d’État à la
tête des ministères : Département d'État chargé de la politique étrangère,
Département du Trésor, Département de la Défense, Département de la Justice
dirigé par le procureur général des États-Unis, Département de l'Intérieur, Département
de l'Agriculture, Département du Commerce, Département du Travail, Département
du Logement et du Développement urbain, Département des Transports, Département
de l'Énergie, Département de la Santé et des Services sociaux, Département de
l'Éducation, Département des Anciens
combattants, et le Département de la Sécurité intérieure.
Mais il faut noter que les États-Unis disposent d’une structure fédérale avec des gouvernements dans
chacun des 50 États. Le gouverneur de chaque État, élu au suffrage universel
direct, non subordonné aux autorités fédérales, est le chef politique et
exécutif de l'État. Il contrôle le budget, assure les nominations de plusieurs
responsables (dont certains juges) et joue un rôle considérable dans la
législation de l'État. Il dispose de son
propre gouvernement et de ses propres structures administratives. Il s’agit d’un État dans l’État. Donc si Trump ne dispose que de 15 ministres, il dispose de 50 sous-ministres en la personne des gouverneurs de chaque Etat.
En
France il existe plusieurs niveaux de gouvernance au-delà des mairies, avec les
Conseils départementaux et les Conseils régionaux. Le pays est composé de 101
départements en France métropolitaine, en Corse et en France d'outremer. Les
assemblées départementales ont en charge la gestion de l’action sociale, de l’éducation
primaire, des transports, de l’aménagement du territoire, de la culture, du tourisme,
du sport et de l’environnement. C’est autant de secteurs qui ne sont pas
traités par le gouvernement. Par ailleurs, treize régions regroupent plusieurs
départements. Les Conseils régionaux gèrent les lycées et les transports
régionaux et ont des attributions liées au développement économique du
territoire. Le gouvernement français se consacre donc uniquement aux questions
nationales et internationales.
C’est
aussi le cas en Allemagne avec le fédéralisme des 16 Länder, mini-gouvernements
régionaux dotés de nombreux pouvoirs, notamment en matière de police,
d'éducation et de culture. La Belgique répond aux mêmes critères, avec beaucoup
de similitude avec Israël, quant au nombre d’habitants, 11 millions. La classe
politique belge se plaint aussi du nombre élevé de ministres.
Toutes
ces structures coûtent bien sûr beaucoup d’argent aux pays concernés mais le
budget, étant décentralisé, il ne montre pas la réalité de l’impact général. En France, on envisageait des économies en supprimant le niveau des départements
pour donner tous les pouvoirs aux régions et réduire la facture économique.
Mais c’était sans compter sur l’opposition des conseillers départementaux qui protègent
leur «fromage», suffisamment pour faire capoter le projet. En effet, les Conseils
départementaux sont des sources d’emplois et un moyen évident de caser des
militants des partis. Donc l’économie sur le nombre de ministres est consacrée à
l’aide locale.
Certes,
il parfois difficile de s’y retrouver dans les instances dirigeantes d’Israël
au milieu d’une pléthore de ministères où se glissent parfois des intitulés
flous, au point que l’on songe parfois à des emplois fictifs à des fins de
cadeaux politiques. Nous sommes loin du premier gouvernement d’Israël et de ses
14 ministres. Il est vrai qu'à l'époque le pays ne comptait que 600.000 habitants, donc tout est relatif. Effectivement, avec 35 ministres et une dizaine de sous-ministres, les
membres de gouvernement forment une véritable armée mexicaine, Près de la
moitié des députés de la Knesset sont ministres.
L’augmentation
de leur nombre fait débat dans un contexte budgétaire tendu et certains, pour
être violents, comparent Israël à certaines républiques bananières d’Afrique. Ainsi
le Niger a nommé 32 ministres et 5 ministres délégués, le Rwanda 31, la Guinée
34 et 3 ministres délégués. Le pays champion toute catégorie est la Guinée
équatoriale avec trois vice-Premier ministres, 24 ministres, 25 ministres
délégués et 52 secrétaires d’État totalisant 89 membres. Israël n’est pas encore
arrivé à ce stade mais déjà il détient un record dans le pays créant ainsi un précédent
pour les années futures.
Mais
comme nous l’avions souligné, en Israël, il n’existe aucune structure
intermédiaire et devant les charges croissantes des ministres, le nouveau
gouvernement, c’est sa responsabilité, a décomposé les attributions entre
plusieurs personnes, certes pour satisfaire les appétits et les exigences
honorifiques de certains députés attachés plus à leur véhicule de fonction qu’à
la résolution des problèmes du pays. La question n’aurait pas été soulevée si
certaines nominations n’étaient pas purement politiques en dehors de toute
compétence réelle. Mais en revanche, le gouvernement n'a pas de structures régionales ou fédérales qui grèvent son budget.
Il
est temps pour Israël d’opter pour une décentralisation même si le pays est
petit, afin que tout ne remonte pas au sommet. Il existe de grandes disparités humaines et économiques entre plusieurs parties d'Israël qui ont chacune leurs propres préoccupations. Les régions, qui
pourraient être créées, auraient leur propre
budget local et leur propre politique économique car les préoccupations de Tel Aviv
ne sont pas les mêmes que celles de Yeruham et les développements du Néguev
distincts de ceux de la Galilée. Certaines régions pourraient être créées sur des bases communautaires pour permettre une prise en compte des problèmes par les administrés eux-mêmes. Dans la pléthore de ministres, il manque en fait
un ministre de la décentralisation.
Merci à Dominique Cywié, porte-parole francophone de
Bleu-Blanc, qui m’a aimablement inspiré ce sujet.
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