LA POPULATION LIBANAISE DANS LA TOURMENTE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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La
petite Suisse du Moyen-Orient n’est plus qu’une illusion. Le jour où le
Hezbollah s’est implanté à Beyrouth pour y introduire le chaos politique et militaire, alors
la situation s’est dégradée. Les Libanais ont vu leurs conditions de vie se
détériorer sans qu’un changement de stratégie politique soit enclenché. Les
Chrétiens, qui auraient pu être les passeurs de paix entre Israël et le Liban,
ont préféré jouer le jeu des pays arabes et pour certains, pire, le jeu des
islamistes. Pourtant en tant que voisins immédiats ils auraient pu mettre en
jeu leur synergie mutuelle dans le cadre d’une communauté de destin.
L’année
2020 a mal commencé. Le pays qui était un exemple de modernité dans un monde
arabe souvent anachronique, doit subir le rationnement de l’électricité dans un
siècle où tout est électrique. La population peine à se chauffer car l’eau et
le gaz sont aussi rationnés. La plupart
des régions sont touchées et en particulier le nord du pays et la
capitale. Excédés des jeunes ont envahi les locaux de la compagnie
d'électricité à al-Bahsas en prenant des risques techniques énormes.
Manifestations contre EDL |
Les manifestations se
sont multipliées devant les bureaux de EDL (électricité du Liban) pour s’opposer
aux rationnements et forcer à la résolution de la crise. Le pays vire au sous-développement
alors que c’était un modèle pour les monarchies et les potentats arabes
vieillissants. A notre époque il est difficile d'imaginer, sauf dans les zones
d’Afrique les plus reculées, une vie à la bougie, avec des ascenseurs bloqués
et un Internet en panne.
Pour
la population, le coupable est vite trouvé. Le Courant patriotique libre (CPL), avait été fondé
en 1992 par le général Michel Aoun, actuel président du Liban. Dirigé par
Gebran Bassil, le gendre d’Aoun, il représente le plus grand parti au Parlement
libanais et le plus grand parti chrétien. Il avait alors élaboré un programme
comprenant des plans économiques et politiques pour reconstruire l'économie
libanaise, pour éliminer la corruption, pour étendre l'autorité du gouvernement
sur tout le territoire libanais et pour auditer les comptes de l'État en vue de
déterminer les causes de l'endettement du Liban. Vaste programme qui n’a jamais
vu le jour.
Nada Boustani-Khoury |
Et pourtant le CPL détenait une grande partie des pouvoirs
économiques du pays dont plusieurs ministères. La ministre de
l'Energie et de l'Eau Nada Boustani-Khoury, qui est diplômée d’une Grande École à
Paris, a accusé les conditions météorologiques qui empêchent le déchargement
des navires-citernes sur la côte libanaise. Drôle d'excuse à notre époque. Elle a promis le retour partiel de
l’électricité à Beyrouth et sa banlieue. Encore faut-il qu’en l’absence de
gouvernement, elle puisse disposer d’un budget 2020 pour l’approvisionnement.
Pour
un pays qui disposait d’énormes ressources aquatiques et malgré les fortes
précipitations de l’année, les autorités libanaises ont coupé l’eau dans une
grande partie de Beyrouth forçant la population à en acheter par divers moyens,
au détriment de l’hygiène, de la propreté et donc de la santé ; difficile
de comprendre cette situation en 2020 !
A
ce malheur s’est ajoutée la crise du gaz qui force les Libanais à se déplacer à
Saidon, Nabatiyeh, et d’autres villages pour s’approvisionner afin de se chauffer
alors que l’hiver est rigoureux cette année. Le gaz est rationné depuis
décembre 2019, entraînant évidemment la naissance d’un marché noir. La
population supporte mal l’augmentation du coût de la vie due aux prix élevés des biens de consommation.
La crise monétaire a doublé certains prix. La plus
forte hausse concerne les produits alimentaires et même les produits
subventionnés comme les médicaments, le carburant et la farine, sous l’influence
de la politique des cartels. Selon la Banque mondiale, les prix au Liban sont 30%
plus élevés qu’en Israël alors que les Israéliens se plaignent déjà du renchérissement
de la vie. 55% des Libanais vivent en dessous du seuil de pauvreté, 25% n’ont
pas les moyens de s’offrir de la nourriture en quantité suffisante et une
grande majorité n’a pas les moyens de se soigner.
Les
grèves et les blocages de routes se poursuivent alors que la révolte entre dans
son quatrième mois et que la formation d’un gouvernement ne répond pas aux
aspirations de la rue. Les violences sont quotidiennes devant le siège de la
Banque du Liban à Hamra ; les manifestants ont lancé des cocktails Molotov
et des pierres en direction du bâtiment de la BDL. Pour l’instant les rassemblements
devant le Parlement sont restés pacifiques tandis que les protestataires exigent
la formation d’un cabinet de technocrates indépendants.
Les élèves et les
étudiants ont envahi les rues à Beyrouth et bloqué le Ring contre la crise
économique et politique. Dans presque toutes les villes du Liban des grandes
marches ont été organisées et des routes bloquées. Des médecins, des ingénieurs
et des professeurs d’université se sont joints aux manifestants. Des appels à
manifester ont été lancés par les groupes de révolutionnaires, notamment pour
une marche à Beyrouth le 18 janvier depuis la place Sassine pour réclamer que
les «corrompus rendent des comptes et restituent les fonds volés».
Malgré
cette situation dramatique, l’honneur est sauf car il n’est pas question de
collaborer avec «l’entité sioniste», pourtant à portée de sa frontière. Depuis le développement de la gangrène islamiste et l'influence des Iraniens, le Liban a beaucoup périclité. Malgré cela, les Libanais préfèrent inviter les islamistes du Hezbollah, dotés d'une capacité de nuisance, à continuer à participer
au gouvernement parce que c’est la volonté du président Aoun qui obéit aux ordres de Nasrallah.
Il ny'a pas de pays qui ne périclite lorsque le l'Islam s'y installe en y chassant ses précédents maitres lesquels au moins pour le cas du Liban recherchaient un équilibre ou une alliance de plus en plus précaire face au nombre.La gouvernance des chrétiens au Liban est une illusion sachant qu'ils sont sous la menace de puissants groupes paramilitaires armés par des puissances islamiques étrangéres. Le fait est que les chrétiens ne peuvent tenir dans les zones musulmanes et sont appelés à disparaitre. L'exemple du Liban devrait faire réfléchir les occidentaux qui ne sont pas exempts du fléau qui les attend :leur suisse devient le tiers monde...
RépondreSupprimerCher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerVous conviendrez tout de même avec moi que la "tourmente" du peuple libanais ne date pas d'hier ? Personne, je l'imagine, ne peut avoir oublié ces réfugiés Palestiniens qui par milliers, ont afflué au Liban dès la création de l'État d'Israël, en 1948. Dès lors, le Liban s'est trouvé dans la tourmente de la guerre israélo-palestinienne.
Puis en 1969, il y eut ces "Accords du Caire" entre Arafat et le général en chef de l'armée libanaise, qui réaffirmaient la souveraineté du Liban mais légalisaient la présence armée de l'OLP dans le Sud Liban ce qui devait faire inexorablement basculer le Liban dans la guerre civile entre 1975 et 1990, dont il semble que le Liban n'ait jamais réellement pu se remettre, ni sur le plan politique, ni sur le plan économique.
Très cordialement.
Le Liban me fait penser à notre jeune âge avec Farid el Atrache, Fayrouz, Sabah nous dit-on d'origine libanaise ... Des films parlant arabe que l'on aimait mais certes moins que ceux des westerns américains.. L'analyse est fort interessante d'ailleurs que je partage pour mes amis fb.
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