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lundi 21 octobre 2019

Le Liban en route vers la crise politique et le chaos


LE LIBAN EN ROUTE VERS LA CRISE POLITIQUE ET LE CHAOS

Par Jacques BENILLOUCHE
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          Le Hezbollah n’est pas, pour l'instant, l'instigateur du chaos au Liban et il préfère garder un profil bas dans les troubles que traverse le pays, estimant qu’il n’a aucun intérêt à envenimer la situation. Certes les causes des manifestations sont uniquement d’ordre économique pour lesquelles il a peu de marge de manœuvre. C'est ainsi que le même jour, aux antipodes l’un de l’autre, Hassan Nasrallah et Samir Geagea ont pris la parole pour prendre date.



Samir Geagea


            Dans son discours, Hassan Nasrallah a confirmé qu’il ne souhaitait pas la démission du gouvernement libanais. Il n’occupe en fait aucun poste ministériel mais Saad Hariri est actuellement à la tête d'un gouvernement multipartite incluant son mouvement, le Courant du Futur, qui rivalise avec le Hezbollah et le Mouvement Patriotique Libre du président Aoun.  Hassan Nasrallah soutient le gouvernement actuel sous réserve «d’un nouvel ordre du jour et d’un nouvel esprit». Il a déclaré dans son discours que «quiconque se dégageait de ses responsabilités devait être tenu pour responsable par le peuple libanais, en particulier par ceux qui avaient joué des rôles dans les gouvernements précédents».
            Samir Geagea, maronite chef du Parti des forces libanaises, a annoncé que quatre ministres de son parti avaient décidé de quitter le gouvernement car «nous n'avons pas vu d'intention sérieuse de la part des responsables libanais de faire face aux crises». Il estime que le problème ne concernait pas le «système politique libanais mais la majorité au pouvoir». Il a accusé le Hezbollah d’être responsable de la situation actuelle au Liban alors que celui-ci souligne d’une part une énorme crise de confiance entre le peuple et l’État et appelle au maintien du gouvernement actuel d’autre part. En revanche, le leader des Druzes, Walid Joumblatt n’envisage pas de demander à ses ministres de quitter le gouvernement.

            Saad Hariri a soulevé que «le pays traverse une période difficile et sans précédent mais les réformes ne signifient pas forcément une augmentation des impôts». D'ailleurs, il a été menacé par Nasrallah : «Si de nouvelles taxes sont imposées aux pauvres, alors nous allons descendre dans la rue».  
            Geagea n’a pas mâché ses mots vis-à-vis de Nasrallah. Il a déclaré que le «Liban ne pouvait être aussi efficace et fort qu’un État tant que le Hezbollah continuerait d’être armé».  Cela est devenu cependant une rengaine stérile. Il semble approuver les sanctions américaines contre la milice : «Plus les sanctions seront sévères, plus cela se reflétera dans le financement du Hezbollah tel qu'il apparaît sur la scène libanaise. Le groupe souffrira de son influence globale. Même si une grande partie du Hezbollah est animée par une idéologie, une doctrine et un sentiment religieux, nous parlons de dizaines de milliers de personnes qui touchent des salaires, des institutions sociales et beaucoup d'aide. Par conséquent, cela produira ses effets».
            Mais cette crise démontre que Hassan Nasrallah n’est plus le leader charismatique capable de calmer la colère sociale face à Saad Hariri et le chef du plus grand parti chrétien et Gebran Bassil, gendre du président. Aucun de ces dirigeants n’est prêt à accepter les doléances des milliers de manifestants qui exigent la démission du gouvernement car ils veulent éviter toute tentative d’exploitation politique du mouvement de contestation. La question reste de savoir combien de temps ils vont pouvoir résister face à ces vagues de manifestants. 
        A noter que c’est la première fois qu’un discours de Nasrallah est si mal accueilli. Dans la ville de Tyr, au sud du Liban, des hommes armés ont pris à parti des dizaines de personnes qui scandaient des slogans hostiles au président du Parlement, Nabih Berri, chef du parti chiite Amal.

            La population ne voit pas d’amélioration dans les infrastructures délabrées qui datent du programme de reconstruction de la ville, après la guerre civile des années 1975-1990. Elle trouve anormale la pénurie d’eau potable et d’électricité dans le pays. Il est vrai que le Liban subit les conséquences de la guerre de Syrie avec un afflux massif de réfugiés représentant à présent 25% de la population. Le pays ne connait plus de croissance face à la mauvaise gestion et à la corruption généralisée. La dette publique s’élève à 86 milliards de dollars, soit 150% de son PIB. Il s’agit du troisième taux d’endettement le plus élevé au monde après celui du Japon et de la Grèce. Alors qu’il avait reçu l’an dernier 11 milliards de dollars de dons, il n’a pas respecté ses engagements de mettre en place des réformes.
            Saad Hariri se sent acculé et son seul objectif est de tenter de sauver la face. Il s’est donné un délai de 72 heures jusqu’à lundi soir pour proposer un plan de sauvetage économique et financier que les partis politiques devraient accepter. Il lui est difficile à la fois de réaliser des réformes structurelles pour empêcher la faillite de l’État et de mettre fin à l’explosion sociale, à fortiori lorsqu’il est abandonné par son allié Samir Geagea. Il a proposé un projet de budget sans nouvelles taxes ou impôts avec un déficit de zéro. Son gouvernement, constitué de bric et de broc avec des partis qui s’opposent sur une vision économique différente, n’est plus crédible ce qui explique que les manifestants prônent le dégagisme.

            La crainte est grande que ces manifestations, couplées avec l’implication du Hezbollah et la situation régionale tendue, entraînent un conflit avec Israël comme en 2006, pour détourner la population des réalités politiques du Liban. Le Hezbollah est membre à part entière de la vie politique intérieure du pays, sachant qu’il prospère dans le terreau de l’instabilité politique. La communauté internationale, l’ONU et en particulier la France, qui a une véritable responsabilité ainsi que les atouts pour résoudre la crise, ne semblent pas vouloir intervenir avant que la crise ne se cristallise. La libanisation du Liban est à nouveau en bonne voie.

1 commentaire:

  1. Paul Ouzi MEYERSON20 octobre 2019 à 11:55

    Le Hezbollah a pris en otage l'Etat libanais qui n'a plus de souveraineté. Son implication dans la guerre en Syrie a entraîné le pays du Cèdre dans une spirale de décomposition régionale.

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