LES F-35 SONT-ILS OPÉRATIONNELS POUR
LA SYRIE ?
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le
débat est ouvert sur la tactique aérienne de Tsahal après la perte d’un F-16
abattu par un missile syro-iranien. Israël a reçu ses deux premiers
avions-chasseurs F-35 à la fin du mois de décembre 2016. Dans les mois qui se
sont écoulés depuis lors, les forces aériennes ont formé les pilotes à les
manœuvrer et ont préparé les équipes, au sol, à assurer leur maintenance
et à les réparer.
Les militaires israéliens avaient indiqué que cet avion
de cinquième génération «changerait la donne», non seulement par ses
capacités offensives et furtives, mais également parce qu’il peut connecter ses
systèmes avec d’autres avions et former un réseau d’échange d’informations. Cependant
un argument financier, son prix à 100 millions$ et le prix de l’heure de vol,
pourrait contraindre les Israéliens à réduire son usage. Pour l’instant la
flotte comprend neuf chasseurs F-35 placés sous la responsabilité de l’escadron
140 «Aigle doré», sur la base aérienne de Nevatim. Le F-35,
baptisé Adir (puissant), premier avion d'attaque «furtif» livré au
Moyen-Orient, représente la solution à la menace iranienne, mais aussi syrienne
à présent.
Il s’agit donc de comprendre pourquoi le F-35 n’a pas été
utilisé en Syrie le 10 février alors qu’il est furtif, donc capable d'échapper
au radar ennemi. Les experts affirment qu’étant donné les circonstances
opérationnelles, Israël s’est privé d'une surprise stratégique en ne
choisissant pas de déployer son plus récent chasseur de première ligne. Huit avions
de combat avaient été envoyés, le 10 février, pour détruire le centre de
contrôle mobile iranien dans le centre de la Syrie en représailles au drone
iranien envoyé en territoire israélien. Or aucun F-35 ne faisait partie de la
mission aérienne. La question de son absence est légitime. On l’explique par l’hypothèse
d’un coût élevé d’utilisation. On l’explique aussi par le fait que l’armée de
l'air israélienne n'est pas suffisamment confiante dans la maîtrise de ce
nouvel avion et que l’expérience opérationnelle des pilotes du F-35 n’a pas
encore atteint le niveau d’excellence que s’impose Tsahal. On ne part pas au
combat si l’on n’est pas certain de réussir. Le risque zéro est une constante
pour l’armée.
F-16 abattu |
Des experts de l’aviation et d'anciens officiers de
l'armée de l'air ont expliqué pourquoi les F-35 n’ont pas été utilisés lors des
attaques en Syrie. La livraison des avions étant récente, la force aérienne n'a
pas terminé l’intégration des systèmes d'armes spécifiques aux besoins
israéliens et n’a pas finalisé les tests intensifs. Les chasseurs F-35 sont
réservés à des missions et des objectifs extrêmement stratégiques, face à des
systèmes de défense aérienne plus sophistiqués que ceux utilisés en Syrie.
Par ailleurs, les types d’armes nécessaires pour cibler le centre de
commandement iranien sur la base aérienne T4 près de la ville de Palmyre, n'avaient
pas encore été installés sur les F-35.
Amikam Norkin |
Pourtant le général Amikam Norkin, chef d’État-major de
l’aviation israélienne avait annoncé : «La mise en service de l’avion
Adir arrive au moment où la force aérienne israélienne opère sur différents
fronts dans un Moyen-Orient dynamique».
En clair, Tsahal estime que le F-35A «renforce ses capacités
opérationnelles et tactiques et permet aussi de se préparer à plusieurs scénarios
de combat dans différentes zones». L’an passé, un responsable militaire israélien
avait même estimé que cet appareil allait devenir «l’un des piliers
centraux de la stratégie aérienne israélienne», en raison de sa furtivité,
laquelle permettrait de déjouer les capacités d’interdiction d’accès, en
particulier celles mises en œuvre par l’Iran avec son système russe de défense
aérienne S-300.
Mais les doutes persistent sur les ultimes performances
et même sur sa réactivité pour de petites missions. Les pilotes israéliens
s’entraînent depuis des années, sans avions furtifs, pour pénétrer les défenses
aériennes iraniennes basées sur les missiles sol-air S-300. Les pilotes de
guerre israéliens avaient exprimé leur désir de disposer de nombreux appareils
éprouvés, plutôt que de quelques unités d'appareils ultra-modernes. Ainsi donc,
le F-35 ne fait pas l’unanimité chez les aviateurs. Les experts estiment qu’il
aurait été préférable de moderniser les avions de combat actuellement en
service, au motif que la maintenance du nouvel appareil, au rayon d’action
moins important, allait peser lourd sur le budget de Tsahal.
Mais les pilotes comptent sur les technologies israéliennes
qui sont ou seront intégrées sur les chasseurs. Des revues américaines
spécialisées pointent les lacunes du chasseur F-35. L'optimisation et les
essais en vol de l'appareil sont loin d'être terminés, tandis que les
insuffisances de l'appareil limitent considérablement ses domaines
d'utilisation et ne permettent pas au F-35 d'être classé comme un appareil de
combat à part entière. Le nouvel avion n'a pas la facilité de manœuvre de ses
prédécesseurs. Sa capacité de vol à des vitesses subsoniques est inacceptable,
car il subit l'influence de forces aérodynamiques qui changent subitement son
vecteur.
Par ailleurs, l’armée de l’air israélienne est en train d’apporter des
modifications électroniques pour adapter l’avion à ses besoins. Le F-35 est pour
l’instant impuissant dans un combat aérien, étant donné que son système
opérationnel n'est capable de gérer que deux missiles air-air. Le chasseur, conçu
pour soutenir les troupes terrestres, n’est pas capable de voler à des vitesses
réduites et son logiciel ne réussit pas à gérer le canon à quatre tubes
GAU-22/A. En fait, comme pour les précédents chasseurs depuis le Mirage, les
services techniques de l’armée apportent la touche complémentaire pour les adapter
aux besoins de la région.
Mais
sur le plan stratégique, certains officiers ont convenu que Tsahal avait commis
une erreur le 10 février. Il a sous-estimé les risques des systèmes anti-aériens
déployés en Syrie même s’il s’agissait de vieux systèmes SA-5 et SA-17. Cela a
conduit à ce qu’un premier avion israélien soit abattu par un feu ennemi en 36
ans mais, plus grave, l'aura d'invincibilité d’Israël a été écornée.
Abraham Assael |
Mais
la vraie raison du non-usage du F-35 vient directement des Etats-Unis. Les
Américains ont fait opposition à l'utilisation des F-35 dans la région car ils craignent
la divulgation de certaines fonctionnalités de l’avion. Les experts militaires russes,
iraniens et syriens, stationnés en Syrie, pourraient obtenir des informations
sur ses capacités furtives et sur les capacités des radars. Le
général israélien Abraham Assael, ancien pilote et actuellement directeur
général de l'Institut Fisher pour les études stratégiques aériennes et
spatiales, a déclaré tout simplement que l'armée de l'air n'avait aucune raison
de risquer des «atouts stratégiques» pour des cibles stratégiquement insignifiantes.
En d’autres termes moins diplomatiques, le F-35 est prévu pour attaquer
éventuellement l’Iran si cela devenait nécessaire et est trop sophistiqué pour
la Syrie, sans pour autant mésestimer les moyens syriens.
Le F35 est un fer à repasser, que l'industrie aéronautique US produit parfois, comme le Curtiss P40 où le F104 Starfighter.
RépondreSupprimerJe me souviens d'un de vos articles critiquant le Rafale ...
RépondreSupprimerLe Rafale avec SPECTRA peut déjouer de vieux S-300.
@Amellal Ibrahim
RépondreSupprimerMon article sur le Rafale date du 6 janvier 2010.
http://www.slate.fr/story/10011/le-rafale-na-jamais-eu-davance-technologique
Vous vous doutez bien que, depuis, le Rafale a eu une expérience militaire internationale sur le terrain et des suggestions des armées qui l'ont acheté ou qui vont l'acheter. En huit années le Rafale a eu le temps d'évoluer. Une restriction cependant, le Rafale n'est pas furtif.
@Jacques Benillouche
RépondreSupprimerLa furtivité est toute relative, on se souvient que le F117 a été abattu par les Serbes avec du vieux matos.
La "furtivité" est sur certaines fréquences, certains angles ...
Il vaut mieux une flotte d'avion modernisés avec des améliorations électroniques possibles et quelques avions furtifs comme "gadgets" sinon on se retrouve avec des avions "bijoux" dont la perte est trop importante et donc qui ne peuvent être utilisés.
Au passage, j'attends de voir le F-35 qui n'est toujours pas fonctionnel entièrement.
Le "technologisme intégral" est un fléau financier car cela de plus en plus cher même en relatif pour l'achat et l'entretien des pièces.
Les Allemands avaient tenté de trouver l'arme ultime au prix de dépenses "colossales" ce qui aboutit à des V-2 et Me-262 au lieu de développer une flotte d'avions meilleurs marchés mais bien plus nombreux.
Tant que la désinformation visant à faire croire que le F-35 est une catastrophe opérationnelle n'aura pas été massivement remise en cause sur la Toile il sera très difficile d'avoir une vision réaliste de cet appareil.
RépondreSupprimerLa raison de la non utilisation du F-35 dans les dernières opérations est bien sûr un manque de temps pour finaliser les entrainements des personnels et pour finir les mises au point techniques de l'appareil. Il reste encore quelques éléments à finaliser avant d'avoir le potentiel de cet appareil.
Les gens peuvent considérer cela étrange ou choquant, mais le principe même de fonctionnement du programme F-35 suppose que les avions soient livrés avant d'être 100% au point ... c'est la Concurency. Cette méthode permet en particulier d'anticiper massivement la prise en main de l'avion par un maximum de pilotes.
Donc, à ce jour, il est tout à fait normal qu'aucun avion ne soit déployé en opération. Par contre l'armée israélienne, comme le corps des Marines US, envoient leurs appareils dans des unités opérationnelles pour que les équipes d'entrainent à utiliser cet avion en situation réelle.
Rien de plus ...