Par Jacques BENILLOUCHE
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Le
Hamas et le Fatah se sont rencontrés, le 21 novembre au Caire, pour débattre
des termes définitifs de leur réconciliation. À cette réunion, pas moins de 13
factions politiques ont fait le déplacement pour traiter des sujets délicats et
clivants. En dehors du contrôle des frontières qui a déjà trouvé une solution,
beaucoup de questions restent en suspens, et non des moindres car il s’agit à
présent de désigner un gouvernement provisoire d’union chargé de préparer les
élections législatives et présidentielles. Si un accord a été difficilement
trouvé entre le Fatah et le Hamas, ce sera encore plus difficile de convaincre les
13 factions d’accéder à l’unanimité.
Un
premier point crucial n’emporte pas l’assentiment de tous les clans : la
reconnaissance de l’État d’Israël est une exigence américaine et européenne
pour cautionner l’accord. Or le djihad islamique refuse de reconnaître Israël pour
une question de fond liée aux accords d’Oslo de 1993 qu’il a rejetés en bloc.
Le
deuxième point concerne le désarmement des milices et des brigades Ezzedine
al-Kassem en particulier, le bras armé du Hamas. Il est dans l’intérêt du
président Abbas d’affirmer son autorité sur Gaza et donc de ne pas être soumis
au chantage des milices armées qui, à tout moment, peuvent créer des troubles. Israël
verrait de son côté ce désarmement comme un pas important pour éloigner toute
conflagration militaire. Mais le porte-parole du djihad, Daoud Shebab, résiste à se
défaire de ses armes car il estime que son groupe n’a pas d’autre moyen pour se
défendre.
Djihadistes à Gaza |
Alors
bien sûr, à la réunion du Caire, il faut donner une illusion de consensus ;
certaines questions délicates seraient alors reportées à une autre échéance, le
temps de trouver une solution acceptable et conforme aux intérêts de toutes les
parties. Dans cet esprit, chaque clan fait appel à ses soutiens extérieurs pour
donner plus de poids à ses exigences. Mahmoud
Abbas, leader du Fatah, compte sur l'influence de l’Arabie saoudite tandis que le
Hamas et le Hezbollah sont assurés d’avoir l’Iran à leurs côtés. Mais comme l’Arabie
et l’Iran sont déjà engagés dans un bras de fer qui risque de virer au conflit
armé, on voit mal comment l’écheveau sera démêlé.
Désert occidental |
Mais
l’Égypte s’est mouillée, depuis le début, pour obtenir à tout prix un accord
avec le Hamas. Le désert occidental égyptien a subi huit attaques terroristes
majeures au cours des trois dernières années faisant une soixante de morts
parmi les agents de sécurité et des dizaines d’autres civils. L’Égypte fait
face réellement à un véritable front dans la guerre contre le terrorisme.
Pour les seules dernières semaines, 16 policiers ont été tués et plusieurs
blessés lors d'une fusillade entre les forces de l’ordre et des terroristes à l'oasis al-Wahat al-Bahariya, le 20 octobre 2017. Le groupe Hurras Al-Shariah (Gardiens
de la charia), sous obédience d’Al-Qaeda, a salué l'attaque qui a été
revendiquée par Ansar Al-Islam : «Nous avons commencé notre djihad
aux frontières du Caire et nous avons été victorieux contre la campagne de
l'ennemi». L’armée de l’air égyptienne est intervenue pour
neutraliser le groupe mais sans grand résultat dans une zone montagneuse.
Ansar Al-Islam |
Le
désert occidental représente les deux tiers de la taille de l'Égypte. Il
s'étend entre la vallée du Nil et le delta à l'est et la frontière égyptienne
avec la Libye à l'ouest. Il est bordé par la mer Méditerranée au nord et la
frontière égyptienne avec le Soudan au sud. La frontière entre l'Égypte et la
Libye, qui s'étend sur 1.100 kilomètres, est la plus critique car elle ne
comporte pas de villes qui pourraient faire barrage. Le terrain accidenté, qui
constitue la majeure partie du désert, en a fait un environnement propice aux opérations
des groupes terroristes. La frontière est devenue une passoire pour les armes
et les hommes.
Depuis
2011, la Libye représente une menace directe pour la sécurité de l'Égypte, avec
de nombreuses infiltrations, surtout depuis le chaos qui règne dans l’ancien
pays de Kadhafi. L’armée égyptienne semble dépassée malgré les forces aériennes
égyptiennes - soutenues par des unités spéciales de commando de l'armée
(Sae'ka) et la police qui agissent dans ces régions montagneuses. Les images satellites fournies par les Russes
et les Israéliens, ont aidé les forces militaires à suivre les mouvements des
terroristes.
A gauche l'ancien et à droite le nouveau chef d'Etat-major |
Ces
troubles ont poussé le président Al-Sissi à nommer un nouveau chef d’État-major,
le général Mohamed Farid Hegazi, qui a déjà décidé de changer de stratégie en lançant
des frappes préventives. Ce nouveau front au désert occidental pousse donc
Al-Sissi à soulager le front nord en trouvant un accord avec le Hamas pour
neutraliser les groupes armés du Sinaï, affiliés à Daesh. C’est pourquoi il
cherche absolument une coopération avec Gaza pour rendre la vie difficile à
Wilayat Sinaï de Daesh. Le rapprochement entre le Hamas
et l'Égypte permettra de sécuriser les frontières communes et empêcheront la
libre circulation des djihadistes qui n’auront plus de soutien logistique.
Tawfiq abou Naim à l'hôpital |
Wilayat Sinaï veut donc tout faire
pour briser la réconciliation. C’est pourquoi il a tenté, le 27 octobre, d'assassiner
le général Tawfiq Abu Naim, commandant des services de sécurité de la bande de
Gaza, qui avait mené des actions pour enrayer les infiltrations depuis Gaza et
qui avait fermé des sites d'entraînement djihadistes à Gaza après avoir arrêté ses
meneurs : «Wilayat Sinaï tente de saper la réconciliation
palestinienne en menant des opérations terroristes et en plantant de nombreux
engins explosifs sur la route internationale égyptienne qui atteint le passage
de Rafah à la frontière de Gaza».
Le
15 octobre, Wilayat Sinaï avait imposé la fermeture du point de contrôle de
Rafah entre Gaza et l’Égypte. Les autorités égyptiennes ont été obligées de
reporter l’ouverture après que Wilayat Sinaï ait ciblé la route
internationale en tuant six soldats. Mais les djihadistes ne se contentent pas
uniquement de bloquer Rafah. Ils ont établi des points de contrôle mobiles dans
le désert et sur les routes de contournement pour intercepter les passeurs de
marchandises dans les tunnels. Ils ont également brûlé plusieurs wagons et
ont interdit l’entrée clandestine des marchandises vers à Gaza pour forcer «le
contrôle continu du gouvernement infâme du Hamas».
Frontière de Rafah |
Le
paradoxe tient dans le fait que l’Égypte et Wilayat Sinaï ont mené, pour des
raisons opposées, la même lutte contre les tunnels de Gaza, dans l’espoir de
créer l’asphyxie à Gaza. Pourtant le Hamas a été un allié opportuniste de
Wilayat Sinaï qui utilisait les tunnels pour recevoir un soutien logistique et
pour transporter ses blessés se faire soigner à Gaza. Mais tout a changé en 2016, lorsque les
services de renseignements égyptiens ont commencé à collaborer avec le Hamas
qui avait accepté de sécuriser les tunnels en échange d’une ouverture permanente
du passage de Rafah. La guerre entre Wilayat Sinaï et le Hamas a alors été
déclenchée.
Les
djihadistes du Sinaï font pression aujourd’hui pour saper la réconciliation
palestinienne en prenant à témoin les populations palestinienne et égyptienne.
Pour fustiger la trahison du Hamas, ils ont dévoilé les noms des militants de
Wilayat Sinaï qui faisaient partie des forces d'élite des Brigades Ezzedine
Al-Kassem. Ils soulignent les «offenses» du Hamas qui s’acharne contre
la cause palestinienne en les empêchant de lancer des roquettes depuis Gaza
vers Israël. Ils accusent Gaza d’appliquer des lois infidèles plutôt que la
charia islamique et surtout de conclure des accords avec l'armée égyptienne qui
protège la sécurité d'Israël.
Les Palestiniens ne
sont pas au bout de leur tunnel politique. Ils paient les conséquences de leur
collaboration avec les extrémistes. L’accord de réconciliation palestinien est
à l’épreuve du danger djihadiste.
Les accords Fatah-Hamas vont permettre au Hamas de ne se concentrer que sur l'aspect militaire des choses alors que la direction des affaires interieures retombra sur le Fatah. Ce dernier a exige du Hamas de deposer les armes. Le Hamas et le Dihad Islamique ont rejete cette demande car l'acceptation signifierait une victoire d'Israel et la garantie de sa survie. Or les Palestiniens dans leur totalite (en Israel ou ailleurs) ne revent que d'une chose: la destruction d'Israel par la lutte armee.
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