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vendredi 23 juin 2017

Malgré une économie solide, Israël fait face à l'inégalité et à la pauvreté



MALGRÉ UNE ÉCONOMIE SOLIDE, ISRAËL FAIT FACE À L’INÉGALITÉ ET À LA PAUVRETÉ


Par Jacques BENILLOUCHE

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Israël admis à l'OCDE


          L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) est formelle; l’économie d’Israël repose sur des bases saines mais le pays doit aborder les questions de productivité, d’inégalité et de pauvreté s’il veut améliorer le niveau de bien-être de sa population et réduire les clivages sociaux-économiques. Il s’agit d’une étude sérieuse qui souligne qu’investir davantage dans les infrastructures et améliorer les compétences, en particulier des populations défavorisées, pourraient être facteurs à la fois de cohésion sociale et de croissance à long terme.




            Si Israël obtient de bons résultats et figure parmi les pays les mieux classés de l’OCDE pour ce qui est du bien-être subjectif, de la santé et du niveau d’instruction, ses résultats sont inférieurs à la moyenne s’agissant de la pauvreté, du logement et de la qualité de l’air. Par ailleurs, les inégalités y sont très marquées, les taux de pauvreté des Arabes israéliens et des ultra-orthodoxes (Haredim) étant supérieurs à la moyenne et leurs taux d’activité et niveaux d’instruction inférieurs à ceux des Juifs laïcs. Tous ces facteurs concourent à des niveaux de capital humain qui sont, dans l’ensemble, nettement inférieurs à la moyenne de l’OCDE qui recommande de mettre en place de nouvelles mesures de protection si les risques pesant sur le système financier augmentent, en particulier du fait du dynamisme du secteur du logement.

Supermarché Victory

            Le niveau relativement élevé des prix, imputable au manque de concurrence, notamment dans le secteur alimentaire, coûte particulièrement cher, en termes de niveaux de vie, aux populations socioéconomiquement défavorisées. Quand on compare les prix à Paris, dans les beaux quartiers, on constate que les prix sont supérieurs de 30% aux prix courants en Israël pour les produits de première nécessité comme l’huile, les pâtes, le beurre, les fruits, les laitages et le café. Les prix des appartements à Tel-Aviv et à Jérusalem ont dépassé ceux de Paris. Or le niveau moyen des salaires en Israël est nettement inférieur à celui de la France. 

          Cela n’est pas sans incidence sur les immigrants français qui se trouvent confrontés à une augmentation des prix et à un taux de change de l’euro en forte baisse. L’euro qui était côté à 4,5 shekels est tombé aujourd’hui à 3,90. Pourtant, cela aurait dû baisser le coût des importations et donc des prix alimentaires, mais c’est sans compter sur les monopoles alimentaires qui sévissent en Israël et qui limitent la concurrence.


            L’OCDE estime que le secteur bancaire est trop concentré et peu efficient. Quelques banques nationales font la loi. Israël devrait faciliter l’entrée de nouveaux acteurs dans le secteur des services bancaires aux particuliers, et notamment d’établissements de crédit non bancaires, à condition de prévoir une réglementation appropriée en matière de protection des consommateurs et des risques financiers.

            Le marché de l’électricité est dominé par une entreprise publique lourdement endettée, l’OCDE suggère d’éclater la compagnie Israel Electricity Corporation en deux entités distinctes, l’une pour gérer la distribution d’électricité et l’autre pour gérer les infrastructures. Elle suggère également de créer des autorités de régulation indépendantes, dotées d’un mandat clairement défini, dans les secteurs des télécommunications, des services postaux et du gaz.

Fouille des poubelles

      La pauvreté atteint des sommets parmi les personnes âgées, en partie à cause de la faiblesse des pensions de base. Si les taux d’emploi des hommes ultra-orthodoxes et des femmes arabes israéliennes progressent, ils demeurent cependant bas. La hausse des prix du logement constitue une contrainte supplémentaire du point de vue de l’accessibilité, qui s’alourdit même pour la classe moyenne. L’OCDE recommande de rationaliser les obligations administratives à remplir pour la planification et la construction d’un logement, de poursuivre le développement des infrastructures de transports publics pour faciliter l’installation dans les zones où l’immobilier est plus abordable et d’inciter les personnes vivant dans des zones reculées à exercer une activité.


            Pour lutter contre la pauvreté des personnes âgées, Israël devrait servir des pensions de base plus généreuses sans créer de contre-incitations au travail. D’autres mesures pourraient consister à accroître le financement de l’éducation en faveur des populations défavorisées, à veiller à ce que les écoles des Haredim enseignent les mathématiques, les sciences et les langues étrangères. Les classes moyennes sont pénalisées et il n’est pas exceptionnel de constater que des couples qui travaillent ont de plus en plus de mal à couvrir leur fin de mois et recourent aux «tachlomim», ces crédits ponctuels qui consistent à reporter sur plusieurs mois le règlement de leurs dépenses courantes de supermarché.

Professeur Nathan Sussman

            Le directeur du département de recherche de la Banque d'Israël, le professeur Nathan Sussman, affirme que : «L'inégalité conduit à de faibles réalisations, ce qui conduit à de faibles compétences, ce qui conduit à une faible productivité, ce qui conduit à un faible PIB, ce qui conduit à une faible qualité de vie». Cela fait quatre décennies que la productivité d’Israël est parmi les plus faibles des pays de l’OCDE. Il faut donc investir dans la formation professionnelle pour les personnes d’âge moyen et permettre aux Israéliens de développer des compétences uniques. 
Avi Simhon

          Le professeur Avi Simhon, directeur du Conseil économique national au bureau du Premier ministre estime que : «Un diplômé du Technion en génie électrique gagne environ 25.000 shekels par mois après deux ans. Le marché récompense les personnes ayant des compétences particulières. Ceux qui n'ont pas de compétences spéciales se trouveront en concurrence avec la Chine, les Philippines et la Thaïlande». 
            Le gouvernement doit par ailleurs trouver des solutions pour intégrer le secteur ultra-orthodoxe et arabe dans l'économie. On constate que de nombreux jeunes ultra-orthodoxes qui ont passé leur temps dans une yeshiva à étudier les textes bibliques, ont beaucoup de mal à se réintégrer dans la vie laïque. Il existe en nombre limité quelques écoles qui prennent en charge les jeunes religieux de plus de vingt ans qui veulent se convertir dans une formation technologique de deux à trois ans pour apprendre les matières fondamentales auxquelles ils ont été privés.

            Mais ce qui n’était qu’un problème pour les Arabes et les ultra-orthodoxes, devient aujourd’hui celui des nouveaux immigrants de France dont un grand nombre arrivent sans une formation adéquate ou un diplôme non reconnu. Ils ont du mal à s’intégrer et beaucoup de mal à se loger aux tarifs actuels de vente ou de location d’appartements, même dans certaines petites villes. Cela explique le retour en France de certains arrivés au bout de leurs économies et le frein à l’immigration qui est ressenti depuis plusieurs mois. 
          Au cours des cinq premiers mois de 2017, il n'y a eu que 913 immigrants français, soit une baisse de 58%. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 7230 en 2014, 7.900 en 2015 et 5.000 en 2016. Au rythme actuel, ils ne seront que 2.500 en 2017. Le sentiment sioniste n’est pas en cause mais les conditions matérielles de plus en plus précaires. Or l’immigration est le poumon d’Israël. Si rien n’est fait pour les Français, en matière de formation, d’emploi, de reconnaissance de diplômes et de logements à prix modérés à l’instar de ceux d’Amidar dans les années 1970, alors ils rejoindront la cohorte de ceux qui sont considérés en Israël comme la classe défavorisée, à savoir les Arabes israéliens et les Ultra-orthodoxes. Une formation de base d'au moins six mois, payée au smic doit favoriser l'intégration des nouveaux venus. La vérité est difficile à écrire, mais ce n'est pas en la cachant qu'on fera avancer la résolution des problèmes.


5 commentaires:

  1. Marianne ARNAUD23 juin 2017 à 10:58

    Cher monsieur Benillouche,

    Il me semble que ce n'est que lorsque Israël aura mis en place les mesures préconisées par l'OCDE, que vous pourrez titrer : "Israël fait face..."
    Car pour le moment, et à la lecture de votre article, il semblerait qu'Israël a surtout essayé de se dérober devant ses responsabilités face à l'inégalité et la pauvreté.

    Très cordialement.

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  2. Très bonne synthèse des problèmes socio-économiques auxquels Israël DOIT faire face, mais n'a-t-on pas la triste impression que les constats se suivent, s'aggravent, et ... que la pendule s'est arrêtée ?

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  3. Mon cher Jacques ,
    Très bonne analyse, mais n'est-ce pas un problème mondial que les classes moyennes deviennent défavorisées ?
    Pour Israël nous voulons tous le meilleur, alors après avoir fait le diagnostic, cherchons ensemble le remède .

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  4. Le meme problème des pays développes; la robotique des ordinateurs qui remplace des emplois disparus comme commis de vente, réceptionnistes-téléphonistes, commis de bureau, surveillants de sécurité ou emplois dans l' administration. Les emplois disponibles sont dans le telemarketing autres que des emplois potables.

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  5. Il faut absolument que le gouvernement Israélien rectifie le TIR en ce qui concerne une majorité de jeunes Israéliens qui doivent vivre en couple chez leur parents car ils leur est impossible d'acheter un Bien. DEVENU TROP CHER. Ainsi que les Français qui viennent en Israël et qui ne pouvant pas faire face à l'augmentation du cout de la vie retournent en France après avoir tout perdu !

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