Pages

dimanche 20 janvier 2019

A force de s'enfoncer, les travaillistes vont trouver du pétrole



A FORCE DE S’ENFONCER, LES TRAVAILLISTES VONT TROUVER DU PÉTROLE

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps


Comme l’avait dit de manière imagée André Santini, maire d’Issy les Moulineaux,  à force de descendre dans les sondages, les Travaillistes vont finir par trouver du pétrole. On a connu une situation similaire en France. Certainement pas pour les mêmes raisons, le parti travailliste avec Avi Gabbay rappelle aujourd’hui la position du leader français des Républicains, François Fillon, qui s’était entêté à se présenter à l’élection présidentielle en refusant de céder sa place, entraînant la disparition de la droite républicaine de l’Assemblée nationale.


Maintenant je peux m'élever

Alors que le parti travailliste se décompose de toutes parts, que des militants historiques le quittent, alors qu’on maintient au poste de combat un chef qui a montré ses limites de dirigeant politique, alors qu’on refuse de sanctionner un leader qui s’est conduit comme le derniers des malotrus à la télévision, pensant ainsi se venger à bon compte de Tsipi Livni, alors que les sondages sont unanimes à annoncer la bérézina pour le parti, il est difficile de ne pas se poser des questions. Le rôle d’un dirigeant est d’appeler au rassemblement pour faire le meilleur score et non pas à la première occasion, sans l’accord de son bureau, de créer la scission avec Hatnuah. Cela a un effet démobilisateur flagrant et pousse les militants vers de nouveaux horizons. Ce ne sont pas les nouvelles entités politiques qui manquent. Depuis sa prise de fonction, Gabay n'a pas modifié le logiciel d'idées de son parti, restant ainsi sur des acquis périmés. 
Kahlon et Galant

En 2015, les Travaillistes étaient au sommet des sondages mais ils n’avaient pas réussi à percer parce que, dans un pays en guerre depuis sa création, la population tient à être rassurée avec au moins un général en position éligible. A nouveau en 2019, les ego ont dominé la raison. Les généraux Benny Gantz et Gabi Ashkenazi étaient en roue libre mais ils avaient des exigences légitimes qui n’ont pas été prises en compte parce que certains veulent être numéro-1 d’un parti en lambeaux plutôt que numéro-2 d’une liste victorieuse. Netanyahou, fin politique, avait compris les lacunes du Likoud et il s’est empressé de ramener à lui un député de Koulanou, l’ancien général faucon, Yoav Galant, qui a été chargé de «muscler» sa liste.
Un bon gestionnaire d’entreprise ne fait pas forcément un bon leader politique. Il faut de l’expérience et de la sournoiserie; il faut avoir reçu des coups politiques et puis il ne faut pas se comporter en girouette même si c’est elle qui tourne. En l’espace de deux années, membre du Likoud à droite, puis de Koulanou au centre, il est difficile de croire brutalement à la conversion socialiste d’Avi Gabbay. D’ailleurs il a été élu par à peine 51% des militants laissant entrevoir que son combat était avant tout à l’intérieur pour convaincre ceux qui l’avaient boudé au scrutin interne. Il n’en a rien été et il a approfondi la rupture dans son parti.  
Trois députés travaillistes viennent de quitter le navire en protestation contre Gabbay. Bien sûr, nul n’est indispensable mais quand on rabâche à longueur de temps qu’il faut faire appel à toutes les bonnes volontés et à tous les soutiens, il est désastreux de constater que l’on agit en sens inverse. L’effet psychologique de ces départs est destructif au moment où les sondages ne donnent que 8 députés à la liste sioniste.  
Ayelet Nahmias-Verbin

Ayelet Nahmias-Verbin, Eitan Broshi et Hilik Bar, ont assuré qu’ils ne quittaient pas la vie politique mais qu’ils refusaient de se présenter sous les couleurs du parti travailliste. Ayelet Nachmias-Verbin, militante de 49 ans, au long passé auprès d’Yitzhak Rabin,  a été choquée en tant que femme par le traitement qui a été fait en direct à Tsipi Livni, à la manière d’un patron qui licencie sa secrétaire.  Pour elle, la prestation de Gabbay en direct était «la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Cette décision est une erreur stratégique». Elle considère que les règles fondamentales de conduite politique ont été ignorées dans le parti auquel elle a adhéré il y a plus de 20 ans. Son parti, aujourd’hui atone, perdra certainement un élément moteur qui lui fera défaut.
Eitan Broshi estime que «l’état actuel du parti travailliste m’inquiète beaucoup et je crains qu’il ne revienne jamais à la tête du pays. Les militants et les députés s’inquiètent de l’orientation donnée par la direction du Parti travailliste».
Hilik Bar

Hilik Bar, député âgé de 44 ans, avait été élu en août 2008, secrétaire du parti travailliste à Jérusalem. Pour lui, «d'une manière tragique et triste, même involontairement, le Parti travailliste, mon chez-moi, le parti d'Yitzhak Rabin au souvenir béni, a, ces dernières années, abaissé le drapeau politique, le drapeau de la paix, la question la plus importante à l'ordre du jour».
Comme avec Fillon, les militants semblent tétanisés au point de ne plus réagir, par discipline quasi soviétique certes, alors qu’ils devaient être nombreux à refuser le chaos et à exiger le départ d’Avi Gabbay. Ils ont la prétention de vouloir déboulonner Netanyahou de son poste mais ils ne s’en donnent pas les moyens. La seule alternative au pouvoir actuel du Likoud et la création d’une force unique du centre réunissant des éléments de gauche et de droite ou alors une vraie gauche historique illusoire. En fait cette distinction politique n’a plus cours. La ligne de rupture est à présent entre ceux qui acceptent la création d’un État palestinien et ceux qui militent pour un État binational, entraînant de facto dans la tombe la conception historique d’un État juif et démocratique.  
Gabbay n’a pas compris qu’en se séparant de Tsipi Livni, qui représente l’aile du centrisme de droite, il s’est coupé d’une dirigeante qui a les faveurs de l’étranger et de l’Europe en particulier et de tous ceux qui ne veulent plus s’orienter vers une gauche dogmatique perdante. Alors on s’étonne que des fidèles grognards gardent encore leur carte du parti même si ses fondations s’écroulent. Elle était certes un alibi pour le parti travailliste mais elle drainait encore avec elle les nostalgiques de Kadima d’Ariel Sharon. C’est là qu’on constate que la politique ne s’apprend pas à l’université ou dans les conseils d’administration mais dans la boue des terres politiques.


5 commentaires:

  1. François GUTHMANN17 janvier 2019 à 14:26

    Pour moi c'est clair tant que Gabaï reste aux commandes c'est foutu.

    Et compte tenu de la faiblesse des autres partis d'opposition, non seulement Nethanyou va repasser mais il va le faire largement en cherchant ses appuis à la droite de la droite.

    Demain le gouvernement d'Israël sera probablement l'un des plus à droite de toute son histoire.

    Et compte tenu des batailles d'ego je ne crois plus à un sursaut illusoire.

    RépondreSupprimer
  2. Cher monsieur Benillouche,

    Je ne sais pas ce qu'il en est des Travaillistes israéliens, mais je ne peux pas vous laisser dire que François Fillon est responsable de "la disparition de la droite républicaine à l'Assemblée Nationale", alors qu'elle est encore le second groupe parlementaire de l'Assemblée avec 104 députés, bien que François Fillon, il est vrai, n'ait pas figuré au second tour de l'élection présidentielle.
    Ce qui est beaucoup plus inquiétant pour le fonctionnement de notre démocratie, c'est que Marine Le Pen qui a figuré au second tour de cette élection, et a remporté près de onze millions de suffrages, ne voit son parti, le Rassemblement National, représenté que par 8 députés à l'Assemblée Nationale !
    Ce dysfonctionnement démocratique a largement sa part dans l'extrême malaise présent qui secoue le peuple français, sans qu'on puisse encore préjuger de qui seront ceux qui, dans un avenir peut-être proche, seront ceux qui seront acculés à creuser, dans le sens où l'entendait André Santini !

    Très Cordialement.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pardon, j’ai pas bien compris les 5 dernieres lignes... que vouliez vous dire ?

      Supprimer
  3. L’histoire qui se répète.

    En 2005, Amir Peretz avait vaincu Shimon Peres aux primaires du parti travailliste, Shimon a immédiatement quitté le parti sans attendre les résultats des sondages. Je me souviens même de son frère se lamentant sur les ondes « ils nous ont volé notre parti ». Et ils n’étaient pas les seuls à courir s’inscrire à Kadima et ailleurs. Comme aujourd’hui on prédisait alors la mort du parti travailliste.

    Pour Broshi, Gabbay l'avait il y a longtemps déjà appelé à démissionner de la Knesset suite à sa conduite honteuse envers une femme MK. Broshi n'a pas d'autre choix s'il veut faire une sortie honorable.

    Hilik Bar a trouvé le moyen d'enrager pas mal de jeunes israéliens et militants politiques avec juste quelque mots lors d'un débat politique: mon père est marocain ma mère anglaise ce qui fait de moi un proxénète poli, a-t-il déclaré. Le vidéo a fait le tour du web et j'imagine que Gabbay en a entendu parler. Le pire c'est quand il a essayé de se rattraper en disant que les proxénètes sont son côté anglais réussissant en plus à exaspérer les Anglos qui pour la plupart votent travailliste. Pas malin.

    Je suis loin politiquement du parti travailliste mais j’avoue que j’aurais viré les mêmes personnes Livni inclue.

    RépondreSupprimer
  4. Jacques BENILLOUCHE18 janvier 2019 à 07:18

    @Elie Benichou

    Je veux dire que quelque soit la situation certains militants gardent leur carte, ont le respect du chef, lui obéissent au doigt et à l'oeil même s'ils contestent certaines de ses actions. Une tradition des partis soviétiques.

    RépondreSupprimer