LA PASSIVITÉ ISRAÉLIENNE FACE AUX EXCÈS DES EXTRÉMISTES
Par
Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
Pour des raisons de bas calculs politiques liés à l’existence d’une coalition gouvernementale hétéroclite de 67 députés sur 120, le gouvernement ne contrôle plus les extrémistes, quand il ne s’agit pas d’une indulgence volontaire. Les religieux orthodoxes sont devenus intouchables tandis que les activistes nationalistes se sentent à l’abri de toute poursuite. Ces deux clans disposent au gouvernement de ministres qui menacent chaque jour de démissionner si des mesures sont prises contre leurs protégés, avec bien sûr à la clé, la chute de la coalition.
Yaakov Litzman |
C’est d’abord le ministre ultra-orthodoxe Yaakov Litzman,
à la tête d’un groupe de six députés, qui a exigé que le gouvernement interdise
les travaux d'entretien sur les lignes de train, le samedi jour du shabbat et a envisagé de démissionner pour fragiliser la coalition. Sur un autre sujet et face
au plan de paix de Trump, le ministre de l’agriculture Uri Ariel menace de quitter
la coalition si le premier ministre approuvait une proposition de paix
américaine : «sa faction ne restera pas dans un gouvernement qui
reconnaît un État palestinien». Uri Ariel fait partie du groupe Habayit
Hayehudi qui détient 8 sièges à la Knesset. Son départ ferait chuter la
coalition.
Uri Ariel |
Netanyahou ne semble plus maître de ses décisions. Le
chantage devient le mode de fonctionnement au sein d’un gouvernement qui accepte
d’avaler toutes les couleuvres pour tenir. Les Juifs orthodoxes se sentent
ragaillardis puisque leurs ministres les couvrent. Ils contestent par la
violence toutes les décisions justifiées prises par le gouvernement. Le
tribunal militaire de Jaffa avait condamné à des peines de prison, relativement
longues, plusieurs étudiants de Yeshivas qui refusaient de se faire
enrôler à l’armée.
L'anachronique rabbin Shmuel Auerbach a alors appelé ses
partisans à bloquer les routes en signe de refus. De violentes protestations avec
violence ont été téléguidées le 19 novembre à Jérusalem et à Bnei-Brak pour
obtenir la libération rapide des jeunes détenus déserteurs. Un autre rabbin, David Zucker a organisé des manifestations sous prétexte qu'il «méprise Israël de la manière la plus forte possibles». Les extrémistes juifs ont alors attaqué les policiers qu'ils ont traités de «nazis» et ils ont qualifié l'armée israélienne d'ennemie des Juifs.
Rabbin Zucker |
Le rabbin Zucker
a encouragé les réfractaires, considérés par lui des «héros» qui
s’opposent aux «persécutions religieuses». Il a condamné la décision
de la Cour suprême qui a confirmé le droit de Tsahal de les enrôler : «En
ce qui nous concerne, aller à l'armée est une conversion forcée du judaïsme.
Cela signifie vendre nos âmes et les âmes de nos descendants, et nous
combattrons cela de toutes nos forces et avec tous les moyens à notre
disposition. Quand nos héros sont arrêtés, nous sortons pour les combattre de
toutes nos forces, pour les soutenir et proclamer au peuple et au monde. Nous
sommes les fils du Seigneur notre Dieu, et ne marchons que sur le chemin de
Torah et la piété».
Il est difficile de comprendre pourquoi les jeunes orthodoxes veulent
se distinguer des autres citoyens en refusant de donner quelques mois au pays. Ils ont le choix de
nombreuses fonctions non combattantes dans Tsahal s’ils sont objecteurs de
conscience. Malgré cela, le gouvernement accepte de les financer pour les rendre des parasites qui s’appuient sur les jeunes laïcs pour les défendre, voire pour
mourir à leur place. Mais la communauté haredi est puissante et elle s’exprime en
exploitant le pouvoir de la rue en n’hésitant pas à affronter avec violence la
police qui soutient qu’elle veut «maintenir l'ordre public et protéger les
citoyens normaux respectueux de la loi».
Pourtant le
gouvernement avait cherché le compromis en acceptant des quotas pour les
enrôlements afin de ne pas mobiliser tous les étudiants des yeshivas. Cette
exception est une mesure inadmissible en démocratie où tous les citoyens
doivent être soumis aux mêmes devoirs et surtout au devoir national du service
militaire. Chaque soldat peut adapter sa période militaire en fonction de ses
convictions et de son état de santé. Mais les ministres orthodoxes séfarades et
ashkénazes veillent au grain et ils défendent leurs électeurs avec acharnement.
Ils profitent de la faiblesse du gouvernement pour s’opposer aux lois
nationales.
Mais plus grave
encore est l’atteinte aux institutions nationales et à l’intégrité physique des
dirigeants élus. Les nationalistes se lâchent contre le chef de l’État, Réouven
Rivlin, qui n’est pas partisan et qui juge en fonction de l’intérêt du pays. Il
a rejeté la grâce du soldat Elor Azria condamné par Tsahal pour avoir abattu un
terroriste à terre et déjà neutralisé. Il s’est appuyé sur l’indispensable éthique
militaire qui ne peut pas être transgressée même si les manifestations
s’amplifient.
Alors on retrouve
les mêmes dérives qui avaient précédé la mort d’Itzhak Rabin avec des insultes :
«damné nazi», «détritus» et «sale traître», accompagnées
de caricatures indignes montrant le président en keffieh. Si des Arabes
palestiniens avaient agi ainsi, ils auraient été retrouvés dans l’heure et
immédiatement punis. Il est interdit pour l’équilibre du pays de fermer les yeux
sur des actes inadmissibles. Yitzhak Rabin a déjà payé pour cela, ce qui
n’empêche pas certains nationalistes de vouloir réviser le procès de son tueur.
Netanyahou a tort
de ménager les nationalistes juifs sosu prétexte que leurs représentants dictent leur
loi au gouvernement. Cela devient une méthode mafieuse qui ne dit pas son nom. Les
insultes contre notre président sont ignobles : «président des
Arabes et des gauchistes». Ceux qui l’accusent ont oublié qu’il a longtemps été un «faucon»
au Likoud ce qui rend digne sa prise de position actuelle, dictée par l’intérêt
de l’État et non d’un clan.
Le président Rivlin a justifié le rejet de la grâce parce
que «un allégement supplémentaire de la peine nuirait à la résilience
de Tsahal et de l'État d'Israël. Les valeurs des Forces de
défense israéliennes, et parmi elles la pureté des armes, sont le fondement de
Tsahal et ont toujours été fortes pour nous dans la juste lutte pour notre
droit à une maison nationale sûre pour la construction d'une société
robuste».
Les relations
entre le premier ministre et le président de l’État n’ont jamais été bonnes.
Mais étonnamment, il n’y a eu aucune expression de solidarité puisque Benjamin
Netanyahu n’a pas estimé que les critiques au vitriol contre le président Réouven
Rivlin constituaient nécessairement une incitation : «Dans une
démocratie, il est permis de critiquer n'importe qui. Personne ne le sait mieux
que moi, et toutes les critiques ne sont pas une incitation». Il est
bien triste que la politique politicienne prenne le pas sur l'honnêteté intellectuelle.
La démocratie est
progressivement grignotée en Israël. Le gouvernement prend des risques à ne pas
trancher. Il ne s’agit pas de positionnements de droite ou de gauche car Tsahal et le
président de l’État sont le symbole de l’unité du peuple juif. L’atteinte à ce
symbole pourrait entraîner à terme la destruction du pays.
Jacques Benillouche revient sur la passivité israélienne face aux excès des extrémistes.
RépondreSupprimerIl n'a pas besoin de préciser le type d'extrémistes.
Il y a un double danger pour Israël : l'externe que tout le monde connait, et l'interne que Jacques vous fait découvrir si vous ne le connaissez pas.
Ce sont les "Men in Black" !
Les Partis Religieux ont une "pratique" en totale opposition avec l'image qu'ils veulent donner : LE CHANTAGE.
Vous ne me croyez pas ! Lisez l'Article !
Vous me croyez ! Lisez l'Article !
Extraordinaire lucidité du Pr Leibowitz qui prévoyait le processus de fascisation des esprits qu'entraînerait l'occupation prolongée des Territoires où vivent les populations arabes
RépondreSupprimerIl est dommage qu'il ait des exception dans la répression suivant leur foi et croyance. Les extrémistes juifs portent un énorme préjudice aux Enfants d'Israël par la violence de leur fanatisme !
RépondreSupprimer