TRUMP PORTERA UN COUP AUX GARDIENS DE LA RÉVOLUTION
Par
Jacques BENILLOUCHE
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La décision de Donald Trump de suspendre
l’accord nucléaire signé en 2015 avec l’Iran et de reprendre les sanctions
économiques sera surtout un coup porté aux Gardiens de la Révolution. Ils sont
réputés pour être le bras armé du régime mais sont moins connus comme les tenants
d’un immense empire commercial. En effet, l’économie iranienne a été confiée à une organisation militaire secrète qui avait
commencé comme une milice religieuse. Le Corps des gardiens de la révolution
islamique contrôle au moins un tiers de l'économie iranienne, certains experts
avancent un chiffre plus élevé.
Khomeiny |
Cette force a
été créée par l'ayatollah Ruhollah Khomeiny pour protéger l'État naissant et
défendre les principes de sa révolution islamique. Il ne faisait pas confiance
à l'armée iranienne et avait besoin de sa propre force alors que diverses
factions et milices luttaient pour avoir de l'influence au début de la
révolution chaotique. Le parcours improbable de cette force, depuis le statut de
milice à une puissance d’affaires, a été la conséquence des sanctions
internationales dont le but était de persuader Téhéran d'abandonner ses projets
nucléaires. D’ailleurs les Gardes jouent un rôle central dans l'organisation du
programme nucléaire iranien.
L’empire de
IRGC (Islamic Revolutionary Guard Corps) s’est développé dans tous les domaines
et il comprend :
- Khatam al-Anbia est une entreprise
de construction employant 20.000 travailleurs et gérant des centaines de
contrats gouvernementaux.
- Iran Telecommunications Company dont les Gardes détiennent 50%.
- Angouran est la plus grande mine de plomb et de zinc du
Moyen-Orient.
- Bahman Automobile Manufacturing Group avec une participation de
45% fabrique la marque Mazda.
- L’industrie électronique comprend des sociétés d'électronique,
d'informatique et de communication.
- Institution bancaire Mehr est un groupe financier avec des
centaines de succursales constituant l'un des plus grands réseaux bancaires.
Les Américains
avaient déjà fait pression sur les institutions financières du monde pour les
prévenir que faire des affaires avec les Gardiens de la révolution mettaient en
danger leur accès au système financier américain. Cependant les experts ont estimé
que les sanctions ont été contre-productives car elles ont poussé ce groupe
extrémiste à étendre son influence sur la politique et l'économie. Les menaces
d’attaques militaires lui ont effectivement donné plus de pouvoir économique car
le gouvernement ne pouvait faire confiance qu’à eux pour diriger l'économie. Mais il semble que Trump veuille durcir encore plus les sanctions.
Les Gardiens se sont
alors engouffrés dans tous les aspects de l'économie et dans les activités
légales ou illégales. Leur puissance s’est renforcée durant la présidence
d’Ahmadinejad qui s’est appuyé sur eux pour consolider sa position en leur
donnant des projets de construction sans avoir à soumissionner et en procédant
à des privatisations partielles d'entreprises d'État. Il y a peu d'industries
dans lesquelles les Gardiens ne sont pas impliqués. Ils contrôlent en particulier
le plus grand champ de gaz off-shore de l'Iran, South Pars. Il est vrai qu’ils
ont comblé le vide laissé par Shell, Repsol et Total, qui ont été contraints de
se retirer. Aujourd’hui, il s’agit presque d’un État dans un État.
Les Gardiens de la révolution sont responsables du maintien de
l'ordre intérieur, du développement de l'influence iranienne au Moyen-Orient et
de la gestion de leurs intérêts commerciaux majeurs. Cela explique qu’ils
jouent un grand rôle. Ils ne ressemblent plus aux jeunes hommes pieux, provenant
de milieux populaires, attirés par la mission de salut de Khomeiny et par sa quête
pour assurer la domination de Dieu sur la terre. Une forte tendance
idéologique avait imprégné l'organisation.
Cette petite force de sécurité
interne opérant aux marges du régime a pris de l’importance avec la guerre
Iran-Irak qui a finalement amené les Gardiens à une nouvelle hauteur de pouvoir
et de prestige. Incompétents au départ, ils se sont montrés audacieux au
point de surmonter la supériorité technologique de l'Irak. Ils sont
aujourd’hui 125.000.
Général Soleimani commandant la brigade Al-Qods |
Ils ont été
chargés d’une mission internationaliste d'une importance capitale puisque c’est
grâce à eux que l'Iran projette son pouvoir du Golfe Persique à la Méditerranée
en réveillant les pays arabes et en comblant les vides laissés par les échecs
des Printemps arabes. L'Iran est devenu l'acteur le plus important en Irak et
en Syrie et une voix dominante dans le Golfe. La Brigade El-Qods,
émanation des Gardiens, compte quinze mille hommes à l'avant-garde de l'influence
iranienne pour soutenir le régime de Bachar el-Assad en Syrie et aider les
milices chiites contre les forces de Daesh en Irak.
Les soldats passent en revue les cercueils de deux Gardiens tués en Syrie |
Les Etats-Unis
sont conscients qu'ils ne peuvent pas lancer une offensive militaire trop risquée contre la République
islamique et ils ont donc décidé de briser le régime sur le plan économique. Affaiblir
les ressources des Gardiens c’est diminuer leur influence et réduire les budgets
des développements nucléaires. Trump veut appauvrir le pays pour le soumettre
et faciliter la chute du régime par une révolution intérieure. La grogne de la
population s'était faite sentir depuis plusieurs années et elle a été matée dans le
sang par des Gardiens qui protègent leurs intérêts financiers.
En asséchant leurs
ressources, les Américains estiment que les Iraniens devront faire des choix et
tailler dans certaines dépenses. En
fragilisant l’édifice des Gardiens, l’expansion à l’étranger de l’Iran sera
stoppée et sa capacité de nuisance neutralisée. L’économie iranienne venait à
peine de se relever après la suspension des sanctions mais les fonds recueillis
ont été utilisés à des fins guerrières.
Manifestation des étudiants le 30 décembre 2017 |
Du 28 décembre 2017 au 1er janvier
2018, l’Iran a été en proie à des manifestations massives de rue à la suite non
pas de revendications politiques mais du malaise socio-économique. Les
manifestations s’élevaient contre la corruption (l’Iran est classé 131° pays
sur 176 au niveau de la corruption d’après la Banque Mondiale), contre le
chômage s’élevant à 11,4% de la population et contre l’inflation. L’amélioration
de l’économie n’était pas suffisante même si la croissance du PIB entre 2010 et
2015 de 0,8% est passée à 3,3%. L’embargo
de 2005 à 2016 a fragilisé l’économie, la deuxième économie du Moyen-Orient et
de l’Afrique du Nord. Tout était porté par le secteur pétrolier qui risque à
nouveau de prendre un coup avec une production réduite au des 3,8 millions de barils par jour
actuels.
Trump n’a pas fait de choix militaire contre les usines
nucléaires iraniennes. Il va se contenter d’écrouler l’économie pour dissuader
l’Iran de reprendre l’enrichissement en uranium. Il va aller plus loin dans le
principe de l’extra-territorialité en sanctionnant toutes les entreprises
étrangères qui commercent avec l’Iran. Il espère surtout un vent de révolte des
classes populaires qui ont été les soutiens les plus fidèles du régime. Si l’ossature
du régime, à savoir les Gardiens de la révolution, est fragilisée alors l’avenir des Mollahs
est compté.
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerAu moment où Trump déchire comme un "chiffon de papier" l'accord sur le nucléaire iranien, signé par les États-Unis, la Russie, et l'Union européenne, fruit de douze ans de diplomatie, vous semblez presque vous réjouir que "Trump va appauvrir le pays pour le soumettre et faciliter la chute du régime par une révolution intérieure." Or cette politique est menée par les Américains depuis l'attaque des Tours jumelles du 11 septembre 2001, et partout - que ce soit en Afghanistan, en Irak, et dans tout le Grand Moyen Orient - où le plan GMO devait apporter la pax americana, c'est l'inverse qui s'est produit, et cette politique a servi de tremplin aux Islamistes, retournant les peuples contre leurs "libérateurs".
Force est de constater que le président Trump ne gère les problèmes internationaux qu'en fonction de sa base électorale. Pour l'instant, il soutient Israël. Mais si la guerre devait intervenir entre Israël et l'Iran, ce n'est pas le peuple américain qui en souffrirait le plus, mais ce serait bien le peuple israélien.
Très cordialement.
Chère Marianne,
RépondreSupprimerEntre un dirigeant imprévisible comme Trump et des fous sanguinaires comme les Iraniens, le choix est vite fait. C’est vrai que depuis Jacques Chirac, la droite française et surtout l'extrême-droite, qui sont toujours prêts à dénoncer les immigrants maghrébins, ont fait le choix des pays arabes contre Israël.
Cordialement
Mr Benillouche a tout à fait raison . La France depuis la fin de la guerre d Algérie a choisi le monde musulman. Par contre je crois que Trump n est pas l homme fantasque que l on décrit , il se prépare à la présidence depuis plus de 20 ans et à ceux qui le sollicitaient il répondait< je le présenterai quand je serais dur d être élu >
RépondreSupprimerOn ne peut que constater que tout ce qu il entreprend réussi sur le plan économique et sur le plan international .
On a trop tendance en France de prendre les américains pour de grands enfants voire des demeurés . Leur état et leurs réalisations prouvent le contraire.