Par Jacques
BENILLOUCHE
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Le réchauffement de la frontière de Gaza ne
fait pas oublier le danger à la frontière Nord d’Israël, en raison de l’instabilité
permanente qui règne au Liban. Une petite fusillade dans la montagne de Qabr
Shmoun s’est transformée en une crise politique qui met en cause l’équilibre du
pays. Une tentative d’assassinat se transforme en argument contre le président
du Liban et son premier ministre.
En effet, deux gardes du corps du ministre en charge de la
question des déplacés, Saleh al-Gharib, ont été tués dans une fusillade avec
des partisans du Parti Socialiste Progressiste (PSP) au niveau de la localité
de Kfar Matta, dans le Caza du Chouf. Cet
incident s’est déroulé alors que le Ministre des Affaires Étrangères et
Président du Courant Patriotique Libre devait traverser la localité. L’instabilité
du pays est liée au fait que le Liban
compte 2.2 millions de réfugiés dont 1.5 million de réfugiés syriens, qui
affectent le taux de chômage atteignant 43% de la population active libanaise.
Cet incident risque de réactiver la guerre civile qui avait fait rage de 1975 à
1990 mais avec comme nouveauté la capacité de nuisance du Hezbollah qui nie
l’existence d’un État libanais.
Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, avait justifié son refus
de remettre son arsenal à l'État libanais parce qu’il fallait «d’abord
construire un État qui n’existe pas». Cette éventuelle construction
était un euphémisme puisque le Hezbollah avait finalisé sa prise de contrôle du
pays en totale décomposition. Le Liban est considéré par Nasrallah comme une
entité et non comme un État bien qu’il se vante que son parti soit libanais et sous
«légitimité libanaise».
Un État est effectivement symbolisé par un drapeau, des frontières, des
lois et une Constitution mais le Hezbollah les a rejetés sous prétexte de «résistance»
puisque l’objectif défini à sa création était «de résister à l’occupation du
Sud-Liban par Israël» de 1980 à 2000. Israël a évacué le Liban mais le
Hezbollah demeure encore. En fait il s’est détourné de son objectif premier
consistant à attaquer des cibles militaires israéliennes pour se battre à
l'intérieur de la Syrie. Sous le drapeau libanais, il a tué des civils, détruit
des villes et des villages, forcé le déplacement de centaines de milliers d’habitants
sans aucune approbation officielle des autorités légales du Liban. Il a même
engagé des négociations directes avec des gouvernements étrangers sans que le
gouvernement libanais ne soit impliqué ni informé.
Les lois libanaises sont systématiquement bafouées. Pour preuve, le
Hezbollah a refusé de mettre entre les mains de la justice certains de ses
membres accusés de meurtre du pilote de chasseur Samer Hanna et du manifestant
pacifique Hashem Al-Salman, ainsi que la tentative d'assassinat de l'ancien
ministre Boutros Harb. Il détient un arsenal militaire démesuré, acheté ou
construit sans licences d'importation. Pire, il a sapé la coexistence nationale
en rejetant les accords de Taëf de 1989, en s’armant plus que nécessaire
et en déstabilisant les communautés religieuses.
En fait cet
incident du Chouf a mis en évidence la collusion entre le Hezbollah et le
président Michel Aoun qui se sont associés pour contrecarrer les pouvoirs du
Premier ministre. Aoun utilise par ailleurs son gendre, le ministre des
Affaires étrangères Gebran Bassil, pour défier et marginaliser le Premier
ministre Saad Hariri, le tout avec la passivité des puissances occidentales. Le
Hezbollah est maître à bord et pour maintenir sa position dévastatrice, son
rôle est de faire exploser les communautés, en particulier la communauté druze qui
lui résiste et qu’il a cherché à infiltrer pour la diviser au prix d’effusions
de sang.
Le dernier incident
s’est passé dans le Chouf, une région mixte du point de vue communautaire, avec
essentiellement des Druzes et des Chrétiens maronites. C'est l'un des fiefs
traditionnels de la communauté druze qui, par son histoire, personnalise le
besoin d'indépendance du Liban.
Le dirigeant du parti démocrate libanais, Talal Arslan et Walid Joumblatt |
Les tués de
Qabr Shmoun ont mis en évidence l’axe Aoun-Hezbollah qui, en raison du lieu de
l’attaque dans le Chouf, cherche à tort à accuser le leader druze Walid
Joumblatt d'un crime politique, avec la volonté évidente de le faire sortir de
la scène politique. Le leader druze est effectivement un homme libre, le seul
dirigeant qui ose s’opposer à la mainmise du Hezbollah. Mais le ministre de la
Justice pro-Aoun a tout fait pour donner au volet juridique de l’affaire un
traitement douteux en déplaçant les procureurs et les enquêteurs pour trouver
matière à accuser Joumblatt. Mais le paradoxe tient dans le fait que, malgré
les avances faites par les Druzes d’Israël, Joumblatt continue à se comporter
en ennemi irréductible d’Israël.
Le service de
l’information des FSI (forces de sécurité intérieures) informe régulièrement le
gouvernement, dans le cadre de recherche de renseignements sur les agissements
du Hezbollah et il a publié le résultat de ses enquêtes, en vain car l’axe
Aoun-Hezbollah a décidé de ne pas en tenir compte sous prétexte que ce service est
considéré pro-Hariri. Cela s’explique bien sûr. Le Hezbollah, le patron de
facto du Liban, avait imposé Aoun à la présidence, pour le transformer en otage en
lui ôtant sa crédibilité. Le président Aoun n’a aucun pouvoir dans le
pays ; il ne gouverne à la rigueur que dans son palais car le Hezbollah
prend ses ordres à Téhéran et agit en fonction de la stratégie globale
iranienne en Syrie et dans le Golfe persique. Il a depuis longtemps fait
allégeance aux Mollahs.
Le Hezbollah a dupé tout son monde en faisant
croire que ses maîtres, les Mollahs d’Iran, n’avaient qu’un seul objectif, la «libération
de Jérusalem». Hassan Nasrallah l’a lui-même avoué : «Si on me le
demande, maintenant que j’ai 56 ou 57 ans, à propos de la meilleure chose que
j’ai faite de toute ma vie, j’ hésiterai à répondre que la plus grande position
que j’ai prise est ma position contre l’agression contre le Yémen! Toute la
région brûlerait si l'Iran était attaqué». Il prouve ainsi que ni la
Palestine, ni la Syrie, ni même le Liban, ne sont des priorités absolues pour
le Hezbollah. En fait il s’agit uniquement de soutenir l'expansion iranienne de
la Méditerranée au détroit de Bab El-Mandeb sous couvert d’une lutte contre le
petit Satan israélien.
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