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mardi 26 septembre 2017

Stratégie militaire d'Israël : 2/2 Unités secrètes 8200 et 81



STRATÉGIE MILITAIRE D'ISRAËL

2/2 unités secrètes 8200 et 81

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps
            
Salle d'opérations de 8200

          Les unités militaires 8200 et 81 des services de renseignements israéliens sont, par principe, totalement secrètes. Les hommes qui la composent sont des soldats sans visage dont la fonction et les attributions sont ignorées de leur propre famille. Ils circulent généralement en civil mais on peut parfois les reconnaître, à certaines manifestations, à leur béret vert-foncé qui n’est pas à confondre avec le béret vert-clair du régiment Nahal. Les membres de cette unité sont triés sur le volet, souvent depuis le lycée où ils ont été repérés par les délégués de Tsahal à la recherche d’éléments exceptionnels, tant par le comportement que par la connaissance. 
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          Leur sélection sécuritaire est sévère, remontant sur plus d’une génération, car ils détiennent des secrets militaires très sensibles. Contrairement à la légende, ce ne sont pas des Rambo ni des James Bond mais des petites têtes bien faites et bien pleines. Le recrutement est clandestin ; l'unité identifie les éventuels candidats, procède à des entretiens rigoureux, des tests et des cours, couvrant tout, de la communication au génie électrique en arabe. Cela peut prendre plus de six mois.
            Le public ignore l’existence de l’unité 81 et ses attributions. En revanche, l’unité militaire 8200 commence à être connue depuis qu’elle a fait les premières pages des medias après avoir été accusée d’être à l’origine des virus informatiques Stuxnet et Flame qui ont infecté le programme nucléaire iranien. L’ancien ministre de la défense Moshé Yaalon avait défini le contour : «la guerre cybernétique constitue une cinquième dimension en soit, parallèle aux dimensions terrestres. Le but, en diffusant des virus informatiques, consiste à causer autant de dommages à l’ennemi, sinon plus, que ne le ferait une bombe conventionnelle. C’est pourquoi nous accordons une priorité toute particulière au recrutement de jeunes informaticiens doués».

            Pour ces unités, Tsahal sélectionne l’élite de l’élite à partir de critères qui lui sont propres. L’unité 8200, également appelée Israeli Sigint National Unit (ISNU) est une unité responsable du renseignement d'origine électromagnétique et du décryptage de codes. L'unité a été créée en 1952 grâce à des équipements issus des surplus militaires américains, sous le nom de 2ème unité de renseignement militaire, avant de devenir la 515ème unité de renseignement militaire. En 1954, l'unité quitta Jaffa pour s'installer dans son quartier général actuel de Glilot Junction, au nord de Tel-Aviv. Ses effectifs comptent plus entre 6.000 et 8.000 membres. Le chiffre est secret.
            Au début des années 1990, des missions nouvelles précises avaient été assignées à cette unité, ce qui avait d'ailleurs fait sa réputation. L’un de ses membres avait en effet reçu une mission artisanale, qualifiée à l’époque d’impossible, consistant à pénétrer les ordinateurs d’un pays ennemi et à déchiffrer le cryptage des données stockées. Il avait eu l’idée, depuis son bureau de Tel-Aviv, de mettre en panne à distance des ordinateurs pour en prendre le contrôle total et détourner les données. Il était, bien avant l’heure, le précurseur du cloud computing, à savoir l'accès via un réseau de télécommunications, sur demande et en libre-service, à des ressources informatiques partagées configurables. En fait, il avait réussi à délocaliser l'infrastructure informatique. L’auteur de cette réussite est aujourd’hui le fondateur d’une société privée qui a conceptualisé l'une des principales plate formes de développement Web basées sur le cloud.

            Ce n’est pas une exception car tous les anciens de 8200 ont été à l’origine de startups, à plusieurs milliards de dollars, qui ont réussi en Israël. Cette unité a transformé Israël en «startup nation» très enviée. Plus de 1.000 entreprises ont été fondées par des anciens de 8200, de Waze à Check Point.

            Les membres de cette unité sont mandatés pour inventer et déployer la nouvelle technologie, souvent isolés dans leurs bureaux. L’existence de 8200 était à peine reconnue jusqu'à il y a une dizaine d'années, parce que son histoire n'avait jamais été révélée. En fait le secret avait été bien gardé puisque l'unité 8200 est antérieure à la guerre d'indépendance de 1948. À partir de la période du mandat britannique des années 1930, elle était connue sous le nom de Shin Mem (acronyme pour service d'information) en faisant appel à des lignes téléphoniques de tribus arabes pour en savoir plus sur les émeutes planifiées. En 1948, elle a pris le nom 515, dénomination sans signification précise. En 1956, l'année de la Campagne de Suez, le nom a été changé en 848.
            En 1973, l’unité 8200 a pris un tournant, après la Guerre du Kippour, qui avait pris au dépourvu le pays envahi par l’Égypte et la Syrie. Ce fut d’ailleurs la plus grande défaite des services de renseignements de l’histoire d’Israël, surtout après la capture d’un officier de l’unité 848 contraint à révéler des secrets importants à la Syrie. L’unité fut débaptisée 8200 sans que ce chiffre ait une quelconque signification. Elle fut scindée en différentes équipes indépendantes les unes des autres pour plus d’efficacité et de sécurité. 
          À ce moment, 8200 devint le centre R & D du pays mais en se distinguant de l’agence d’espionnage Mossad qui exploite 90% de son matériel de renseignement. Lorsque Yasser Arafat avait affirmé qu'il n'avait rien à voir avec le détournement du navire de croisière Achille Lauro en 1985, le 8200 avait fourni une conversation téléphonique interceptée qui avait prouvé le contraire. L’unité 8200 avait fourni les précieux renseignements pour bombarder le réacteur nucléaire syrien en 2007. Enfin, la même unité avait conçu le virus Stuxnet qui avait détruit les centrifugeuses nucléaires en Iran.

            Les jeunes enrôlés sont encadrés au sein de petites équipes chargées d’analyser et de résoudre les problèmes jusque très tard dans la nuit. Ils ont été sélectionnés en raison de leurs compétences en mathématiques, en informatique et en langues étrangères, de leur aptitude à apprendre rapidement, à s'adapter au changement, à réussir dans une équipe et à s'attaquer à ce que les autres considèrent comme impossible. Personne ne leur dira ce qu’ils doivent faire mais ils imaginent vite la mission qui leur a été allouée. Des millions de cyber-attaques ont lieu chaque jour, les soldats identifient les attaques, évaluent les risques et font tout leur possible pour les éviter. L’augmentation accrue de la technologie digitale rend les systèmes de données et d’informations de Tsahal plus vulnérables. Cette dépendance est un nouveau défi auquel Tsahal doit faire face afin de maintenir sa cyberdéfense. 
- Pourquoi es-tu si heureux aujourd'hui  - Je suis en train d'écouter 8200

          L’unité 8200 rassemble des renseignements informatiques afin de stopper les pirates avant même qu’ils préparent une attaque. En informatique, il n’y a pas de solution miracle mais dans cette unité la réalité dépasse vraiment l’imagination. La hiérarchie militaire n’est pas formelle dans l’unité 8200 pour laisser libre cours aux visions et aux initiatives personnelles.
            L’unité 81 est encore peu connue du public. D’ailleurs, on spécule sur son quartier général qui serait à Giv’atayim, dans la banlieue de Tel-Aviv. Elle met l'accent sur la fourniture de technologies nouvellement inventées, constitués de matériels et de logiciels intégrés de haute technologie. Elle englobe 1.500 soldats de l'unité 8200. Elle est rarement mentionnée publiquement. Pour simplifier la compréhension, l’unité 81 fonctionne comme un atelier qui produit des machines spéciales. En cas de besoin, les membres réussissent sur demande à concevoir des produits exceptionnels. Ainsi, par exemple, ils ont inventé des mines déguisées en roches sur le terrain ou des caméras de surveillance intégrées dans un rocher. Mais les soldats de l’unité travaillent toujours sous pression ; leur adrénaline est leur capacité à résoudre un problème technique dans un délai record. Tsahal ne perd pas de vue que, à long terme, ces unités sont une victoire pour l'économie israélienne, en termes d'emplois et de richesses créés.
            Les Arabes israéliens, qui ne sont pas soumis au service militaire, ne peuvent pas participer à ces unités 8200 et 81. Ils représentent 20% de la population mais ils ne sont que 2% à occuper des postes de techniciens en l’absence de formation militaire basée sur la technologie. Ils constatent, en l’absence de livret militaire, leur impossibilité à entrer dans des startups, souvent très sécurisées. En revanche, une centaine de Druzes ont été incorporés dans l’unité 8200 et pas seulement pour leur connaissance parfaite de la langue arabe mais aussi pour leur capacité d’analyse.
Les Druzes dans 8200

            Israël est un pays qui produit plus de startups par habitant que n'importe quelle autre nation du monde. Il le doit aux unités d’élite 8200 et 81 qui représentent des détachements de l'intelligence militaire responsables de l'intelligence du signal, du décryptage du code et des munitions techniquement activées. En d'autres termes, les cyber-espions. Ces unités doivent leur succès inimitable à la sélection, la formation, la culture et le dévouement parce qu’elles ont accès aux éléments les meilleurs et les plus brillants du pays. Le pays produit chaque année une poignée de savants technologiques. Étant donné que l'ensemble des 8200 et 81 ne dépasse pas 8.000 membres, les chiffres exacts sont secrets, le niveau de sélectivité est supérieur à celui de Harvard, Yale, Princeton, MIT, Caltech ou Stanford. De plus, même si les chiffres exacts sont inconnus, l'unité 81 est encore plus discernable.
            Les recrues ont accès aux meilleures formations au monde qui sont un mélange de matières universitaires (physique, mathématiques, informatique), de connaissances pratiques (grandes données, infrastructure informatique, apprentissage par machine, traitement du langage naturel) et "tradecraft" (piratage, espionnage virtuel). L'unité est un camp de démarrage pour l'esprit où les étudiants sont mis dans de petites équipes où ils étudient, font un remue-méninges, forment, analysent et résolvent des problèmes tôt le matin à très tard dans la nuit. Ils passent la moitié de leur temps à résoudre des problèmes. Ils ont un esprit de corps piloté par des ressources suffisantes et une motivation résolue pour rester à l'avant-garde du développement technologique. Les réunions et les événements en réseau sont fréquents ce qui permet aux soldats de former de solides liens d'amitié qui mènent à des contacts commerciaux durables pour les années à venir.
            L’envers de la médaille est que les diplômés 81 et 8200 acquièrent de l’expérience en menant des petites équipes efficaces mais ils sont beaucoup moins à l'aise dans des environnements très structurés et rigides. Au sortir de l’armée ils doivent souvent s’adapter à la bureaucratie qui ronge toutes les entreprises modernes. Ils sont alors soumis à une reconversion mentale souvent difficile. Mais leurs compétences leur permettent de surmonter toutes les nouvelles situations en les distinguant des autres universitaires.




3 commentaires:

  1. c'est époustouflant...
    avec ça Israel est en sécurité, ça parait évident...
    bon les Russes, les Chinois, les Américains sont certainement au même niveau...
    une chance que "les pays Musulmans vivent au moyen âge..."c'est plus "facile" à surveiller...

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  2. Jacques Benillouche présente 2 Unités de Tsahal « très spéciales ».
    La « 8200 » est un peu connue.
    La « 81 » m’était inconnue.
    Passionnant et édifiant.

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  3. Ne jamais se croire à l'abri est une chose très importante en stratégie. Les Occidentaux en savent quelque chose, face à la réussite monumentale de Daesh ces dernières années... Les attentats ont eu lieu, et ce n'est pas dû à la stupidité de nos ennemis. Ce qui n'enlève rien à la fierté d'avoir de telles unités.

    Elles brillent en moi, parce que "bi ner..."

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