Par Jacques BENILLOUCHE
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Le gouvernement sortant |
La victoire de la droite est
sans conteste puisqu’elle obtient 65 sièges face aux 45 du Centre et de la Gauche
et aux 10 députés arabes inclassables. En revanche elle reste très fragile parce
que le bloc de droite n’est pas monolithique et que les rivalités s’expriment
au grand jour, en particulier entre partis religieux orthodoxes et sionistes et laïcs. Avigdor
Lieberman, le rescapé des élections, se sent bien seul
dans cet environnement à majorité de kippas. Bien que très minoritaire avec ses
seuls cinq députés, il détient la clef de la survie d’un gouvernement qui a
besoin de ses voix. Après hésitation, il a recommandé du bout des lèvres la désignation
de Benjamin Netanyahou comme premier ministre.
J'ai besoin de quatre pneus et d'un de rechange |
Mais se sachant indispensable,
Lieberman exige les portefeuilles de la défense et de l’immigration qu’il détenait
dans le précédent gouvernement. Cette exigence pourrait être à la rigueur satisfaite mais en
revanche il lui sera plus difficile d’empêcher que la loi sur la conscription
militaire soit remaniée pour dispenser du service militaire les étudiants
ultra-orthodoxes des écoles talmudiques : «Si nous sommes confrontés à
une alternative - abandonner le projet de loi et rester dans une coalition ou
être dans l'opposition, nous irons aux élections».
Par ailleurs, pensant en
avoir été la victime, il veut une nouvelle loi électorale concernant les
bureaux de vote : «Nous avons pour objectif d'adopter une nouvelle loi
électorale qui traitera des manipulations des bureaux de vote lors des
élections, et les sondeurs seront tenus de divulguer correctement les partis
avec lesquels ils travaillent». Il sera difficile au gouvernement de
fonctionner avec l’épée de Damoclès en permanence au-dessus de sa survie.
Le président Réouven Rivlin, qui n'est pas un novice politique, est convaincu que la situation de la coalition est éphémère et pour
cela il tente de constituer un gouvernement d’union nationale. Le Parti
Bleu-Blanc a refusé la suggestion d’une union nationale car elle tendra vers
une union d’inertie nationale qui éludera les questions sensibles pour garder
un consensus. Les problèmes principaux ne seront pas abordés.
Cependant, après le temps
politique, viendra le temps judiciaire puisque le procureur général Avichai Mandelblit
doit se prononcer sur les accusations contre Netanyahou. Il vient de déclarer
qu’il entendait inculper le premier ministre sur des accusations de corruption et d'abus
de confiance, dans l'attente d'une audience à laquelle il pourrait
présenter sa défense.
L’inculpation n’impose pas au
premier ministre de démissionner. C’est pourquoi il veut
constituer un bloc de partis prêt à le soutenir face aux juges. Il sera
difficile à la Knesset de légiférer pour lui donner une immunité des poursuites
avec effet rétroactif mais il restera toujours redevable des caprices de ses
partenaires de la coalition. On craint que la nouvelle coalition ne soit amenée
à contourner la loi pour adopter des mesures protégeant de poursuites le
premier ministre en exercice par une loi qui neutraliserait la Cour Suprême.
Chaque faction de la coalition,
qui se sait indispensable, accumule les conditions pour entrer au gouvernement.
Au sein de la coalition, en plus des questions laïques, des points de friction
sont à envisager qui risquent de compromettre les bonnes relations avec les États-Unis.
En effet l’extrême-droite exige l’annexion de la zone C de la Cisjordanie au
moment où Donald Trump se prépare à publier son plan de paix dont les
hypothèses vont bon train et où la communauté internationale considère les implantations
comme illégales. La faction extrémiste Droite Unie ne veut participer au
gouvernement que si Netanyahou s’engage dès à présent, sans officiellement
connaître le contenu du plan de paix Trump, à le rejeter d’office et par
avance.
La guerre des portefeuilles fait
déjà rage. Bezalel Smotrich du Foyer Juif, a réclamé le ministère de l’Éducation
ou celui de la Justice, une bonne manière de mettre au pas la Cour Suprême. Il
est peu probable que le premier ministre donne l’une de ces charges à un
extrémiste religieux qui veut mettre un terme à la «coercition religieuse exercée
dans les établissements scolaires en faveur d’une religion de la démocratie
libérale», à un militant qui veut séparer les Juifs et les Arabes, qui qualifie
les «homosexuels d’anormaux», qui propose un système juridique
uniquement basé sur la Torah, et qui veut créer une ségrégation entre Juifs et
Arabes dans les hôpitaux. Il s’est vu proposé le ministère du Logement en
raison de sa politique pro-implantations.
Le
premier ministre aura beaucoup de mal avec son propre parti qui souhaite que
les grands ministères lui soit attribué alors que le dosage politique implique
de s’en défaire. Avi Dichter, ancien chef des services de sécurité du Shin Bet,
lorgne sur le ministère de la défense ainsi que le général de réserve Yoav Galant.
En
tout état de cause, le Likoud veut détenir au moins 15 ministères en raison du
nombre de ses députés ce qui entraînerait au total un nombre pléthorique de
portefeuilles, 30 au moins, pour une Knesset à 120 députés.
Yacimovitch, Cabel et Peretz |
Par
ailleurs, des rumeurs persistantes font état du souhait de Netanyahou, fin politique, de renouer avec l'épisode Ehud Barak en faisant entrer le parti travailliste dans sa coalition pour contrebalancer le poids des
religieux et de l’extrême-droite, pour fracturer l’opposition, pour limiter la
marge de manœuvre de Bleu-Blanc, et pour consolider sa coalition. Avi Gabbay,
qui n’a pas digéré sa défaite, voudrait se venger de Benny Gantz qui lui a
siphonné 18 sièges à la Knesset et qui a éliminé des députés historiques. Il
veut sauver sa place à la tête du parti en faisant entrer Avoda au
gouvernement pour libérer deux postes de députés. Il sait qu’il aura plus de poids dans la coalition que dans un
groupe d’opposition où il est ultra-minoritaire. On parle d’Amir Peretz comme
ministre de la construction et du logement et de Shelly Yacimovich comme
ministre du travail et des affaires sociales. La gauche piaffe d'impatience.
Nous
ne sommes pas au bout des surprises de ces élections anticipées. Wait and see.
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