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dimanche 19 janvier 2020

La population libanaise dans la tourmente


LA POPULATION LIBANAISE DANS LA TOURMENTE

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            

          La petite Suisse du Moyen-Orient n’est plus qu’une illusion. Le jour où le Hezbollah s’est implanté à Beyrouth pour y introduire le chaos politique et militaire, alors la situation s’est dégradée. Les Libanais ont vu leurs conditions de vie se détériorer sans qu’un changement de stratégie politique soit enclenché. Les Chrétiens, qui auraient pu être les passeurs de paix entre Israël et le Liban, ont préféré jouer le jeu des pays arabes et pour certains, pire, le jeu des islamistes. Pourtant en tant que voisins immédiats ils auraient pu mettre en jeu leur synergie mutuelle dans le cadre d’une communauté de destin.



            L’année 2020 a mal commencé. Le pays qui était un exemple de modernité dans un monde arabe souvent anachronique, doit subir le rationnement de l’électricité dans un siècle où tout est électrique. La population peine à se chauffer car l’eau et le gaz sont aussi rationnés. La plupart des régions sont touchées et en particulier le nord du pays et la capitale. Excédés des jeunes ont envahi les locaux de la compagnie d'électricité à al-Bahsas en prenant des risques techniques énormes. 

Manifestations contre EDL

          Les manifestations se sont multipliées devant les bureaux de EDL (électricité du Liban) pour s’opposer aux rationnements et forcer à la résolution de la crise. Le pays vire au sous-développement alors que c’était un modèle pour les monarchies et les potentats arabes vieillissants. A notre époque il est difficile d'imaginer, sauf dans les zones d’Afrique les plus reculées, une vie à la bougie, avec des ascenseurs bloqués et un Internet en panne.
            Pour la population, le coupable est vite trouvé.  Le Courant patriotique libre (CPL), avait été fondé en 1992 par le général Michel Aoun, actuel président du Liban. Dirigé par Gebran Bassil, le gendre d’Aoun, il représente le plus grand parti au Parlement libanais et le plus grand parti chrétien. Il avait alors élaboré un programme comprenant des plans économiques et politiques pour reconstruire l'économie libanaise, pour éliminer la corruption, pour étendre l'autorité du gouvernement sur tout le territoire libanais et pour auditer les comptes de l'État en vue de déterminer les causes de l'endettement du Liban. Vaste programme qui n’a jamais vu le jour. 

Nada Boustani-Khoury

          Et pourtant le CPL détenait une grande partie des pouvoirs économiques du pays dont plusieurs ministères. La ministre de l'Energie et de l'Eau Nada Boustani-Khoury, qui est diplômée d’une Grande École à Paris, a accusé les conditions météorologiques qui empêchent le déchargement des navires-citernes sur la côte libanaise. Drôle d'excuse à notre époque. Elle a promis le retour partiel de l’électricité à Beyrouth et sa banlieue. Encore faut-il qu’en l’absence de gouvernement, elle puisse disposer d’un budget 2020 pour l’approvisionnement.

            Pour un pays qui disposait d’énormes ressources aquatiques et malgré les fortes précipitations de l’année, les autorités libanaises ont coupé l’eau dans une grande partie de Beyrouth forçant la population à en acheter par divers moyens, au détriment de l’hygiène, de la propreté et donc de la santé ; difficile de comprendre cette situation en 2020 !  
            A ce malheur s’est ajoutée la crise du gaz qui force les Libanais à se déplacer à Saidon, Nabatiyeh, et d’autres villages pour s’approvisionner afin de se chauffer alors que l’hiver est rigoureux cette année. Le gaz est rationné depuis décembre 2019, entraînant évidemment la naissance d’un marché noir. La population supporte mal l’augmentation du coût de la vie due aux prix élevés des biens de consommation. 

          La crise monétaire a doublé certains prix. La plus forte hausse concerne les produits alimentaires et même les produits subventionnés comme les médicaments, le carburant et la farine, sous l’influence de la politique des cartels. Selon la Banque mondiale, les prix au Liban sont 30% plus élevés qu’en Israël alors que les Israéliens se plaignent déjà du renchérissement de la vie. 55% des Libanais vivent en dessous du seuil de pauvreté, 25% n’ont pas les moyens de s’offrir de la nourriture en quantité suffisante et une grande majorité n’a pas les moyens de se soigner.


            Les grèves et les blocages de routes se poursuivent alors que la révolte entre dans son quatrième mois et que la formation d’un gouvernement ne répond pas aux aspirations de la rue. Les violences sont quotidiennes devant le siège de la Banque du Liban à Hamra ; les manifestants ont lancé des cocktails Molotov et des pierres en direction du bâtiment de la BDL. Pour l’instant les rassemblements devant le Parlement sont restés pacifiques tandis que les protestataires exigent la formation d’un cabinet de technocrates indépendants. 
          Les élèves et les étudiants ont envahi les rues à Beyrouth et bloqué le Ring contre la crise économique et politique. Dans presque toutes les villes du Liban des grandes marches ont été organisées et des routes bloquées. Des médecins, des ingénieurs et des professeurs d’université se sont joints aux manifestants. Des appels à manifester ont été lancés par les groupes de révolutionnaires, notamment pour une marche à Beyrouth le 18 janvier depuis la place Sassine pour réclamer que les «corrompus rendent des comptes et restituent les fonds volés».

            Malgré cette situation dramatique, l’honneur est sauf car il n’est pas question de collaborer avec «l’entité sioniste», pourtant à portée de sa frontière. Depuis le développement de la gangrène islamiste et l'influence des Iraniens, le Liban a beaucoup périclité. Malgré cela, les Libanais préfèrent inviter les islamistes du Hezbollah, dotés d'une capacité de nuisance, à continuer à participer au gouvernement parce que c’est la volonté du président Aoun qui obéit aux ordres de Nasrallah.

3 commentaires:

  1. Il ny'a pas de pays qui ne périclite lorsque le l'Islam s'y installe en y chassant ses précédents maitres lesquels au moins pour le cas du Liban recherchaient un équilibre ou une alliance de plus en plus précaire face au nombre.La gouvernance des chrétiens au Liban est une illusion sachant qu'ils sont sous la menace de puissants groupes paramilitaires armés par des puissances islamiques étrangéres. Le fait est que les chrétiens ne peuvent tenir dans les zones musulmanes et sont appelés à disparaitre. L'exemple du Liban devrait faire réfléchir les occidentaux qui ne sont pas exempts du fléau qui les attend :leur suisse devient le tiers monde...

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  2. Cher monsieur Benillouche,

    Vous conviendrez tout de même avec moi que la "tourmente" du peuple libanais ne date pas d'hier ? Personne, je l'imagine, ne peut avoir oublié ces réfugiés Palestiniens qui par milliers, ont afflué au Liban dès la création de l'État d'Israël, en 1948. Dès lors, le Liban s'est trouvé dans la tourmente de la guerre israélo-palestinienne.
    Puis en 1969, il y eut ces "Accords du Caire" entre Arafat et le général en chef de l'armée libanaise, qui réaffirmaient la souveraineté du Liban mais légalisaient la présence armée de l'OLP dans le Sud Liban ce qui devait faire inexorablement basculer le Liban dans la guerre civile entre 1975 et 1990, dont il semble que le Liban n'ait jamais réellement pu se remettre, ni sur le plan politique, ni sur le plan économique.

    Très cordialement.

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  3. Le Liban me fait penser à notre jeune âge avec Farid el Atrache, Fayrouz, Sabah nous dit-on d'origine libanaise ... Des films parlant arabe que l'on aimait mais certes moins que ceux des westerns américains.. L'analyse est fort interessante d'ailleurs que je partage pour mes amis fb.

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