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vendredi 3 novembre 2017

Terreur islamique prévisible à Manhattan



TERREUR ISLAMISTE PRÉVISIBLE À MANHATTAN

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps


           
          Un immigrant ouzbek a lancé, ce 1er novembre, une attaque mortelle avec une camionnette-bélier contre des piétons et des cyclistes, causant la mort de huit personnes et en blessant onze autres dans le sud de Manhattan. Les circonstances de l'attentat sont désormais connues. Cette attaque prouve que malgré toutes les mesures de sécurité et de contrôle mises en place, les Etats-Unis n’étaient pas à l’abri d’un attentat perpétré par un terroriste qui n’était cependant pas un enfant de chœur puisqu’il arborait un physique avec des attributs islamiques voyants. Il ne regrette rien et veut un drapeau de Daesh dans sa chambre d'hôpital.



            Pour certains, la promenade ensoleillée le long de la rivière Hudson s’est terminée à 15h15. Une camionnette a utilisé la voie piétonne et cyclable le long de la West Side Highway en heurtant plusieurs piétons et cyclistes puis en percutant un autobus scolaire, blessant des enfants et des adultes. Huit personnes, dont des touristes d'Argentine et de Belgique, ont été tuées.  Parmi les morts on dénombre un homme d’affaires juif argentin, Ariel Ehrlich, venu à New-York, pour célébrer le trentième anniversaire de la fin de ses études.

            Le terroriste qui brandissait deux pistolets factices a été blessé par un policier en patrouille. Il est certain que le lieu de l’attentat n’a pas été choisi au hasard puisque plusieurs écoles s’y trouvent et qu’il s’agit d’un lieu touristique réputé. Dans cette zone devait se dérouler le plus grand défilé annuel du centre-ville de Manhattan. Des témoins rapportent que le conducteur avait crié Allah Akbar (Dieu est grand). La police a par ailleurs trouvé une note dans le camion où le conducteur prêtait allégeance à l'État islamique, bien qu'il n'y ait eu aucune revendication immédiate de responsabilité de la part de Daesh lui-même. L'enquête conjointe du FBI (Federal Bureau of Investigation) et du NYPD (département de police de New York déterminera avec précision les commanditaires de l’attentat.
            Le terroriste du nom de Sayfullo Saipov, originaire d'Ouzbékistan et âgé de 29 ans, s’était installé au New Jersey en 2010, en provenance de Floride et était détenteur d’une carte verte de résident permanent. Il occupait un emploi de chauffeur chez Uber après avoir passé toutes ses vérifications d'antécédents. 
Attentat de Nice

            Cet attentat rappelle les attaques terroristes à Nice en 2016 où 86 personnes avaient été tuées, à Berlin avec 12 morts en décembre 2016 ainsi qu’à Londres et Barcelone. Les autorités de New-York avaient pris des mesures en plaçant des barrières autour des cibles stratégiques, y compris Times Square. La police avait sensibilisé les loueurs de camions pour signaler d’éventuels suspects. Mais le conducteur est passé entre les mailles du filet en louant un camion dans un magasin Home Depot de l'autre côté de la rivière, dans le New Jersey. 
            Mais sans aucune explication, la patrie de Saïpov ne figurait pas sur la liste de Donald Trump des pays qui imposent un examen plus approfondi de leurs ressortissants. Il s’agit bien d’une lacune puisqu’un autre Ouzbek avait déjà été responsable, en janvier, d'un massacre dans une boîte de nuit d’Istanbul.  Selon le gouverneur de l'État de New York, l'auteur de l'attentat est un «loup solitaire», radicalisé aux États-Unis et possédant des connexions avec l'État islamique.
            En réplique aux attentats du 11 septembre 2001, George W. Bush avait décrété la «guerre contre le terrorisme» (War on Terror), consistant en plusieurs actions policières, politiques et militaires du gouvernement des États-Unis, appuyé par différents alliés, dont l’OTAN, contre différentes organisations liées au terrorisme islamiste, en premier lieu desquelles Al-Qaeda. Ces opérations antiterroristes étaient appuyées par des comités créés par le Conseil de sécurité des Nations unies qui, par la résolution 1373 du 28 septembre 2001, oblige tous les États membres de l'ONU à prendre des mesures législatives contre le terrorisme.

            Cette campagne s’était démarquée de la lutte antiterroriste traditionnelle par des actions militaires de grande ampleur à l’étranger, par le fait qu'elle s'oppose, non pas à un État mais à des groupes non étatiques comme Al Qaeda, la guerre asymétrique. Certains commentateurs avaient alors parlé d’un «état d'exception permanent» et condamné en parallèle les «guerres préventives» menées par Israël contre les États accusés d’abriter des groupes terroristes ou susceptibles de leur fournir des «armes de destruction massive». Israël avait organisé sa propre lutte à travers le démantèlement des cellules terroristes, la destruction des camps d’entraînement. Mais cela lui avait valu des condamnations «unanimes», même de la part ses alliés. Il avait réclamé la fin des aides financières aux pays qui ne participaient pas à la lutte contre le terrorisme et la rupture des relations avec les États voyous. Certains auteurs comme Noam Chomsky avaient même critiqué les Américains en les accusant de pratiquer eux-mêmes le terrorisme à l’échelle internationale. L’historien Jean-Michel Lacroix avait lui-aussi écrit : «On ne saurait oublier que si les États-Unis condamnent le terrorisme d’État, c’est après l’avoir appuyé en Indonésie, au Cambodge, en Iran ou en Afrique du Sud».
            En fait, la lutte contre le terrorisme est l’échec personnel d’Obama. On est certes loin des 180.000 soldats américains déployés en Irak et Afghanistan en 2009 lors de sa prise de fonction. Aujourd’hui les États-Unis restent encore impliqués militairement dans plus de pays qu’en 2009. Si Ben Laden est mort, Al-Qaeda existe encore et Daesh profite des crises locales pour poursuivre son entreprise de déstabilisation mondiale. Obama n’a pas mis fin aux guerres comme il l’avait prédit pendant sa campagne électorale. 

Le Caire 2009 message aux musulmans

          Il n’a pas pris de mesures radicales contre le terrorisme, en s’inspirant des méthodes israéliennes. Il s’est borné à installer son pays dans une ère de guerre permanente, avec des outils perfectionnés comme les drones armés et l’emploi des forces spéciales, sans compter le recours croissant aux sociétés militaires privées. Il n’a pas voulu prendre des mesures contre les États qui finançaient et armaient les terroristes car il ne pouvait pas se mettre en porte-à-faux par rapport à son discours de 2009, à la tribune du Caire, où il caressait les pays musulmans dans le sens du poil. Alors il a laissé faire les uns qui soutenaient les Frères musulmans et les autres qui appuyaient les djihadistes.
            Il faut savoir gré que le volet militaire est quand même resté dominant dans la stratégie américaine contre le terrorisme. Obama avait redéfini les modalités du recours au hard power, avec la généralisation des assassinats de «cibles de grande valeur» ou assassinats ciblés. Les Etats-Unis étaient passés de la contre-insurrection au contre-terrorisme. Mais l’avènement des Printemps arabes avait constitué une rupture, et le choix de ne pas intervenir en Syrie avait pesé lourdement sur le bilan du président en politique étrangère.

            Ces crises ont cependant prouvé qu’il était difficile pour les États-Unis de se détourner du Moyen-Orient, comme ils le souhaitaient, pour pivoter vers l’Asie. L’année 2014 a constitué un tournant pour Obama avec l’irruption de Daesh en Irak et en Syrie qui a marqué le début d’un réinvestissement américain en Irak. Depuis 2014, on ne peut que constater l’augmentation continue de la présence de soldats américains sur le terrain. Les Américains assurent toujours l’écrasante majorité des frappes, à plus de 80% tandis que le retrait d’Afghanistan est également ralenti, par peur d’un scénario identique. Mais le terrorisme perdure.
            La lutte par procuration, qui repose sur l’assistance militaire américaine et le recours aux forces armées des pays les plus immédiatement concernés, était au cœur de la stratégie de contre-terrorisme de Barack Obama. Or cette focalisation sur des partenariats sécuritaires a des conséquences négatives quand les pays ne veulent pas s’engager vraiment parce qu’ils ont d’autres objectifs. L’efficacité américaine a été remise en question par les développements des deux dernières années en Irak et Afghanistan, mais aussi en Somalie et ailleurs sur le continent africain, dernier front de la lutte contre le terrorisme. Elle pose également des dilemmes stratégiques, lorsque des alliés locaux des Etats-Unis sont ennemis sur le terrain, à l’instar des  forces kurdes et turques en Syrie.
            Enfin, en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme sur le long terme, il est nécessaire de lutter contre les causes du terrorisme et contre l’idéologie. Ce recours au soft power, centré sur le bla-bla politique et la contre-propagande, a constitué une rupture majeure introduite par Obama qui aurait dû insister sur la lutte contre les causes du terrorisme sur le plan économico-social, et la lutte sur le plan des idées. Mais ce qui devait constituer la priorité du président américain restera peut-être son plus grand échec : la lutte sur le plan idéologique et la prévention de la radicalisation. Sa réorganisation des diverses agences du département d’État fut un échec. Or les nouvelles pistes devaient être axées, comme en Israël, sur la supériorité technologique.
Renseignement israélien

            Obama a eu tort de ne pas s’associer à Israël pour faire du terrorisme la seule et unique priorité de sa politique étrangère puisqu’il s’agissait d’une menace existentielle. En fin de mandat il avait reconnu que la constance de la menace, même de faible intensité, pouvait «faire de réels dégâts, affaiblir nos sociétés, et créer le type de peur qui provoque divisions et les surréactions politiques».
            En lui succédant, Donald Trump n’a encore rien fait de concret. Il se cherche encore. Il vient simplement d’ordonner un renforcement du contrôle des étrangers et la peine de mort pour les terroristes. Certes les contrôles aux frontières ont été multipliés mais les terroristes radicalisés qui vivent déjà aux Etats-Unis sont exempts de surveillance ou de détention administrative à la manière israélienne si décriée par les Occidentaux, toujours prompts à condamner l'arrestation et la détention de personnes sans jugement, même si c’est pour des raisons de sécurité. Pourtant c’est le seul moyen de lutter contre le terrorisme, de contrôler l'immigration clandestine ou de protéger le régime en place. Bientôt, les méthodes israéliennes ne seront plus l’exception dans les pays occidentaux. Le combat contre l’islamisme radical ne nécessite pas de prendre des gants, surtout avec des tueurs.

1 commentaire:

  1. Très bonne analyse Mr Benillouche, je suis un "élève" très attentif, j'apprends beaucoup des aléas de notre Monde, alors merci pour votre éclairage...

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