ESMAIL GHAANI, LE FANTÔME DE SOLEIMANI
Par
Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
Le guide suprême iranien a décidé dans l’urgence, en quelques heures, de remplacer Soleimani en nommant son adjoint Esmail Ghaani comme nouveau chef de la force al-Qods des Gardiens de la Révolution : «Après le martyr du glorieux général Qassem Soleimani, je nomme le brigadier général Esmail Ghaani commandant de la force Al-Qods».
D’une prétention sans égale et surtout vantard, Ghaani avait
déclaré que les États-Unis et Israël sont trop faibles pour rivaliser avec la
puissance militaire iranienne qui soutient les Palestiniens. En 2012, il avait
été ajouté sur la liste des personnes faisant l'objet d'un gel de leurs actifs
et d'une interdiction de transactions avec des entités américaines par le Trésor
américain.
Le choix rapide d'Esmail Ghaani
visait à assurer une transition en douceur et rapide à un moment où les tensions
étaient accrues entre Washington et Téhéran. En Occident, on craignait le pire après
l’assassinat de Soleimani mais les craintes d'un conflit généralisé se sont
apaisées lorsque les représailles iraniennes visant les troupes américaines en
Irak n'ont pas fait de tués.
Soleimani avait créé un réseau de
mandataire au Moyen-Orient pour renforcer l'influence iranienne. En Syrie, la Force Qods a joué un rôle clé dans
le renforcement du soutien au président syrien et a également armé et formé des
milices qui ont aidé à vaincre Daesh en Syrie et en Irak. Khamenei a déclaré
que Ghaani était «parmi les commandants les plus éminents du CGRI pendant la
guerre de 1980-1988 entre l'Iran et l'Irak et le soldat vétéran suivra une
stratégie identique à celle poursuivie par Soleimani».
Photo historique des jeunes Soleimani et Ghaani pendant la guerre |
Né le 8 août 1957 dans la
ville de Mashhad, dans le nord-est de l'Iran, Ghaani avait rejoint très jeune le CGRI
(Corps des Gardiens de la Révolution islamique) en 1980, quelques mois avant
que les forces irakiennes envahissent l'ouest de l'Iran en déclenchant une
sanglante guerre de huit ans qui a fait un million de victimes. En mars 1982,
sur les lignes de front de la guerre, il s’était lié d'amitié avec Soleimani :
«Nous sommes des camarades de guerre et c'est la guerre qui nous a fait des
amis. Ceux qui deviennent amis dans les moments difficiles ont des relations
plus profondes et plus durables que ceux qui deviennent amis simplement parce
qu'ils sont des amis du quartier».
Il
avait été nommé adjoint de l'unité en
1997, la même année où Soleimani avait reçu le commandement par Rahim Safavi qui
était à la tête du corps des Gardiens. Durant
les huit années de la guerre Iran-Irak entre 1980 et 1988, Esmail Ghaani a
commandé les divisions des Gardiens Nasr-5 et Imam Reza-21. En prenant le
commandement de la division Nasr-5, il avait fait preuve de toutes ses
capacités de chef. Toujours attaché aux principes de la révolution islamique,
il n'avait ménagé aucun effort pour concrétiser l'aspiration à la révolution.
Commandant dévoué, il avait joué un rôle important dans de nombreuses opérations
militaires victorieuses pour l'Iran.
Il formait avec Soleimani un duo
efficace par une division claire du travail et le maintien de sphères
d'influence géographiquement distinctes. Ensemble, ils ont joué un rôle
stratégique dans l'expansion de l'influence de l'Iran dans les pays voisins. En
effet, alors que Soleimani était une icône nationale et le chef charismatique
mobilisant les masses pour une cause sacrée, Ghaani était chargé dans l’ombre
de l’organisation et de l’administration de la force Qods. Ainsi, Soleimani
passait le plus clair de son temps à l’étranger et à l’ouest de l’Iran mais Ghaani
le passait à l'est de l'Iran. Les taches avaient été bien réparties. À
Soleimani le Liban, la Syrie et l’Irak, à Ghaani le Pakistan et les pays d’Asie
centrale. L’homme de l’ombre faisait de rares apparitions publiques et
préférait l’écriture et les menaces imagées dans un article de 2017 : «Nous
avons enterré beaucoup de gens, comme Trump et nous savons comment lutter
contre l'Amérique».
Les alliés de l'Iran |
Les Iraniens ne prévoient pas de
grands changements sinon que les méthodes seront appliquées avec plus de
vigueur sinon plus de cruauté. En revanche, Ghaani pourrait décider d’étendre
ses activités au-delà des zones actuelles, en Asie ou en Afrique en
particulier. Ghaani se targue d’avoir de bonnes relations avec des groupes
musulmans africains qui partagent ses idées. C’est pourquoi les États-Unis
l’ont sanctionné pour ses aides financières à l’Afrique et aux groupes
terroristes. Il dispose par ailleurs d’une grande expérience en Afghanistan qui le
pousserait à intensifier ses opérations dans ce pays.
Cependant il se distingue de
Soleimani par son refus d’être à la lumière des médias, pour l'instant. Il préfère l’ombre aux
projecteurs, a fortiori après l’assassinat de Soleimani qui va le pousser à
plus de prudence. Il sait qu’il est devenu une cible potentielle ce qui le
contraint à devenir un commandant fantôme. Mais il ne peut pas vivre en permanence
dans un bunker comme Hassan Nasrallah qui voit rarement la lumière du jour.
Tant qu'il maintiendra ses menaces : «Les États-Unis ont frappé Soleimani de manière lâche, mais avec la grâce de Dieu et grâce aux efforts des demandeurs de liberté du monde entier qui veulent se venger de son sang, nous frapperons son ennemi de manière virile», ses ennemis trouveront certainement une fenêtre de tir car son efficacité dépend essentiellement de sa présence sur le terrain et sur les champs de bataille. Un accident est si vite arrivé.
Tant qu'il maintiendra ses menaces : «Les États-Unis ont frappé Soleimani de manière lâche, mais avec la grâce de Dieu et grâce aux efforts des demandeurs de liberté du monde entier qui veulent se venger de son sang, nous frapperons son ennemi de manière virile», ses ennemis trouveront certainement une fenêtre de tir car son efficacité dépend essentiellement de sa présence sur le terrain et sur les champs de bataille. Un accident est si vite arrivé.
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerComment juger de cet article, qui loin d'analyser la politique déroutante de Donald Trump dans la région, se borne à ce souhait pathétique de voir Ghaani finir comme son prédécesseur Soleimani ?
Car bien des questions mériteraient d'être posées. Ainsi, entre autres, si on admet que Trump a donné le bon signal à son électorat et à Israël en supprimant
Soleimani, pourquoi n'a-t-il pas réagi lors de la destruction du Boeing ukrainien ?
Quand Ghaani a solennellement promis un soutien illimité aux groupes palestiniens, à Téhéran, menaçant de ce fait directement Israël, pourquoi n'avoir pas réagi ?
Après les frappes de Téhéran sur les bases américaines d'Aïn al-Assad et d'Erbil, pourquoi Trump s'est-il abstenu de riposter alors qu'il avait promis de détruire 52 cibles historiques iraniennes ?
Quant aux chancelleries de Londres, Paris et Berlin qui tentent de se tenir à distance entre Trump et Téhéran il n'est pas trop difficile d'en imaginer les raisons. Le risque est économique : on ne s'oppose pas frontalement à Washington sans dommage. Mais le risque d'être victimes d'attentats terroristes au cas d'un déferlement de réfugiés dû à un chaos généralisé, est tout aussi grand.
Très cordialement.
Chère Madame,
RépondreSupprimer"se borne à ce souhait pathétique de voir Ghaani finir comme son prédécesseur Soleimani ?"
Oui effectivement ! Dans tout pays démocratique on ne peut avoir de sympathie pour une organisation ou un dirigeant qui prône à longueur de journée de vous éradiquer. Donc le but est de le prendre de vitesse pour continuer à exister.