KIPPOUR : JOUR
DU RÊVE ÉCOLOGIQUE ET DU CONSENSUS
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Le jour de Kippour, le Grand Pardon, intervenant dix jours après le nouvel an juif, Rosh Hashana, est dans le calendrier juif la fête suprême. Cette période de dix jours, la «Téchouva», est consacrée à regretter les mauvaises actions commises, à demander pardon avec sincérité à Dieu et à ses semblables, à se réconcilier avec ses ennemis et à réparer les préjudices commis dans le feu de l’action. Le jeûne marque cette journée de prière et de repentir. L’homme est invité à une introspection personnelle pour faire le bilan de ses actions, reconnaître ses torts et prendre de nouvelles résolutions pour l’année qui commence.
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La journée, très suivie par la
communauté juive mondiale, est entièrement consacrée à la prière, qui comporte
sept bénédictions, de nombreuses lectures, une longue confession, et une
demande de pardon au nom de tous. Seuls les repentants sincères peuvent alors
être inscrits dans le «Livre de la Vie» qui leur garantit une année
de plus sur terre.
Ce jour avait pris une connotation
dramatique en Israël depuis le 6 octobre 1973 lorsqu’une coalition menée par
l'Égypte et la Syrie lança une attaque surprise contre Israël, faisant de cette
guerre, la plus coûteuse en victimes militaires évaluées à 3.020 morts. Cette
fête est donc suivie avec une certaine appréhension car les ennemis existent
toujours et les tentations criminelles aussi. L’histoire pourrait bégayer.
Mais un autre aspect de cette
journée de Kippour est moins répandu : le rêve écologique trouve en Israël son
application stricte. Bien que la fête soit d’abord religieuse, toute la
population participe à la célébration de ce jour saint. Le jour est
chômé ; toutes les entreprises sans restriction ferment leurs portes et le seul aéroport d'Israël ne fonctionne pas. Les cafés,
les restaurants, les centres commerciaux baissent leurs rideaux. Sans être
soumis à aucune loi, les voitures cessent de rouler par conviction ou par
respect pour les repentants. Les lumières sont éteintes dans tous les lieux
privés et publics ; les télévisions et les radios cessent d’émettre. Les
trains, les bus et les avions restent dans leurs dépôts ou hangars. La
consommation d’électricité est, durant ce jour de Kippour, la plus basse de
l’année en Israël. L’air devient enfin respirable.
Ce jour est le règne des enfants,
des promeneurs et des cyclistes qui occupent les chaussées et les routes
normalement vouées à la circulation des véhicules. L’écologie à l’état pur voit
une application concrète puisque le règne du tout-électricité est battu en brèche.
La population ne souffre pas et elle accepte cette journée de restriction comme
une aubaine pour le retour aux fondamentaux de la vie simple et naturelle.
Kippour fête religieuse juive pourrait
ainsi devenir la journée de l’écologie pour les laïcs et surtout la journée de
la paix puisque les esprits sont préoccupés par la repentance et la
réconciliation avec les ennemis. Un rêve écologiste éveillé en Israël.
Mais cette année Kippour devrait
être le jour du consensus, entre les orthodoxes attachés à la lettre plus qu’à
l’esprit des textes et les libéraux conservateurs qui ont dépoussiéré les pratiques
pour les rendre plus adaptées au monde moderne afin d'attirer à eux ceux qui les ont quittés. À l’étranger et aux Etats-Unis
en particulier, à l’heure où les mariages mixtes se développent pour toucher la moitié de la communauté juive, deux attitudes sont possibles : soit rejeter
les non-juifs selon la Halakha, à savoir ceux dont la mère n’est pas juive, et les
écarter définitivement de la communauté soit permettre de ne pas exclure ceux
qui gardent volontairement une fibre juive. Nous ne sommes pas suffisamment nombreux pour avoir une position sectaire. Le cas des Russes et des Ukrainiens qui affluent en grand nombre en Israël est flagrant en l'occurrence. Ils sont juifs dans leur tête mais pas dans les papiers.
Kippour à Tel-Aviv
On oublie que depuis la Révolution française et l’héritage des Lumières, des changements sont intervenus au sein
de la société juive française qui a été influencée par le développement d’un
judaïsme allemand qui a encouragé les Juifs à embrasser la modernité à travers
un judaïsme ouvert et réformé. La réforme est urgente et indispensable au
judaïsme si l’on veut freiner la fuite des Juifs vers le désengagement vis-à-vis
de la religion, voire vers la conversion à d’autres convictions.
Kippour à Jérusalem
L'ouvrage "le marché des Dieux" de Dominique Desjeux (*) démontre s'il en était besoin comment la rigueur religieuse a poussé les Juifs vers le christianisme. Il est possible de concevoir un judaïsme
éclairé et précurseur qui affirme la concordance entre la tradition, la
culture, la foi et les principes du judaïsme et le monde dans lequel nous
vivons. La connaissance est nécessaire à la conscience, la compréhension est
indispensable à l’observance et l’étude doit se poursuivre tout au long de la
vie. Entre passer son samedi matin dans une synagogue libérale ou à la plage, le choix est vite fait pour ceux qui veulent se sentir juifs autrement.
Synagogue libérale avec mixité |
On ne peut pas rejeter le mouvement réformiste,
ou judaïsme libéral, ayant pour objectif d’endiguer la désaffection des Juifs
pour la synagogue ou la religion par une simplification des rites, une
modernisation du culte et l‘introduction du français. On ne peut accepter une
dilution de l'identité juive qui rend impossible sa transmission. Le judaïsme
libéral croit dans le dialogue avec les autres religions et revendique
l’égalité parfaite entre hommes et femmes dans tous les aspects de la vie juive
ce qui implique la mixité dans les synagogues au lieu de la mise à l’écart des
femmes.
Libéraux au Kotel |
Il faut laisser le choix aux Juifs. Les derniers incidents concernant l’interdiction
des prières du judaïsme libéral au Kotel démontrent que cette forme de judaïsme
dissident n’est pas reconnue par le Grand Rabbinat israélien ni par le Consistoire
en France. Aujourd’hui le judaïsme libéral est bien implanté aux Etats-Unis où
il est même majoritaire et dépasse en France les douze communautés : Paris,
Marseille, Lyon, Strasbourg, Toulouse, Montpellier et Grenoble. Le développement
du mouvement est croissant et de nombreux rabbins, dont des femmes, sont
ordonnés chaque année. Certains ont acquis leurs lettres de noblesse comme Pauline
Bebe, Floriane Chinsky et Delphine Horvilleur.
La prière du Kol Nidre à New-York
Kippour, qui est la journée dédiée à la réconciliation avec ses
ennemis, devrait être aussi celle du rassemblement de tous les Juifs autour d’une
même identité, certes diverse, mais sans exclusive. Le langage de haine de
certains rabbins à l’égard de ceux qui prônent le modernisme dans la religion devrait
être banni parce que la liberté de croyance doit être garantie. Nul ne détient seul la vérité.
(*) Le marché des Dieux de Dominique DESJEUX : https://benillouche.blogspot.com/2022/09/le-marche-des-dieux-de-dominique-desjeux.html
Jacques, une de tes reflexions n'a interpelle: le Judaisme extremiste mene au christianisme et voila-t-il pas que la plus active secte hassidique, Habad, parle du Messie et certains meme l'ont identifie avec le dernier rabbi de Loubavitch, le rav Menhaem Mendel Schneersohn!!!
RépondreSupprimerEt la position de Habd envers l'Etat d'Israel est ambigue, voire hostile. Et ce n'est meme pas un hasard que le dernier rabbi n'a pas eu de succession.