PRÉTENDANTS À LA SUCCESSION DE NETANYAHOU
4/ Avigdor LIEBERMAN, Israël Beitenou
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Avigdor Lieberman est né le 5 juin 1958 sous le
nom d'Evik Lvovitch Lieberman dans une famille juive russophone de Moldavie. Il
a immigré en Israël en 1978. Après avoir fait son service militaire comme
caporal, il a obtenu un B.A en relations internationales et en sciences
politiques à l'université hébraïque de Jérusalem. Marié, père de trois enfants,
il habite l’implantation de Nokdim en Cisjordanie.
Tous
les éditorialistes internationaux s’étaient élevés contre la décision de
Benjamin Netanyahou de confier «le portefeuille de la défense, le deuxième
poste ministériel le plus important dans le pays, à l’ultra-nationaliste
Avigdor Lieberman, chef d’Israël Beitenou. Ce n’est pas bon signe». Et
pourtant, depuis sa nomination, il s’est montré discret, à l’exception de son
appel controversé aux Juifs de France de quitter le pays, loin de ses propos
impulsifs habituels et de prises de position presque irresponsables.
La
pratique du pouvoir semble avoir bonifié le personnage qui a lissé son
comportement politique. Le pragmatique ministre de la défense, qui lorgne
le poste de Premier ministre, a renoncé ouvertement au dogme du Grand Israël, a
joué la carte des pays arabes modérés et a relié, pour la première fois, le
problème palestinien aux citoyens arabes israéliens. Son plan original qui a le
mérite d’exister n'a pas reçu l'aval de son gouvernement et il a fait grincer
des dents à droite. Il estime que la seule solution reste la séparation, qui
avait été préparée par Ariel Sharon avant sa mort et qu’il a reprise à son
compte, convaincu depuis lors que le Grand Israël était devenu un leurre, une
illusion pour quelques messianiques.
Plan Lieberman |
Lieberman est loin d’être un
gauchiste ou un repenti. Il veut la séparation avec les Palestiniens. Il prône
d’annexer les trois grandes zones d’implantations comprenant le Goush Etsion
avec les implantations israéliennes situées dans les monts de Judée, au sud de
Jérusalem et de Bethléem, la zone d’Ariel et la région de Maale Adoumim au nord
de Jérusalem ; ces trois groupes d’implantations ayant pour objectif de
défendre Jérusalem et les flancs d’Israël. Les petites implantations
seraient évacuées pour être regroupées au sein des implantations maintenues.
Une mince bande de territoire le long de la vallée du Jourdain serait consacrée
à la surveillance et à la défense des frontières israéliennes et de celles du
royaume de Jordanie. C’est en fait une sorte de plan Alon bis, revu et corrigé
en fonction de la situation nouvelle. Ce nouvel État palestinien serait
délimité par un mur de séparation, en partie déjà existant, qu’il faudra
déplacer à certains endroits.
En échange Israël donnerait aux
Palestiniens une bande le long de la ligne verte, délimitée par les villes israéliennes
d’Oum El Fahm, Ara, Tira et Kfar Kassem. Lieberman voit ainsi l’occasion de se
débarrasser de villes arabes qui n’ont jamais accepté la création d’Israël et
qui sont des foyers du terrorisme. Le ministre de la défense a prouvé
l’originalité de ses idées. Il envisage en effet de permettre à nouveau aux
Palestiniens de Gaza de travailler en Israël. Sa bonté est intéressée car
Israël souffre de la pénurie de main d’œuvre qui a poussé le gouvernement à
autoriser l’entrée de 6.000 travailleurs chinois. L’agriculture israélienne
manque de bras. Les dirigeants des Conseils régionaux israéliens de Shaar
Hanegev et d’Eshkol appuient cette idée car l’agriculture est leur principale
source de revenus. Ils ont poussé le gouvernement à accorder aux habitants de
Gaza le droit de travailler en Israël pour sauver leurs productions.
Les travailleurs de Gaza ont un long
passé en Israël dans la construction, l'agriculture et l'industrie. C’était du
gagnant-gagnant : les entreprises trouvaient leur compte et chaque travailleur
faisait vivre au moins trois familles. Il semble que la crise économique à
laquelle sont confrontés les Gazaouis ait influencé la décision du ministre de
la Défense.
Les services sécuritaires, à
l’initiative de Lieberman, ferment les yeux sur ce qui s'apparente à une parade
pour braver l'interdiction d'entrer en Israël. Ils utilisent le droit des
entrepreneurs de se rendre en Israël pour leurs affaires. Les travailleurs, faisant
souvent partie de l’élite économique, se transforment en «travailleurs
indépendants» pour entrer en Israël comme commerçants. Mais on les voit
ensuite à Ashdod et à Ashkelon quémander des petits boulots d'ouvriers du
bâtiment ou d'usine, souvent mal payés d’ailleurs mais au triple des salaires
de Gaza. On se souvient en Israël de l’époque des pionniers où les médecins
juifs de l’Est acceptaient n'importe quel travail, même dans la voirie. Les
observateurs en sont à se demander s’il n’y a pas un assouplissement déguisé de
la fermeture de la frontière pour tenter de réduire la détresse économique de
Gaza, cause de troubles.
De
nombreux constructeurs israéliens regrettent ces ouvriers qui avaient acquis
une expertise dans la construction et qui font défaut en Israël. Ils s’élèvent
contre l’amalgame qui est fait entre les terroristes et les travailleurs qui ne
songent qu’à nourrir leurs familles. Certains ont d’ailleurs gardé leurs
relations d’antan qui les ont aidés à obtenir le permis spécial d’hommes
d’affaires. Leur amitié leur permet souvent de dormir chez l’agriculteur
israélien avec qui ils ont souvent grandi. Ils défendent ces échanges en
expliquant que la crainte du Hamas est grande et qu’ils sont désarmés face à
une violence qu’ils condamnent.
Avigdor Lieberman souffle le chaud
et le froid. Il menace le Hamas d’une annihilation totale du mouvement
islamique en cas de guerre et parallèlement il promet qu’en cas de calme il est
prêt à transformer Gaza en un îlot de prospérité. La ville en a les moyens. Il
a déclaré au quotidien palestinien Al Qods : «Nous n'avons aucune intention
d'engager une nouvelle confrontation, mais s'ils imposent une nouvelle guerre à
Israël, cela sera la dernière. Ce sera la dernière confrontation parce que nous
les détruirons totalement».
L'arrivée au ministère de la
Défense de cette personnalité détestée des Palestiniens avait fait craindre une
escalade. Or c’est le contraire qui s’est passé. Certains attribuent cette
nouvelle situation au langage ferme utilisé par Lieberman. L'armée israélienne
riposte plus vigoureusement aux tirs de roquettes venant de Gaza alors qu’elle
ne répliquait pas systématiquement. En fait il use du bâton et de la carotte
vis-à-vis des Palestiniens : répression accrue des violences contre une amélioration
des conditions de vie. Il va plus loin en annonçant que si le Hamas cessait ses
activités hostiles, «nous serons les premiers à investir dans leur port,
leur aéroport et leur zone industrielle. Gaza pourrait devenir un jour une
nouvelle Singapour ou une nouvelle Hong Kong».
Lieberman-Dahlan |
C’est
le pragmatique qui parle. Contrairement à la majorité du gouvernement, il se
dit favorable à une solution à deux États, un palestinien et un
israélien, et pour régler le conflit, il se singularise en proposant un échange
de territoires. De ce point de vue, il se distingue des sionistes religieux de Bennett. Il n’aime pas du tout
Mahmoud Abbas et il le proclame : «Le problème, ce n'est pas l'extrémisme,
c'est Mahmoud Abbas, incapable de prendre les décisions difficiles, coupé de la
population et à la tête d'une direction gangrenée par la corruption».
C’est d’ailleurs pour cela qu’il a pris langue secrètement à Paris avec Mohamed
Dahlan, l’opposant farouche au président de l’Autorité. Il est convaincu qu’il
pourrait rétablir avec lui la confiance entre Israéliens et Palestiniens. Mais
les amis de Mahmoud Abbas ne veulent pas entrer dans ce jeu pacifique. Ils
ânonnent, toujours et encore, leur logiciel politique périmé, figé à 1967. Le
ministère palestinien des Affaires étrangères a en effet dénoncé «les vues
racistes» d'Avigdor Lieberman.
Le
pragmatique Lieberman a évolué. Il a adopté une attitude digne face au procès
du soldat Azria en défendant avant tout Tsahal et ses chefs, ce que beaucoup de
ministres se sont abstenus de faire. Mais le Hong Kong palestinien n’est pas
encore pour aujourd’hui, ni pour demain par la faute de dirigeants palestiniens
qui ne veulent pas évoluer alors que Lieberman n'est pas figé par un
militantisme stérile.
Eizenkot-Netanyahou-Lieberman |
Mais
les sondages ne décollent pas pour lui : les derniers lui attribuent cinq
sièges, contre six en 2015. Il pâtit de sa réputation de nationaliste
extrémiste alors qu’il l’est moins que Naftali Bennet et ses amis. Des accusations de fraude, blanchiment d’argent, abus
de confiance et subornation de témoins qui ont touché des membres de son parti,
constituent un sérieux coup de frein à sa candidature. D’autre part le système
d’élections à la proportionnelle intégrale lui est défavorable. Il
faudrait un tremblement de terre politique pour qu’il arrive au sommet.
Dommage car son plan est le plus rationnel : Échange de terres et de populations. Il a tout compris Libermann ��
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