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vendredi 4 août 2017

Le point sur la corruption autour de Netanyahou



LE POINT SUR LA CORRUPTION AUTOUR DE NETANYAHOU

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

         
Netanyahou empêtré dans les affaires

          L’étau se resserre autour des proches de Benjamin Netanyahou qui persiste à nier toute implication dans les quatre affaires faisant l’objet d’une enquête de la police qui les a référencées sous les numéros de dossier 1000, 2000, 3000 et 4000. Les derniers développements mettent en cause ses confidents et ses amis milliardaires.
-  Affaire 1000 : cigares et champagne
- Affaire 2000 : couverture positive dans le quotidien Yediot Aharonot
- Affaire 3000 : Achat de sous-marins militaires auprès de l’Allemagn
- Affaire 4000 : liens entre Bezeq et le ministère des communications. 


Netanyahou avec le procureur Mandelbit

            Les enquêtes ont été lancées depuis plus d’un an mais elles s’emballent ces dernières semaines. Nous revenons sur les accusations et les avancées des enquêteurs qui, avec courage, résistent aux pressions politiques et poursuivent leur travail malgré les réticences d'Avichai Mandelblit, Procureur général de l’État, installé à ce poste par le premier ministre.

Affaire 1000

La famille Netanyahou

            Netanyahou, sa femme Sarah et son fils aîné Yaïr, sont soupçonnés d’avoir accepté des cadeaux de la part de magnats américains, en particulier du producteur de film Arnon Milchan et de l’homme d’affaires australien James Packer, sous forme de cigares, de champagne et de bijoux pour un montant de plusieurs centaines de milliers de shekels. Les enquêteurs semblent avoir des preuves que ces cadeaux avaient un pendant israélien puisque le premier ministre serait intervenu auprès des télécommunications israéliennes au profit de Milchan. La police est convaincue que cet approvisionnement en cigares et champagne n’était pas unique mais systématique à la demande écrite de Netanyahou, exprimée au moyen de mots codés.   

Affaire 2000

Israël Hayom

            La police détient des enregistrements de conversations entre Netanyahou et l’éditeur du quotidien Yediot Aharonot, Arnon Moses, pour obtenir une couverture politique favorable au gouvernement. En effet, contrairement à Israël Hayom entièrement dévoué au service de Netanyahou, Yediot est très critique contre sa politique. En échange d’une modification de sa politique éditoriale, Yediot aurait obtenu de reprendre sa place au sommet des media israéliens avec la promesse de devancer Israël Hayom, journal gratuit du magnat américain Sheldon Adelson, placé numéro-1 des quotidiens. Netanyahou se faisait fort d’obtenir de son ami et financier qu’il réduise la voilure et la diffusion du quotidien, voire de le fermer. Le procureur de l’État a exigé des preuves des mesures qu’aurait prises Netanyahou pour atteindre cet objectif.

Affaire 3000


            Cette affaire implique une grosse entreprise allemande, fournisseur de sous-marins militaires à Tsahal, et plusieurs personnalités israéliennes dont certaines ont été arrêtées ou placées en résidence surveillées à leur domicile. Netanyahou est soupçonné d’avoir des liens avec son confident et avocat David Shimron qui représentait en Israël l’entreprise allemande ThyssenKrupp, ou d’être impliqué au minimum dans un conflit d’intérêts. Netanyahou et Shimron avaient réussi à contourner le processus d’appel d’offres. 
         Un autre suspect, Avriel Bar-Yossef, avait été choisi par Netanyahou pour occuper la direction du Conseil national de sécurité, mais il avait préféré retirer sa candidature. Le partenaire dans le même cabinet d’avocats, Isaac Molho, l’homme des missions diplomatiques secrètes auprès des pays arabes, est lui aussi impliqué dans cette affaire. Des informations de la police lui attribuent un rôle d’intermédiaire dans les pourparlers avec les Allemands au sujet de commissions, sachant que son associé était l’agent officiel des Allemands dans la transaction.

Affaire 4000

Shaoul Elovitch
            
         Le contrôleur de l’État d'Israël, Yossef Shapira, reproche à Benjamin Netanyahou, alors ministre des télécommunications, de ne pas avoir signalé son amitié personnelle avec Shaoul Elovitch, actionnaire majoritaire de Bezeq, alors que des questions sensibles étaient liées au monopole de l’entreprise de télécommunications.
      La police suspecte le directeur général du ministère des communications, Shlomo Filber, proche confident de Netanyahou et membre influent du Likoud, d’avoir accepté les diktats de Bezeq et d’avoir été en fait, selon Yossef Shapira, un agent de Bezeq au sein du ministère. L’implication de Netanyahou semble confirmée. En mai 2015, le directeur général adjoint du ministère des communications, Avi Berger, avait préparé une réforme qui contrait les intérêts de Bezeq et, pour cette initiative, il avait été licencié pour être remplacé par Shaoul Elovitch, plus coopératif.  

Témoins d’État

            Les enquêtes sont loin d’être terminées et les preuves d’une implication du premier ministre ne sont pas encore établies puisque les témoignages ne sont pas étayés. La police a souligné qu’elle était entravée dans son enquête par les nombreux voyages à l’étranger du premier ministre et donc par l'impossibilité de l'interroger.
Miki Ganor et la boite de Pandorre

            Mais au cours de ces dernières semaines, les affaires se sont emballées avec la mise en examen de deux grandes personnalités. Le représentant de ThyssenKrupp en Israël, Miki Ganor, au centre du cas de corruption dans l’achat de sous-marins, a obtenu le statut de «témoin de l’État» ce qui a amené son avocat défenseur Nati Simhoni à démissionner. Ganor est soupçonné de «fraude, de blanchiment d'argent et de conspiration dans une infraction pénale» passible de plusieurs années de prison. Ganor a négocié de ne faire qu’une seule année de prison et de payer une amende de 2,8 millions de dollars en échange d’informations confidentielles et de la mise en cause d'autres coupables. Les langues vont donc se délier et la police pourra alors récolter plusieurs preuves pour étoffer son dossier de charges. La seule réaction étonnante de la part de Netanyahou a été d’affirmer contre toute attente : «Je ne sais pas qui il est. Je ne l'ai jamais rencontré».
Ari Harow

            Par ailleurs, une deuxième personnalité pourrait faire d’autres vagues. L’ancien directeur de cabinet de Netanyahou, Ari Harow, a négocié lui-aussi son statut de «témoin de l'État» dans le cadre «d’accusations de corruption, de violation de la confiance, de conflit d'intérêts et d'obtention frauduleuse d'avantages». Il pourrait fournir lui aussi de précieuses informations concernant les enquêtes criminelles contre le Premier ministre. L’impact serait significatif. 
            Dans l'affaire 2000, Harow détient des enregistrements des conversations de Netanyahou avec Moses sur son téléphone portable tandis qu’il était présent aux réunions. Harow est aussi soupçonné d’avoir profité de son poste public au cabinet du Premier ministre pour promouvoir son entreprise personnelle, tout en prétendant faussement l’avoir vendue. En fonction de la qualité des preuves qu'il fournira, il pourra voir sa peine atténuée. 

          Harow est un proche du premier ministre avec lequel il a commencé à travailler dès l’année 2002 en tant que conseiller en relations extérieures. Il avait remplacé, en février 2008, Ayelet Shaked comme directeur du cabinet, mais deux ans plus tard, il avait quitté son poste pour des raisons de santé.
Yossef Shapira

            Il avait repris son poste en 2014, en remplacement de Gil Scheffer. Pour éviter tout conflit d’intérêts, il avait accepté de vendre sa société pour 3 millions de dollars, mais le conseiller juridique Yossef Shapira s’est aperçu qu’aucun règlement financier n’était intervenu. Les responsables du ministère de la Justice étaient persuadés que la vente était totalement fictive ce qui avait forcé Harow de quitter le cabinet en 2015. La police avait recommandé de l'inculper en février 2017. Une équipe de la célèbre unité Lahav 433, avait enquêté aux États-Unis en revenant avec de nouveaux témoignages qui impliqueraient encore davantage Harow. Il a donc choisi de réduire ses risques en se transformant en témoin de l'État. Les langues vont encore se délier.

            Les affaires qui touchent Netanyahou prennent une autre tournure, ce qui a poussé ses amis inconditionnels au Likoud à foncer en première ligne pour exiger que le premier ministre reste en fonction même s’il était inculpé. Ce serait une première dans l’État démocratique d’Israël. Pressé de toutes parts, le procureur Mandelblit veut rassurer la classe politique sur sa volonté d'aller jusqu'au bout : «Donnez-nous du temps et nous allons découvrir la vérité au sujet des cas de corruption».

3 commentaires:

  1. Bravo ! Résumer tant de magouilles en un seul article, c'est une véritable prouesse !

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  2. Philippe BLIAH3 août 2017 à 14:38

    Natanyahou est rodé depuis des années à tant d'enquetes souvent malveillantes sur lui et son épouse que je le pense assez malin pour ne pas se faire piéger comme un vulgaire Derhy . Je suis d'accord avec mr Georges Kabi :cette enquete tournera en eau de boudin-kasher-.

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  3. cette enquète est remarquable,très bien renseigné, merci Mr Benillouche pour votre lucidité...
    "ça tournera en eau de boudin-kasher" peut-être pour le champ. et les cigares, mais les autres casseroles sont tellement énormes...
    Quel gachis l'appât du gain....Israel n'a vraiment pas besoin de ça...!

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