SCEPTICISME SUR LA RÉCONCILIATION
FATAH-HAMAS
Par Jacques BENILLOUCHE
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Hamdallah à Gaza |
Même les Palestiniens sont sceptiques quand ils
entendent parler de réconciliation acceptée par le Fatah et le Hamas. En fait
ils sont convaincus que le Hamas a subi des pressions sur fond de coupures de
courant ou de blocage et de réduction des salaires. L’Autorité palestinienne
veut prouver cependant qu’elle s’engage à fond dans les efforts déployés pour
réconcilier les deux clans. C’est pourquoi le premier ministre
palestinien, Rami Hamdallah, se rendra à Gaza le 2 octobre, pour tenter de
résoudre les conflits en suspens entre Gaza et Ramallah. Mais
ce n’est pas la première fois que des tentatives de réconciliation sont
engagées, en vain, car rien ne s’exprime concrètement sur le terrain.
Victoire du Hamas en 2006 |
La victoire électorale du Hamas en 2006 a laissé des
traces qui ne sont pas encore cicatrisées. Les Palestiniens se sont scindés
depuis cette date. Le Fatah administre la Cisjordanie tandis que le Hamas gère
la bande de Gaza à travers un gouvernement de facto. Le Hamas semble avoir été
contraint car il est dans la tourmente. En effet, sous l’effet du blocus
israélien, l’économie a été profondément touchée ce qui s’est traduit par une
baisse de 50% du PIB, un chômage de plus de 60% et une restriction de la
circulation des habitants. Pour tenter d’affaiblir l’entêtement du Hamas,
l’Autorité palestinienne a supprimé des postes qu’elle finançait depuis la
Cisjordanie. Pour rajouter à la situation économique désastreuse, le Qatar, pris dans la tourmente
de la crise du Golfe, a cessé de financer le Hamas ainsi que de nombreux
projets dans l’enclave côtière.
Délégation du Hamas au Caire |
Le Hamas a donc dû rengainer sa fierté en se tournant
vers l’Égypte pour l’appeler à son secours. Une délégation venue de Gaza a
rencontré des agents de renseignement égyptiens au Caire qui lui ont imposé de
tenir des pourparlers avec Mahmoud Abbas, sans conditions préalables.
D’ailleurs le 20 septembre, le président de l’Autorité a salué, à l’ONU le 30
septembre, les initiatives du Hamas : «Nous sommes
reconnaissants de ces efforts déployés dans le but d’annuler les mesures prises
par le Hamas à la suite de la scission. Nous avons également affirmé à
plusieurs reprises que Gaza ne serait pas l’État palestinien et qu’il ne
pouvait y avoir d’État palestinien sans Gaza».
Musheer al-Masri |
Musheer al-Masri, haut responsable du Hamas, estime qu’il
voit à présent une occasion historique de mettre fin à la division
palestinienne : «Nous attendons des mesures pratiques de la part de
l’Autorité palestinienne. Nous attendons que le gouvernement d’unité dirigé par
Rami Hamdallah vienne à Gaza pour assumer ses responsabilités et mette fin aux
sanctions que Mahmoud Abbas a infligées dernièrement à la bande de Gaza».
Effectivement des coupures d’électricité atteignent vingt-et-une
heures par jour limitant l’activité industrielle.
Du
côté du Fatah, on pense cependant que si le parti est prêt à se réconcilier, cela prendrait du temps car il reste beaucoup
d’obstacles à résoudre. L’Égypte reste sur ses positions car elle mise sur Mohammed
Dahlan, ancien chef des services sécuritaires de Yasser Arafat, qui pourrait
jouer un rôle primordial dans cette réconciliation. Sa popularité n’a fait
qu’augmenter à Gaza depuis qu’il a négocié l’ouverture du poste de contrôle de
Rafah avec l’Égypte et mis en place des mesures d’indemnisation pour les
familles des personnes tuées au cours de violences inter palestiniennes.
Certains le voit comme le successeur putatif de Mahmoud Abbas.
Haniyeh, Abbas et Dahlan |
Mais l’Autorité s’évertue depuis
longtemps à savonner la planche sur laquelle Dahlan évolue. Elle vient de
trouver une bonne occasion avec l’admission des Palestiniens à Interpol. Elle cherche
à le faire arrêter par cette organisation. Le rival exilé de Mahmoud Abbas, reconnu
coupable de corruption en 2016, sera «au sommet de la liste» des noms
de fugitifs recherchés par l’Autorité palestinienne. Dahlan, homme
fort de Gaza avant que le Hamas ne prenne le contrôle de la bande côtière en
2007, est en exil à Dubaï depuis 2010. Il avait été suspendu par le Fatah en
raison de son implication présumée dans un complot visant à renverser Abbas.
Il avait ensuite été reconnu
coupable, par contumace par un tribunal anticorruption à Ramallah en décembre
2016, d’avoir volé des fonds publics avec Mohammed Rashid, ancien conseiller
économique du défunt président palestinien Yasser Arafat, et Walid Najab. Dahlan
avait été condamné à trois ans de prison et à une amende de 16 millions de
dollars, mais avait déclaré que son procès était politique à la suite de sa
rivalité avec Abbas qu’il accuse de vouloir se débarrasser de ses ennemis
politiques.
prince héritier d’Abu Dhabi Mohammed ben Zayed al-Nahyane |
Depuis son exil, Dahlan a établi des liens étroits avec les
dirigeants des Émirats arabes unis ainsi qu’avec le gouvernement du président
égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Il aurait également conservé une importante
influence politique à Gaza. En juillet, il avait affirmé négocier un accord de
partage du pouvoir avec le Hamas, les Émirats arabes unis injecteraient
jusqu’à 15 millions de dollars par mois dans l’enclave assiégée pour soutenir
ses efforts. Il a donc son mot à dire dans cette éventuelle réconciliation.
Mais, les pessimistes pensent que
cette réconciliation est encore une fois vouée à l’échec parce qu’il n’y a rien
de convaincant sur le terrain. Ils l’attendent depuis onze ans
alors qu’ils ont subi plusieurs guerres qui ont anéanti l’avenir d’un million
de jeunes. Ils sont nombreux à avoir perdu confiance dans les dirigeants
palestiniens après les guerres contre Israël en 2008, en 2012 et en 2014.
Pour une majorité de Palestiniens, la réconciliation ressemble plutôt à un rêve qui
ne se réalisera jamais.
Gouvernement palestinien |
La visite de Rami Hamdallah,
accompagné de membres du gouvernement, a pour but de préparer sa prise de
contrôle des responsabilités gouvernementales, après la décision du Hamas de
dissoudre le comité administratif chargé jusqu’alors de gérer Gaza. La réalité de la réconciliation reste
cependant à confirmer. Depuis dix ans, les Palestiniens ont vu passer beaucoup
d'accords sur le papier qui n'ont jamais été appliqués.
Un gouvernement d'union
avait été créé en juin 2014 mais l'accord de réconciliation était resté lettre
morte. En avril 2015, la visite d'une délégation gouvernementale palestinienne
menée déjà par Rami Hamdallah à Gaza avait tourné court, après un désaccord
entre l'Autorité palestinienne et le Hamas sur les salaires des fonctionnaires.
À la suite de cette visite infructueuse, le gouvernement d'union entre le Fatah
et le Hamas, qui n'avait jamais véritablement pris ses fonctions, avait été
dissous en juin 2015.
Cela
explique le scepticisme des Palestiniens qui veulent dorénavant juger sur
pièces avant de pavoiser. Les Israéliens, qui avaient suivi toutes ces
tentatives de rapprochement et dont les préférences vont à Dahlan, suivent la
situation en observateurs neutres mais exigeants.
Le gouvernement israelien a mis tellement d'obstacles pour eviter toutes negociations que les dissenssions palestiniennes n'interessent plus grand monde.
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RépondreSupprimerJacques Benillouche nous offre son analyse sur la « réconciliation » entre le Fatah et le Hamas.
À mon avis, elle durera jusqu’au moment où arrivera la question primordiale : « Qui va diriger ? ».