ÉLECTIONS EN ISRAËL : ALEA JACTA EST
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Le
sort en est jeté. Des élections législatives auront lieu en Israël pour la
troisième fois, sans aucune certitude d’une prochaine constitution d’un
gouvernement de coalition. En effet le système électoral à la proportionnelle
intégrale ne permet pas de renversement brutal de tendance. Quelques sièges,
une dizaine au plus, changent de groupes sans que cela modifie notablement l’équilibre
politique de la Knesset. Sans compter qu’on ne voit pas pourquoi les électeurs
auraient à se déjuger en si peu de temps. Quelques voix de plus pour l’un des
partis, quelques voix de moins pour l’autre, à la rigueur la disparition d’un
groupuscule qui n’aura pas atteint le seuil électoral de 3.25% soit 144.197
voix, mais le l'échiquier politique reste le même avec deux clans irréductiblement
opposés.
Leaders arabes |
Toutes les solutions ont été envisagées, même celle d’un gouvernement minoritaire sans la participation des partis arabes, mais avec leur neutralité. Mais l’opprobre permanente, lancée contre des citoyens ayant les mêmes droits que les Juifs, bloque le système sachant qu’avec 13 députés, ils ramènent la Knesset à 107 sièges actifs. Les Arabes ont le droit de participer aux élections, d’élire des députés mais, malgré le temps et leur intégration de plus en plus effective dans les rouages économiques du pays, ils restent assimilés à une cinquième colonne. Les deux clans, de droite et du centre, évoluent donc entre 52 et 58 sièges avec l’impossibilité d’atteindre la majorité de 61 députés. C’est un fait qu’il est difficile de contourner face aux exclusives du milieu politique : pas d’Arabes, pas d’orthodoxes, pas de gauchistes, pas de nationalistes…. Bref, une quadrature du cercle qui s’est vérifiée aux deux premiers scrutins.
- Ou bien une compromis ou bien ... - Pourquoi pas de compromis ? |
La
population est désenchantée ; elle ne comprend pas que les défis
économiques et sécuritaires ne sont pas pris en compte par les politiques, des
égoïstes qui ne voient pas plus loin que leur siège de député. Il faut dire que
tout était faussé par la volonté de Benjamin Netanyahou de ne pas quitter la
scène politique, malgré sa mise en examen, parce que son poste lui assure une
immunité parlementaire. Il gagne encore trois ou quatre mois de sursis avant de
se présenter devant ses juges.
Mais compte tenu des services rendus au pays, le chef
de l’État était prêt à lui garantir une amnistie totale ; l’opposition
n’était pas contre, mais pour cela, il doit au préalable accepter le fondement des
accusations et obtenir un jugement des tribunaux. Une amnistie ne peut
s’appuyer que sur une décision de justice. Mais il refuse de reconnaître ses
torts car il est sûr d’être blanchi de toutes les accusations.
Leaders Kadima |
Il
est coutume de dire que la chance frappe à toutes les portes mais qu’elle ne
passe pas deux fois. Tous les hommes politiques ayant réussi dans leur carrière
ont à un certain moment bravé le cours de l’Histoire. Ce fut le cas d’Ariel
Sharon qui a quitté son parti pour créer Kadima et d’Emmanuel Macron qui s’est
opposé à son mentor, le président Hollande. On doit provoquer la chance, aller au-devant
d’elle. Gideon Saar, l’ancien aviateur Yoav Kish et quelques-uns de leurs
soutiens, totalement opposés à la mainmise du parti par un seul homme, ont
voulu être légalistes jusqu’au bout en refusant de rejoindre la coalition
Bleu-Blanc qui aurait été immédiatement adoubée par Avigdor Lieberman. Une
majorité de centre droit qui aurait évité de nouvelles élections stériles. La gauche n'est pas en reste puisqu'elle refuse de s'unir pour ne pas avoir un score ridicule. Mais pour cela, elle doit être réaliste.
Bien
sûr cela impliquait une scission avec le Likoud comme le 24 novembre 2005
lorsque l’aile centriste, libérale et modérée avait quitté le Likoud de
Netanyahou pour rejoindre Ariel Sharon. Ce geste aurait pu convaincre d’autres contestataires
de rejoindre Benny Gantz, inquiets d’être mis sur une liste noire aux prochaines
élections. Mais au Likoud règne la loi du Prince tandis que les députés ont
trop peur de perdre leur position sur la liste électorale, leur
gagne-pain ; alors ils refusent d’agir contre leur parti s’ils n’ont pas
de certitude pour leur avenir.
Gideon Saar et sa femme |
Gideon
Saar a surestimé son poids au sein du parti constitué d’une très grande
majorité d’idolâtres de Bibi. Ils veulent bien lui assurer la deuxième place
mais pas la première. Il n’arrivera pas à déloger le Lider Maximo qui se
vengera de manière brutale comme il avait lancé sa vindicte contre ceux qui lui
avaient tenu tête. Alors Saar entrera dans un placard doré, pendant
suffisamment de temps pour permettre aux derniers entrés au parti, mais plus
disciplinés à l’instar de Nir Barkat, d’être certainement désignés comme dauphins.
Avec
ce troisième tour d’élections, Saar a perdu toutes ses chances de prendre la
tête du parti et sa participation à un gouvernement Likoud est compromise. En
politique il faut oser et ne pas être timide ; c’est le b.a.-ba de tous
ceux qui ont réussi. Il faut se frayer un chemin même en laissant derrière soi quelques
cadavres. Les purs ont une durée de vie politique limitée sauf s’ils restent à
vie numéro-2. Il faudrait un miracle pour que Saar retrouve la première place,
qu’il mérite certes, mais il a oublié qu’il évolue dans une jungle où tous les
coups sont permis et où les timorés sont laissés au bout du chemin.
Aviv Kohavi en opération |
Alea
jacta est, le sort en est jeté ; Israël aborde une nouvelle phase de
turbulence politique dont on ignore l’issue. On est certain d’une nouvelle impasse.
Et pourtant, le danger rode à nos frontières, l’économie chancelle parce que
des mesures indispensables n’ont pas été prises en l’absence de gouvernement.
Mais Israël a la chance d’avoir Tsahal qui veille sur la population parce qu’il
vaut mieux ne pas trop compter sur les hommes politiques qui ont perdu toute
crédibilité avec ces trois scrutins législatifs,
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerEn général, et par principe, j'évite de commenter les articles de politique intérieure israélienne, mais comment ne pas être interpellée par la comparaison que vous faites entre les carrières d'Ariel Sharon et d'Emmanuel Macron ?
Permettez-moi donc de rappeler que celui qui termina sa carrière militaire en tant que Major-Général Sharon, a participé à toutes les guerres d'Israël - depuis la Guerre d'Indépendance de 1948 où il a été gravement blessé, jusqu'à la Guerre du Kippour, en passant par la Guerre des Six Jours - où il avait l'âge d'Emmanuel Macron lorsque ce dernier a été élu à la tête de la République française - pour finir Premier ministre de l'État d'Israël.
Tandis qu'Emmanuel Macron est un haut-fonctionnaire de l'Inspection des Finances, démissionnaire, reconverti dans la banque d'affaires, et élu à la présidence de la République française et ainsi devenir le Chef des Armées, sans avoir ne serait-ce qu'accompli un service miltaire.
Très cordialement.