Par Jacques BENILLOUCHE
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Malgré
la pression des États-Unis, de la Turquie et de l’Iran, des millions de Kurdes
ont voté à l’occasion d'un referendum historique et 92% des électeurs se sont
prononcés pour l’indépendance. La Turquie et l’Iran accueillent des populations
kurdes importantes qui, paradoxalement dans ces pays, ont exprimé une forte
opposition au referendum, certainement par crainte de représailles contre leur
population. Des menaces avaient été brandies pour tenter d’infléchir le
résultat du vote, en vain.
La
Turquie avait déployé des chars le long de sa frontière tandis que le premier
ministre turc, Binali Yildirim, avait prévenu que les résultats du referendum
seront considérés comme «nuls et non avenus». Le parlement
turc, de son côté, avait prolongé le mandat des troupes turques stationnées en
Irak et en Syrie. Enfin, le président Recep Tayyip Erdogan avait menacé de
sanctions économiques paralysantes le Kurdistan irakien en incluant l'étanchéité
de la frontière de Habur qui représente la seule sortie des Kurdes irakiens
vers l'Ouest. Il a même envisagé la fermeture du pipeline qui transmet le brut
irakien kurde aux terminaux d'exportation sur la rive méditerranéenne de la
Turquie.
Soleimani |
En
représailles, l'Iran a annulé les vols commerciaux vers le Kurdistan irakien et
a déjà bombardé les combattants kurdes iraniens sur le côté irakien de la
frontière à Haj Omran. Qasem Soleimani, chef de la Force Al Qods de la Garde
révolutionnaire iranienne, a été envoyé à Sulaymānīyah pour inciter les rivaux
de Barzani de l'Union patriotique du Kurdistan (PUK) à réagir. Pourtant, après
une période d’hésitation, le PUK a encouragé ses partisans à voter.
Barzani |
La
Turquie et l’Iran jugent que le referendum est une prise de pouvoir par Barzani,
affaibli par un ralentissement économique dû à la baisse des prix mondiaux du
pétrole et au refus de Bagdad de livrer aux Kurdes leur part du budget national.
Dans
une attitude similaire à celle qui avait été adoptée avant-guerre à l’encontre
des Juifs, l’Occident ne semble pas pressé de favoriser l’émergence d’un État
indépendant kurde parce qu’il ne veut pas entrer en conflit avec les deux pays
majeurs de la région. Et pourtant, depuis le début des hostilités en Syrie, les
Kurdes ont été les seuls combattants à freiner et à s’opposer à la marche
conquérante de Daesh. Ils ont été toujours été isolés dans leur combat pour des
raisons de haute politique opportuniste. Certainement en raison d’une
communauté de destin, seuls les Israéliens ont cru en eux en leur fournissant
une aide militaire, des moyens financiers, du matériel de guerre et une
formation d’officiers par Tsahal.
Les
Kurdes irakiens disposent déjà d’un territoire autonome au nord du pays, avec
un embryon de structure étatique et une armée de peshmergas bien entraînés. Ces
combattants, qui intègrent à parité des femmes, ont réussi avec leurs armes
légères à s’opposer aux forces de Daesh lorsque, au début du conflit, l’armée
régulière irakienne fuyait les combats après avoir évacué Mossoul, la deuxième
ville du pays. Aujourd’hui les Kurdes ont fait perdre du terrain à Daesh qui a reculé
mais ce n’est pas du goût du pouvoir central de Bagdad, jaloux de ses
prérogatives en Irak et en conflit ouvert avec les peshmergas. Les Kurdes n’ont
jamais cessé le combat et ont repris plusieurs villages. Ils ont effectivement
pris du temps pour éradiquer les sanctuaires de guérilla de Daesh en appliquant
la tactique éprouvée des généraux prudents, formés à l’école de Tsahal, qui ont
préféré préparer leur offensive afin de sécuriser le front pour repousser toute
contre-attaque.
Les
forces kurdes d’Irak et de Syrie souffrent cependant de leur hétérogénéité car
elles sont culturellement et politiquement très différentes. En Syrie, les Forces
démocratiques syriennes (FDS) représentent une coalition arabo-kurde dominée
par le PYD (parti de l’union démocratique), principal parti kurde de Syrie. Les
Kurdes ont toujours refusé de qualifier leur combat de guerre religieuse. Ils
ont tenu à préciser que leur projet était fondé sur une base territoriale et
non ethnique avec «une administration basée sur des références ni
nationalistes, ni confessionnelles».
Les
États-Unis ont démontré à nouveau leur erreur de stratégie au Moyen-Orient, en
se montrant comme d’habitude frileux parce qu'il s'agit pour eux de toujours
ménager toutes les parties. Ils ont annoncé, en même temps que la Turquie,
qu’ils ne reconnaîtraient pas la création d'une région unifiée et autonome
kurde en Syrie. Les Kurdes répartis dans quatre pays de la région : Syrie,
Turquie, Iran et Irak attendront donc le bon vouloir des Occidentaux pour
disposer de leur propre État. L’Occident ne leur doit aucune reconnaissance
pour l’avoir sauvé contre une mainmise djihadiste. Il n’a pas compris que les
frontières actuelles étaient artificielles et que la création d’un État kurde,
à cheval sur quatre pays, était la condition pour ramener le calme dans la
région et éradiquer le terrorisme. Mais Erdogan redoute l’existence à ses
frontières d’une région kurde autonome en Syrie qui rejaillirait sur le PKK
(Parti des travailleurs du Kurdistan). En revanche, il ne s’opposerait pas à un
État en Irak, loin de ses frontières mais il considère les Turcs comme des ennemis
et pour cela, il s’oppose à toute solution raisonnable même si les combats ont
lieu à la frontière syrienne.
Les
Kurdes sont les oubliés de la stratégie occidentale, un peu comme l’étaient les
Juifs avant la création de l’État d’Israël. Il est difficile de comprendre leur
isolement alors que ce sont les meilleurs guerriers qui ont affronté
courageusement les sanguinaires de Daesh. Les Kurdes ont été mis à l’écart des
discussions sur l’avenir de la région. On peut donc douter de la volonté des
Occidentaux, et de la France en particulier, à aider ceux qui luttent depuis
des décennies pour leur indépendance. La politique politicienne est cruelle car
elle impose de ne pas indisposer les Turcs qui font partie de l’Otan et qui
participent de ce fait au dispositif de défense de l’Europe, même si Erdogan se
comporte en dictateur et même s’il bâillonne les media et emprisonne les
récalcitrants politiques.
Les Kurdes prouvent tous les jours leur courage et disposent d’une
expertise nettement supérieure à celle des soldats irakiens qui manquent de
moral, de cohésion et d’idéologie pour le combat. On traite les peshmergas de
milice alors qu’ils constituent une véritable armée en mouvement. Les autorités
irakiennes ne sont pas tendres avec eux parce qu’elles craignent leur expansion, tout en les accusant à tort de ne pas être totalement intégrés au pays. Au lieu
de les aider dans un combat commun contre les djihadistes, ils bloquent leur
ravitaillement et s’acharnent à empêcher leurs convois d’armes de parvenir à
destination. Le régime de Bachar Al Assad les combat aussi sans ménagement.
S’ils
disposent d’armes légères en quantité suffisante, les Kurdes manquent de
missiles antichars Milan, de matériel lourd, de véhicules Ambush capables de
résister aux mines, d’artillerie, et de véhicules blindés. Cela les rend, sur
le terrain, totalement dépendants de la protection aérienne des Occidentaux. Or
l’expérience a montré qu’ils étaient indispensables à la poursuite des combats
sur terre. On ne pourra venir à bout de Daesh qu’avec les fantassins kurdes qui
peuvent changer le cours de la guerre face à des djihadistes qui subissent
actuellement de nombreux revers grâce aux frappes de l’aviation et surtout face
au courage kurde.
Dans le cadre d’une politique qui ne s’explique pas, les Occidentaux
hésitent à fournir des armes lourdes arguant de raisons strictement politiques.
D’une part ils regrettent que différents clans se déchirent et d’autre part ils
craignent qu’elles n’arrivent entre de mauvaises mains, celles des Kurdes de
Turquie qui combattent Erdogan. La concurrence est rude entre les factions qui
refusent l’unification de tous les mouvements. Ainsi le PDK (parti démocratique
du Kurdistan) dirigé par l'actuel président du Kurdistan, Massoud Barzani, et
l’UPK (union patriotique du Kurdistan) dirigée par M. Jalal Talabani, ont
d’abord été unis contre le PKK (Kurdes de Turquie) avant que l’UPK ne change de
camp pour se ranger dans celui du PKK qui accusait le PDK d’avoir livré
certains de ses combattants à la Turquie.
Les
Kurdes, qui rêvent d’un État, sont totalement abandonnés sauf par Israël.
Benjamin Netanyahou leur a exprimé sans ambiguïté son soutien : «Alors
qu’Israël s’oppose à toutes les formes de terrorisme, comme celui du PKK, l’État
juif soutient par ailleurs les moyens légitimes qui sont à disposition du
peuple kurde pour obtenir son propre État». Mais Erdogan ne l’entend pas
ainsi et menace Israël «de revoir la politique de normalisation si Israël
ne modifie pas sa position officielle de soutien à l’indépendance kurde». Israël n'a pas l'habitude de plier face au chantage venant de l'extérieur et encore moins face à celui d'Erdogan.
RépondreSupprimerJacques Benillouche rappelle, à Ceux qui l’ont oublié, que les Kurdes étaient en Première Ligne contre DAESH.
Le Kurdistan doit être un État Libre, n’en déplaise à Ceux qui s’y opposent et qui sont des « Grands Démocrates ».
Que le Monde sérieux, démocratique, moderne, des droits de l'homme et du citoyen répare une injustice planétaire après la réparation faite en 1948 à l'égard du Peuple Juif. Un Kurdistan aux Kurdes vivant sur la terre de leurs ancêtres, parlant leur langue et pratiquant leurs coutumes en toute liberté. De ce fait bravo à ISRAEL pour ce soutien à un Kurdistan, moderne libre et démocratique... Les Kurdes doivent avoir bien saisi la phrase célébre, à propos d'un foyer juif mondial « Si vous le voulez ce ne sera pas un rêve » de Theodor Herzl.
RépondreSupprimerface aux dictatures Syrie, Irak, Iran, et Turquie, il est évident qu'il faut soutenir un Etat Kurde indépendant et il serait souhaitable que l'Otan se retire de la Turquie, il n'est pas normal de protéger un pays qui refuse encore de reconnaitre sa responsabilité du génocide Arménien!! Ergogan mérite vraiment sa raclée autant par les Russes que par les occidentaux..
RépondreSupprimerLa France, après la victoire sur l'empire Germanique et sur son allié islamique l'empire Ottoman, échangea la création d'un état kurde a cheval sur la Syrie, la Turquie l'Irak et l'Iran contre des actions de la société pétrolière Anglo-iranienne. Il est vrai, qu'en l'an 1920 ce peuple était laissé à l'état sauvage par l'empire Turc pour être utilisé dans des taches serviles et de chairs à canon par l'islam ottoman lors de la colonisation des états chrétens occidentaux. Notamment le reste de l'empire Byzantin, la Hongrie, d'une partie de Serbie. Et deux tentatives de colonisation de l'Autriche !
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