AUTOPSIE D’UNE ÉLECTION LÉGISLATIVE EN ISRAËL
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Les chiffres sont
têtus, ils donnent la vraie image du combat entre deux clans. Netanyahou est sorti
largement vainqueur puisqu’il gagne 4% de voix par rapport aux dernières
élections et 4 députés de plus mais il ne recueille que près de 30% des suffrages
nationaux impliquant que 70% du pays ne l’ont pas choisi. Mais les perdants ne sont
pas ceux que certains veulent désigner.
Ainsi
en obtenant 1.219.170 voix au lieu de 1.151.214 en septembre 2019, le parti
Bleu-Blanc passe de 25,95% à 26.59% soit un gain de près de 1%. Ce n’est pas
trop mal pour un perdant. Les vrais perdants sont Bennett et Shaked qui passent
de 260.655 voix à 240.406 soit près de 20.00 suffrages perdus. Bien sûr, le
camp de la gauche réunie, Travailliste-Meretz s’effondre de 405.277 voix à
267.909 laissant en chemin une partie de son électorat récupéré en partie par le Likoud et moins chez Kahol-Lavan. En effet, Gantz a gagné 68.656 voix mais la gauche en a perdu 137.368. La différence de voix, 68.712, s'est obligatoirement retrouvée au Likoud. L'analyse des chiffres donne un transfert de deux députés de gauche vers le Likoud. Les experts devront expliquer comment des électeurs de gauche ont choisi de rejoindre le camp de la droite. D'autres chiffres publiés par la presse montrent que dans des villes totalement "juives", des voix se sont portées sur la liste arabe. Tout reste à expliquer. Mais la gauche est la vraie perdante du scrutin ; comme en Europe, elle ne séduit plus.
Le
Likoud s’était plaint que Otzma lui avait siphonné deux sièges. Il est dans
l’erreur car Otzma n’a récolté péniblement que 19.454 voix, moins d’un
demi-député. C’est la seule vraie bonne nouvelle de cette élection. Les
Israéliens ont refusé de cautionner les Kahanistes, qui vivent encore dans le
passé glorieux de leur chef raciste. L’extrémisme n’a jamais payé et ne paiera
jamais. Les Israéliens ont montré qu’ils étaient majeurs et sourds aux appels
de haine et de racisme.
Liste Otzma |
En
comparant les trois dernières élections, on constate que d’une manière générale
les grands groupes sont stables et qu’il n’y a pas de raz-de-marée en raison du
système électoral à la proportionnelle intégrale. Il existe une circulation de
3 ou 4 sièges entre les groupes qui ne permettent pas toutefois de générer une
majorité stable. C’est la IVème République version israélienne qui impose aux
dirigeants des combines électorales, des trahisons et des renoncements,
Israël
est devenu un pays comme un autre et les exigences des dirigeants historiques de
l’époque pionnière sont périmées parce qu’ils voulaient la représentation de
tous les Juifs, de toutes les tendances et de toutes les idéologies. Ce qui
était valable pour un pays de 800.000 habitants n’est plus valable lorsque la
population atteint 9 millions. Un pays doit être gouverné dans la longueur,
dans le cadre d’une stabilité gouvernementale pour aborder éventuellement les réformes
indispensables à l’intérêt du pays. Or, les petits partis font la loi et l’esprit communautaire est trop vivace.
Il
faut donc changer le système électoral pour un système majoritaire avec une
prime au premier et une dose de proportionnelle. Le parti arrivé en tête doit
obtenir d’office 60 députés et les 60 restants sont répartis
proportionnellement entre toutes les listes. Cela pousserait ainsi les partis à
se regrouper pour tendre de plus en plus vers le bi ou tripartisme.
Avec
ce nouveau système préconisé, le Likoud aurait obtenu 60+18 soit 78 députés,
bleu-blanc 17 sièges, Shass 4 ou 5, UTJ 4 députés, Meretz 3 ou 4, liste arabe 7
ou 8, Lieberman 3 ou 4, et Yamina 3. Tous les partis seraient certes représentés
et pourraient se faire entendre à la Knesset mais le parti arrivé en tête
aurait les mains libres pour fonctionner durablement. C’est un système moins rigide que le système
britannique qui exclue toute proportionnelle et qui élimine d'office certains groupes minoritaires.
Mais
pour changer cela, il faudrait une volonté politique et une capacité suicidaire
acceptée par les petits partis. Là est la question. On croyait être parvenu au bout du tunnel électoral et en fait, tout est à reconsidérer.
Une analyse lucide quant à l'absence d'évolution du mode électoral, préjudiciable au pays en fin de compte.
RépondreSupprimerOn ne peut qu'etre d'accord avec vous sur le fait de modifier le systéme électoral pour éviter le dysfonctionnement d'une IV ième république notamment dans un pays aussi tourmenté qu'Israel. Ceci pour la forme qui a toute son importance. Mais il ne faut pas sous estimer le vrai probléme de fond résultant des tensions de plus en plus fortes entre "Etat juif " et "démocratique" lorsq'une moitié de la population de part et d'autre a pour sentiment que cet équilibre-qui faisait le consensus juif depuis 1948- est rompu ou bien est en train de se rompre, l'un voulant s'en débarrasser et l'autre le conserver.
RépondreSupprimerJe lis un réel désir de changer les choses avec ces élections à répétition qui frisent le ridicule.
RépondreSupprimerA la limite, je souhaiterai qu'il y ait une 4ème élection, ce qui réveillera les Israéliens du ridicule de leur système électoral, et les fera réagir.
Comment? Avec les réseaux sociaux, il peut y avoir une réaction en chaine qui finira par obliger le gouvernement à proposer un référendum avec de telles propositions.
Une critique à tes propositions. Il faut, que le parti qui a le plus de voix ait d'emblée 61 députés, nécessaires et suffisants pour gouverner.
Les 59 autres sièges à se partager à la proportionnelle entre les autres partis.
Pas de risques de dégommer le vainqueur et continuer ainsi le jeu mortifère des partis.
Interdiction de fusion de partis avant les élections, même s'il peut y avoir association après les élections. On verrai ainsi le poids réel de chaque parti.