LA MORT DOUCE ET LIBÉRATRICE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Dans
une attitude populiste, le gouvernement israélien veut instituer la peine de mort en
Israël pour les faits de terrorisme. C’est une erreur. La mort est certes une solution
radicale mais elle abrège la souffrance du terroriste qui en prison, meurt à
petit feu, pendant des dizaines d’années face à son crime abominable. L'enfermement rend parfois fou. Il faut en revanche instituer une période de sûreté irrévocable,
imposée par la loi, durant laquelle le condamné ne peut bénéficier d’aucune
réduction ni aménagement de peine, d’aucun placement en semi-liberté et encore
moins de libération conditionnelle et enfin, certainement pas d'échange.
Terroriste abattu |
La
peine de mort n’est pas dissuasive pour la plupart des terroristes qui savent
que la mort est au bout du chemin. D’ailleurs la plupart la souhaitent; ils
l’espèrent parce que mourir en martyr est une faveur du Ciel. Ils n’ont pas
peur de la mort libératrice mais de la souffrance. Il n’y a aucun doute qu’ils
ont rendez-vous avec la mort car dans des lieux surveillés par de nombreuses
forces de l’ordre, ils savent qu’ils ne peuvent pas s’en tirer indemnes. Ils
ont une conception spéciale de l’avenir car au lieu de privilégier la vie, ils
s’adonnent au culte de la mort, pour finir en martyrs. Par ailleurs leurs tombes deviendront vite des lieux
de pèlerinage ou des centres d’enrôlement de candidats à l’échafaud.
D’ailleurs
la ministre de la Justice, Ayelet Shaked, estime qu’il n’est pas nécessaire d'une
nouvelle législation sur la peine de mort. Elle n’ose pas contredire le
gouvernement en s'y opposant mais il faut bien faire plaisir à son parti; alors, elle est prête à accorder la
peine capitale dans des cas extrêmes : «Quand il y a un terroriste qui
tue des enfants, alors nous devrions utiliser la peine de mort». Pourtant,
la législation israélienne la prévoit déjà mais elle n’est pas appliquée. Elle
reste à la discrétion des juges.
La
peine de mort crée des martyrs et suscite même des vocations car se retrouver à
la lumière, pour un triste inconnu, est un honneur pour lui et sa famille. Même
si la peine de mort est décidée, dans un État de droit, le condamné peut faire
appel et si elle est confirmée il lui reste encore la demande de grâce. Encore
faut-il que les juges votent la mort même si la loi vient d’être amendée pour
ne plus exiger une décision unanime mais une simple majorité. Les juges sont
réticents à l’appliquer car ce n’est pas dans la conception juive.
La
question grave pourrait aussi se poser pour les assassins juifs car il ne
pourrait y avoir deux poids et deux mesures dans la loi. On se souvient du corps
retrouvé dans une valise repêchée dans le fleuve Yarkon, celui de la petite
Rose Pizem, dont le meurtre a été commis par sa mère et son grand-père paternel
qui croupissent en prison avec des regrets éternels alors que la mort les aurait
libérés.
La
peine de mort est une régression pour le monde moderne. D’ailleurs elle est
surtout utilisée par les pays dictatoriaux qui croient ainsi pouvoir changer le cours
des choses, or ils l’amplifient. Israël ne peut être montré du doigt. Il ne
peut pas se distinguer des pays de l’Union européenne qui ont aboli la peine de
mort en toutes circonstances. Le pays est assimilé à tort comme un État
abolitionniste alors qu’il prévoit encore des cas de crimes pour son
application. Il s’agit d’une position ambivalente dans un pays aux
considérations sécuritaires de plus en plus importantes.
Les pendaisons nous renvoient au souvenir des Juifs pendus
par les nazis et à celui des sionistes du Lehi, Eliyahou Beit-Tzouri et Eliyahou Hakim, pendus
à 23 ans par les Anglais au Caire. Israël ne peut pas être associé à ce genre de barbarie.
La
loi abolitionniste de 1954 maintient la légalité de la peine de mort pour toute
une série de crimes, dont le génocide, le crime contre l’humanité, le crime de
masse, la trahison et le crime contre le people juif. Or, depuis la proclamation de l’État d’Israël
en 1948, la peine de mort n’a été appliquée qu’une seule fois, en 1962, lorsque
Adolph Eichmann fut pendu pour sa participation à la Shoah. De plus, Israël a
voté en faveur de la Résolution des Nations unies du 18 décembre 2008, pour un
moratoire mondial sur les exécutions, solidifiant sa crédibilité
abolitionniste. L’expérience de la Shoah avec sa violence insensée et le crime «absolu»,
justifiait certes une réponse inhumaine. Or malgré l’expérience commune de la
Seconde Guerre mondiale, tous les pays ont décidé d’abolir la peine capitale.
On ne comprendrait pas qu’Israël rejoigne les pays dictatoriaux pour une
poignée d’assassins qui devraient mourir en prison dans la solitude et avec les
regrets de ne pouvoir profiter d’une vie normale. La privation de liberté est la
punition extrême.
Sur
le plan religieux, bien que l’orthodoxie juive reconnaisse la peine de mort
comme une punition juste et nécessaire, les procédures judiciaires établies
dans un cadre religieux en limitent l’application sur la base du principe de Maïmonide,
qui au 12ème siècle avait écrit : plutôt «acquitter mille personnes
coupables que de mettre un innocent à mort».
La
Torah peut être interprétée comme étant en faveur de la peine de mort mais en
pratique il est difficile d’exécuter un être humain dans la société juive. La
peine capitale telle qu’elle est présentée par les plus grands Sages de la
religion, symboles d’humanité, ne ressemble en rien à celle qui est mise en
œuvre de nos jours. D’ailleurs elle fut pratiquée, dans l’ancien Israël, une
fois tous les sept ans. Le mouvement libéral juif américain a également affirmé
son opposition à la peine de mort. En 1958, puis encore en 1960, la Conférence
nationale des rabbins américains déclarait son opposition à toute forme de
peine de mort et estimait que la tradition juive considérait la peine capitale
comme répugnante.
Aucune preuve n’a démontré le caractère dissuasif de la peine de mort. Mais plus l’État d’Israël se découvre un nombre croissant d’ennemis internes et externes, et plus les appels pour le rétablissement de la peine de mort se multiplient. On imagine la pression de l’échafaud contre tout citoyen israélien d’origine palestinienne jugé coupable. On imagine mal un Juif dans le rôle de bourreau. Il faut cesser ces décisions gouvernementales populistes dont on entrevoit en fait la finalité politique.
Pour l’ancien ambassadeur israélien, Arie Avidor, «Le vote de la peine de mort : voilà la touche supplémentaire qui manquait à l’image d’Israël de par le monde ! Une coalition gouvernementale ivre de surenchère populiste, prête à légiférer sur tout ce qui est susceptible de séduire les plus bas instincts de son électorat et à mener ce pays à la dérive si c’est le prix à payer pour sa survie politique !».
Rétablir la peine de mort pour des terroristes serait les assimiler au seul personnage exécuté en Israël Eichman symbole de la Shoah et serait ramener la Shoah à un simple fait de terrorisme.
RépondreSupprimerAlors ne serait ce que pour ça NON à la peine de mort pour des assassins qui ne la méritent même pas.
Sois sérieux! En prison les terroristes recoivent des soins médicaux de qualité, s'inscrivent à l'université, touchent des allocations mensuelles tandis que l'Autorité prend soin de leur famille. Plus leur crime est grave et plus ils sont considérés par les autres détenus. Ils ont droit à des visites conjugales. Enfin ils quittent la prison souvent avec un diplôme et de belles économies avant d'être accueillis en héros dans leur village!
RépondreSupprimerPersonne ne peut trancher de façon claire et décisive sur le caractére dissuasif de la peine de mort. Les arguments en faveur de la peine de mort se plaident aussi bien dans un cas que dans l'autre. Personnellement ,je pense que cette mesure peut etre dissuasive pour certains et pas pour d'autres. Je pense egalement qu'il existe des etres mauvais, machiavéliques qui prennent un grand plaisir à massacrer. Que ceux la doivent aller à la potence. La justice dans le cadre de l'appréciation de la Loi laisse une appréciation au cas par cas ,mais il ne faut pas perdre de vue que des terroristes "eichmanniens" entourent Israel et se trouvent hélas dans son sein. Une seule chose me dérange en conclusion de cet article interessant , c'est le rappel quasi systématique des bonnes ames de gauche toujours soumises au regard extérieur du label européens dont ils recherchent maladivement l'approbation et dont ils craignent la désapprobation. Ces bonnes ames ont vite fait d'oublier 15000 ans d'Histoire que nous ne leur devons rien, ces nations ne nous ayant pas fait le moindre cadeau jusqu'à aujourd'hui ou leur fonds aident à subventionnner ceux qui fomentent les assassins chez nous....et pour lesquels hypocritement ils se lamentent.
RépondreSupprimerLes commentaires ainsi que l'article sont intéressant mais vu qu'il n'y a pas de solutions efficaces...laissons au Mossad faire le ménage sur les individus les plus dangereux, et comme les Américains avec le Saoudien, les envoyer au fond de la méditerranée..mais je pense que ces méthodes sont déjà utilisées..
RépondreSupprimerIsraël sera en excellente compagnie : Afghanistan, Arabie Saoudite, Bahreïn, Bangladesh, Chine,Corée du Nord, Cuba, Egypte, Emirats Arabes Unis, Ethiopie,Indonésie,Irak,Iran, Jordanie, Koweit, Liban, Libye,Nigéria,Oman,Pakistan,Qatar,Soudan,Syrie
RépondreSupprimerTchad,Vietnam,Yémen,Zimbabwe
Quand on pense qu'Israël a été l'un des premiers pays à l'abolir en 1954 sauf pour les crimes contre l'humanité (en pensant essentiellement aux criminels nazis) avec une seule exécution : Eichman en 1962
Excellent article. Merci. Après l'avoir lu le texte, accompagné de nombreuses autres photos, je vois que la première reflète le choc que l'article veut susciter. Rien dans le texte ne laisse suspecter une quelconque similarité. Dans tous les cas de figure, la peine de mort demeure une barbarie qu'Israël avait été un des premiers pays à refuser.
RépondreSupprimerC'est une question difficile. Les arguments avancés,dans cet article,a l'encontre de la peine de mort pour faits de terrorisme sont solides... en revanche, je ne crois pas légitime de jeter l'anathéme sur ceux qui y seraient favorables. L'on peut comprendre leur exaspération, le cas échéant leur douleur, sans les taxer au surplus d'êtres insensibles... c'est memei supportable de poser le débat en ces termes!c'est bien plus complexe que cela... enfin, le sujet semble se limiter aux exécutants, aux terroristes , sur un plan opérationnel, logistique...en cela, il parait un peu réducteur, parcellaire.. quid des doctrinaires, endoctrineurs,commanditaires, instigateurs de faits de terroristes,qui, tapis dans l'ombre, bien au chaud,lobotomisent les cerveaux des exécutants? Si on les prend en compte, le sujet prend une autre perspective...car eux sont censés redouter davantage la mort.. pour eux, la peine de mort semble plus dissuasive...
RépondreSupprimerQuestion très complexe, pour ne pas dire tragique. Les 2 positions sont défendables mais ce qui est certain c'est que, possédant déjà un dispositif législatif qui n'interdit pas la peine de mort, si cette loi passe, ce ne sera que pour flatter l'électorat populiste !
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