LES ORPHELINS DU PARTI TRAVAILLISTE ISRAÉLIEN
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Liste Avoda-Meretz aux élections de 2020 |
Les résultats décevants
du parti travailliste aux dernières élections du 2 mars 2020, seulement 3
députés élus, et la décision de leur chef de rejoindre un gouvernement de
coalition avec Benny Gantz, ont été reçus comme un coup de tonnerre par les
membres du parti. C’est effectivement un drame pour de nombreux militants qui
se trouvent tout à coup orphelins de leur structure politique. Les historiens
auront à se pencher avec détail sur les raisons qui ont poussé les électeurs à
bouder le parti historique qui a fondé l’État et qui l’a dirigé de manière
continue de 1948 à 1977. Trois campagnes militaires victorieuses ont émaillé
cette période, la campagne de Suez de 1956, la Guerre de Six-jours de 1967 et
la guerre de Kippour de 1973 et jamais, les Travaillistes n’avaient subi de
revers permettant de remettre en cause leur gouvernance.
Même
les militants historiques sont dans le désarroi ne sachant quelle attitude
adopter, rester au parti pour attendre des jours meilleurs ou le quitter pour
aller vers d’autres cieux plus actifs. De ce point de vue, la déclaration
dramatique de l’ancien ambassadeur Daniel Shek illustre le dilemme : «Depuis
près de cinquante ans, je suis électeur du parti travailliste et membre actif
pour la plupart de ceux-ci, tout comme l'était mon défunt père avant moi. Ça
n'a pas toujours été une balade de plaisir… Je quitte donc le parti
aujourd'hui, en espérant trouver un foyer politique avec des fondements
idéologiques non complètement dévorés par le cynisme politique. Souhaitez-moi
bonne chance, car j'aime ce pays». Les capitaines quittent le navire en pleine perdition.
Depuis
de long mois, le parti était dans la déprime à tel point que Netanyahou a voulu
l’exploiter pour en abuser. Quelques jours avant de signer avec Benny Gantz, cela explique son
hésitation des derniers jours, il avait proposé cinq portefeuilles ministériels
aux Travaillistes pour le rejoindre afin de combler les 3 sièges qui lui
manquaient pour boucler sa coalition gouvernementale. Pour Amir Peretz ce fut
une fin de non-recevoir digne, même si la question de l’avenir du parti se posait.
Il ne lui restait que la solution de se saborder pour laisser ses militants
libres de rejoindre soit Kahol-Lavan, soit Meretz. Cette solution est loin de
satisfaire la majorité des militants d’un parti structuré qui regorge encore de
cadres locaux. Le leader du parti travailliste a finalement annoncé sa fusion
avec la coalition Bleu-Blanc, ce qui devrait signifier que le parti
travailliste sera dissout. Cette solution va finir de briser définitivement le
parti.
Peretz-Gantz à la Knesset |
On
assiste véritablement à la fin d’une époque et de celle du sionisme socialiste
qui avait pris naissance aux origines de la création de l’État d’Israël. Le
parti de Golda Meïr, d’Yitzhak Rabin, de Shimon Pères et d’Ehud Barak, avait remporté
l’ensemble des élections législatives jusqu’en 1977, défait par le Likoud de Menahem
Begin. Depuis cet échec, sa domination historique dans le paysage politique
s’est effritée au fil des élections en raison de ses options politiques et de
son idéologie.
Les
faibles résultats des accords d’Oslo de 1993, votés à une majorité d’une voix
grâce à la trahison d’un député de droite, ont poussé les Israéliens à ne plus
croire en la capacité des Travaillistes à organiser la paix. Les accords,
entachés par deux Intifada sous les régimes travaillistes, ont fini par enlever
toutes les illusions. Le parti était resté attaché à la solution à deux États à
laquelle ne croyaient plus les Israéliens, face aux nombreux attentats et à
l’intransigeance des dirigeants palestiniens. Ce refus de deux États et ses
erreurs de stratégies ont entraîné un basculement progressif de l’opinion
publique vers la droite.
Le parti a souffert certes d’une droitisation du
sionisme historique mais surtout de l’ancrage du libéralisme économique au sein
de la société israélienne, faisant perdre aux idéologies, de droite comme de
gauche, la clarté dans le débat publique. Les Travaillistes ont refusé de
prendre une position claire sur les options politiques fondamentales pour
ménager ce qui leur restait de militants.
Avi Gabbay |
Croyant
trouver la recette pour enrayer leur perte de vitesse, les militants n’avaient
rien trouvé de mieux que de faire appel à un séfarade social-libéral, Avi
Gabbay, millionnaire d’origine marocaine qui avait choisi la voie du centrisme
pour assurer un équilibre interne. Mais il s’était vite décrédibilisé en
acceptant de faire des concessions à ses rivaux politiques.
Le
parti a alors subi une baisse graduelle du nombre de sièges : 56 sièges en
1969, 32 en 1977, 13 en 2009 et 24 sièges en 2015 dans le cadre d’une alliance
Union sioniste, enfin 5 en 2020. Cette érosion s’explique et s’analyse. Jusqu’à
la guerre de Six-Jours, le patriotisme aidant, le camp travailliste n’a
souffert d’aucune perte de soutien. Mais l’électorat du parti était constitué
en majorité de citoyens aisés, ashkénazes et plutôt sécularisés.
La
campagne électorale de 1977 a été une révélation pour l’électorat oriental qui
a manifesté sa désapprobation dans les urnes. Les Orientaux ressassaient cela
depuis leur arrivée dans les années 1960 et leur mise à l’écart des postes
importants. Ils ont ouvertement accusé les pères fondateurs d’Israël de faire
preuve de discriminations à leur égard. Menahem Begin et plus tard Benjamin
Netanyahou ont su capter à leur profit la rancœur de cette classe politique.
Les éléments défavorisés de la population attachés à leur judéité, et
paradoxalement au libéralisme économique, ont donné 43 sièges au Likoud qui,
dans une véritable révolution politique, a mis fin à la domination historique
des Travaillistes, alors empêtrés dans des scandales de corruption. En 1996,
Ehud Barak avait tenté d’effacer l’image d’un parti élitiste et anti-orientaux
mais le clivage entre les séfarades, la moitié de la population juive, et
ashkénazes était bien ancré dans les esprits.
Les
élections de 2015 ont confirmé cette évolution. La ville de Sdérot, symbole des
Orientaux, dont le maire était Amir Peretz, a voté à 7% pour les Travaillistes
malgré les missiles qu’elle recevait en permanence et à 43 % de ses 22.000
habitants pour le Likoud. La présence d’Avi Gabbay, dont les parents venaient
du Maroc, n’a rien fait pour atténuer la débâcle.
Ben Gourion-Golda Meir |
Les
Travaillistes n’ont par ailleurs rien appris de Ben Gourion qui, tout au long
de ses mandats, a toujours soigné l’électorat arabe, en l’intégrant même dans
son gouvernement. Ils ont singé les dirigeants du Likoud dans leur haine de la
minorité. Les Arabes, qui représentent 21% de la population, ont subi les mêmes
discriminations que les immigrants orientaux. Alors que dans les premières
années de l’État d’Israël, les Arabes étaient de véritables partenaires, ils se
sont éloignés des Travaillistes pour donner paradoxalement, par dépit, 30% de
leurs voix au Likoud. Les statistiques
ne se trompent pas dans les villages arabes. Les Travaillistes ont perdu au moins 4 députés qui auraient pu être élus avec les voix arabes.
Dans
une étude publiée par Israel Democracy Institute en 2016, 91% des Arabes
israéliens sondés se disaient ainsi victimes de discriminations, notamment sur
le marché de l’emploi, dans les aides sociales accordées par l’État et dans
leur vie quotidienne. Malgré les progrès visibles de leur intégration
économique et sociale au fil des années, le sentiment d’être des citoyens de
seconde classe persiste, dernièrement cristallisé par la loi sur l’État-nation
juif de juillet 2018. En faisant d’Israël «l’État-nation du peuple juif»
et en faisant de l’hébreu la langue officielle du pays, ce texte a été perçu
comme le parachèvement d’une hostilité grandissante envers la population arabe.
Pourtant, la société israélienne, avec 40 % de laïcs, 20 % de
nationaux-religieux, 20 % d’orthodoxes et 20 % d’Arabes israéliens, avait
réussi à donner un sentiment d’unité nationale.
Famille Madjala |
La crise du coronavirus a réveillé les esprits pour réaliser le véritable apport arabe à la communauté israélienne. Dans cette famille d'Arabes israéliens totalement intégrée, les Madjala du village de Baka
al-Garbiyeh au Centre d'Israël, cinq d'entre eux sont médecins et leur
patriarche, le Dr Riad Madjal, a 63 ans. Ils ont lutté au quotidien, en premières lignes contre le
Coronavirus, côte à côte avec leurs collègues juifs israéliens, dans les
centres hospitaliers du pays. Les Travaillistes avaient peu fait pour mettre en évidence la lacune de les voir écartés des cadres du pays.
Le
parti travailliste vient d’entrer dans l’Histoire, totalement laminé mais la
dernière des Mohicans, la députée Merav Michaeli, veut continuer à y croire.
Elle a décidé de poursuivre le combat, seule, et de maintenir toujours allumée la
flamme historique d’un passé glorieux. C’est véritablement courageux de sa
part.
Qu’il y ait une droitisation de la société israélienne, c’est un fait.
RépondreSupprimerMais de tout temps, les électeurs suivent avant tout beaucoup plus un leader plutôt que le parti qu’il incarne.
Sans paraître blessant, la majorité des électeurs ne font pas vraiment la différence entre des idées de gauche, droite, libérales, ou pas. L’électeur souhaite un candidat qui les représente bien, ait une personnalité et en qui ils puissent s’identifier.
Bibi les comble puisque parmi les points positifs que retrouvons nous le plus souvent ? Il a tenu tête à Obama, il fait de beaux discours en anglais, il a une stature internationale..
Lorsque Gantz est entré en politique, il a connu de suite un engouement auréolé de son prestige de chef d’état major et avec une prestance équivalente à celle de Bibi.
Et à gauche ? Qui a-t-on eu depuis 20 ans ?
Dès Herzog à la voix tramblotantes et nasillardes, des Amir Peretz à la moustache stalinienne ou encore un parvenu comme Gabaï ?
Quel que soit le fond des idées sociales de la gauche, de ses qualité et de son histoire, elle ne s’est pas rendue compte que nous vivions à l’époque de l’image, des réseaux sociaux, et plus à l’époque de la photo en noir et blanc..
Où sont les Rabin, Golda Meir, Dayan, Ben Gurion, Shimon Pères ?
À la place, il y a d’obscurs idéologistes, et encore pas toujours, incapables de se renouveler et dont les électeurs sont bien incapables de s’y incarner..
rien d’étonnant à ce que ce parti disparaisse, suivant en cela la même trajectoire que le Parti socialiste français qui a sombré exactement pour les mêmes raisons..
🥵je crois que mon voyage en Israël ne se réalisera plus jamais😓je garderai ce souvenir , ma photo avec Shimon Pères , ici avec mes espoirs perdus … les Israéliens au pouvoir n’ont pas construit ce pays… la religion a pris le pas sur l’Amour et les espoirs de ce pays, Israel🥶Andree DEBoRDE
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