LIBÉRALISME PUR ET DUR EN FRANCE ET EN ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le bilan d’un an de présidence
Macron conduit à la déception pour la majorité des Français ou à l’espoir pour
les optimistes. Il existe une grande similitude sur les choix économiques en
France et en Israël au point de se demander si les deux pays ne sont pas
condamnés au libéralisme pur et dur qui s’attaque certes aux classes
défavorisées mais aussi, et c’est nouveau, aux classes moyennes. Et pourtant
dans les deux cas, il s’agit de pays riches dont l’économie n’est pas en
difficulté.
En éliminant les partis
traditionnels de droite et de gauche, Macron avait suscité un espoir de changement à travers le «macronisme» qui devait assainir la
politique, s’attaquer à de lourds chantiers et réformer l’Europe. Au terme
d’une année de pouvoir, la révolution Macron a accouché d’une souris car les
résultats ne sont pas visibles. Certes il est trop tôt pour mesurer l’efficacité de
sa gouvernance mais on ne voit pas la voie qui mène au bout du tunnel. En
revanche, le gouvernement souffre des maux habituels, à savoir l’absence de
marges de manœuvre, le manque de respect des promesses et l'application de réformes mal
enclenchées. Rien n’a changé depuis des décennies sauf la sémantique qui se
veut moderne, voire familière.
Emmanuel Macron ne veut pas être
un «président normal» mais un vrai chef qui dirige le pays
avec sa toute petite équipe, fidèle depuis son passage à Bercy. Sa culture politique est celle du pouvoir au sommet avec un parti majoritaire atone,
un Parlement aux ordres, des syndicats écrasés et inefficaces et des media
désemparés.
Netanyahou et ses successeurs putatifs |
La situation est similaire en
Israël où nul homme politique ne sort du lot pour envisager l’alternance. Alors
la population est sonnée face aux inégalités mais disciplinée devant les périls
sécuritaires. Mais elle en est à regretter le vrai socialisme qui permet de
combattre la hausse des prix, la crise du logement et une meilleure répartition
des bénéfices de l’État. Les deux parlements sont tétanisés par la personnalité
envahissante du Président français et du premier ministre israélien. Aucune
fronde ne s’exprime car les députés sont attachés à leurs privilèges. Ils
évoluent dans un champ de ruines syndical et politique. L’opposition n’est pas structurée
ni efficace. Bien sûr, les voyants économiques sont au vert mais rien n’est
fait pour améliorer le sort des plus modestes qui ont du mal à boucler leurs
fins de mois. Bien sûr la faim n’existe pas mais il manque un petit peu de
bonheur pour épicer la vie.
Dans les rues de Jérusalem |
En Israël, la pauvreté est
devenue une constante et nul ne voit le bénéfice pour la population des découvertes de gaz dont la
production a déjà commencé. L’argument des dépenses militaires indispensables
ne tient pas car, sous le régime travailliste, l’effort de guerre était
identique sinon supérieur puisque le pays a connu trois guerres. Et pourtant à
l’époque, les nouveaux immigrants recevaient tous un appartement modeste mais ils pouvaient s’engager dans leur nouvelle vie avec plus d’assurance.
Aujourd’hui, le coût des loyers ou des investissements immobiliers découragent
ceux qui veulent tenter l’expérience du sionisme. Selon les rapports de l’OCDE,
près de 2 millions d’Israéliens dont 842.000 enfants vivent sous le seuil de
pauvreté et la plupart sont à Jérusalem. La litanie consistant à dire que ces
pauvres sont arabes ou religieux orthodoxes ne tient plus. La pauvreté s’est
développée dans toutes les classes sociales.
Dans les deux pays, le
libéralisme grignote de plus en plus les services publics et les dépenses
sociales ainsi que les moyens convenables d’existence. Les deux sont adeptes du
capitalisme libéral et peu démocratique du 19ème siècle avec l’obsession
de l'équilibre budgétaire et la tolérance aux inégalités. Les plus grands
économistes alertent le monde sur un niveau préoccupant des inégalités qui
minent le tissu social et qui fait prospérer la rente financière. Ce n’est pas
être gauchiste que de vouloir le bonheur des populations et de dénoncer le libéralisme
doctrinaire qui se nourrit de certitudes.
Alors Macron et Netanyahou
utilisent les mêmes ficelles : l’urgence et la montée des périls qui ne
laissent plus la place au courage politique pour de vraies réformes et une
meilleure redistribution. Face à la modernisation mondiale, les gouvernements
assument mais aucun résultat s’en sort. Ils ne peuvent pas uniquement rêver à
un peuple de milliardaires ou à une société d'incubateurs à startup.
Les systèmes éducatifs dans les
deux pays souffrent, les statistiques mondiales le prouvent. L’armée en Israël se substitue souvent au
ministère de l’Éducation. Mais l’école et l’université ne forment plus les
esprits pour réussir ou critiquer mais uniquement pour les besoins supposés du
marché du travail. L’école lâche à midi dans la nature des enfants israéliens qui se
trouvent abandonnés à eux-mêmes si les parents n’ont pas de quoi payer des
activités complémentaires. Ce n’est pas
ainsi que l’on peut former de vrais cerveaux capables d’inventer des
alternatives pour le nouveau monde.
Bien que les deux dirigeants pratiquent
une politique pour les «riches» et soient moins favorables aux
catégories populaires et aux classes moyennes, ils bénéficient cependant d’une
grande indulgence car ils réussissent dans la politique étrangère, dans l'aide
aux entreprises et dans la lutte contre
le terrorisme. Rendez-vous dans un an.
Belle analyse du réel. En ce qui concerne israël, le problème témoigne de l'oubli du précepte biblique "Tu aimeras ton prochain comme toi-même", dont l'exclusivité à été confiée au peuple juif. Comment redécouvrir une nécessaire compassion ? Peut-être à l'occasion d'une crise grave, comme une guerre... ou un tremblement de terre -- que D. nous préserve de l'une comme de l'autre, et que nous sachions vite retrouver notre humanité.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerOn m'a toujours expliqué que l'enseignement universitaire israélien était d'excellente qualité. Pareil pour les "grandes écoles" en France.
Nous avons vécu dans le sillage des idéaux qui ont suivi la 2 deuxième guerre mondiale avec les lois sociales, assurances sante, les HLM, les droits, protections, retraites et dignités des personnes.
RépondreSupprimerAujourd'hui il n'est question que de déficits, de dettes astronomiques, les lois n'existent que pour la forme, les drogues sont un phénomène social, la technologie remplace de plus en plus l'humain en attendant le tsunami de l’intelligence artificielle. Le monde est en déséquilibre.
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerQue ce soit en France ou en Israël - autant que je puisse en juger - les hommes politiques, qu'on les trouve "bons" ou "mauvais", ne représentent que les majorités du moment qui les ont portées au pouvoir.
Netanyahou et Macron n'échappent ni l'un, ni l'autre, à cette règle.
Il est tout à fait exact que le clivage droite-gauche a disparu, en France, au profit de nouveaux axes tels que bioconservateurs et transhumanistes, ou encore communautaristes et "lèpre" populiste... Chaque groupe défend sa propre "morale" qui, comme toute morale en politique, n'est que temporaire et dépend de la majorité qui la défend.
Or en régime démocratique, le pouvoir appartient à la majorité. Perdre la majorité et devenir minoritaire, implique de perdre le pouvoir.
C'est pourquoi le pouvoir politique, que ce soit en France ou en Israël, est si étroitement lié au problème démographique, car au nom de quoi imposer des "valeurs démocratiques" qui ne seraient pas majoritairement partagées ?
Très cordialement.