RUSSIE, TURQUIE ET ÉTATS-UNIS CANALISENT LES REBELLES SYRIENS
Par
Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
Des
sources militaires russes révèlent qu’une réunion secrète vient d’avoir lieu à
Antalya en Turquie entre trois officiers généraux russe, turc et américain pour
tenter de calmer l’aggravation de la «guerre syrienne par procuration».
Il s’agissait de mettre de l’ordre après les affrontements sérieux entre
groupes rivaux qui combattent Daesh, en particulier les rebelles et les
factions kurdes soutenues par les Occidentaux. La réunion a eu lieu entre le
général Hulusi Akar, le général Joseph Dunford, président américain des chefs
d'État-major interarmées et son homologue russe Valery Gherassimov.
|
Binali Yildirim
|
Pour
l’instant rien de concret n’est sorti de ces contacts faisant dire au premier
ministre turc, Binali Yildirim : «Il y a une nécessité d'une
coordination efficace dans les efforts pour nettoyer la Syrie de tous les
groupes terroristes parce que de nombreux pays y sont impliqués. Si nous ne
parvenons pas à établir une coordination, un risque peut émerger d'un conflit
que nous ne souhaitons pas».
Les
généraux russe et américain sont partisans d’une lutte plus efficace contre les
organisations terroristes en Syrie et souhaitent «des mesures
supplémentaires pour prévenir les incidents au cours des opérations». Mais
les discussions butent sur une question de sémantique puisque les différentes
parties ne sont pas d’accord sur la définition du «terroriste».
Bachar el-Assad et ses partisans traitent de terroristes tous les groupes
d’opposition, en particulier ceux qui sont soutenus par les Turcs et les
Américains. Le gouvernement syrien a d’ailleurs utilisé sa propre définition
pour justifier les bombardements aveugles sur des zones civiles pour la reprise
d’Alep.
|
Combattant SDF |
La
confusion est totale car les intérêts s’entremêlent. Les Américains soutiennent
les Kurdes qualifiés de terroristes par l’Otan en raison de leurs liens avec le
PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). La Turquie appuie des factions
islamiques accusées de crimes de guerre. Les Forces démocratiques syriennes ou
SDF sont une coalition militaire formée en octobre 2015 pendant la guerre
civile syrienne. Active dans le nord de la Syrie, la coalition vise surtout à
chasser Daesh de la zone. Elle regroupe principalement des Kurdes ainsi que des
rebelles arabes proches de l'Armée syrienne libre, des tribus locales et des Chrétiens du Conseil militaire syriaque. Les Kurdes des Unités de protection du
peuple (YPG) dominent largement la coalition. Ce groupe YPG (Yekîneyên
Parastina Gel), créé en 2011, forme la branche armée du Parti de l'union
démocratique (PYD).
La
coalition est activement soutenue par les États-Unis qui lui fournissent des
formateurs, des armes et un appui aérien grâce à la coalition
arabo-occidentale. Depuis sa formation, la coalition a remporté plusieurs
succès et a étendu les zones contrôlées par les milices kurdes et leurs alliés,
notamment grâce à la bataille de al-Hol, à l'offensive de Tichrine où à la
bataille d'Al-Chaddadeh, et contrôle ainsi la majeure partie de la frontière
turco-syrienne. Les succès de Daesh dans les bastions de Manbij, Al-Bâb et
Jarablus ont contraint les belligérants à se battre entre eux avec des pertes
sévères alors que leur objectif déclaré est Daesh. Un véritable brouillamini
règne entre les combattants.
Ainsi
les rebelles de l’ASL (Armée syrienne libre) ont attaqué l’alliance SDF des
forces à majorité kurde soutenus par les États-Unis. Ces deux entités sont
opposées au régime de Assad et donc à la Russie, à l’Iran et au Hezbollah
libanais. La lutte contre Daesh les avait rapprochées mais les divisions internes
sont vite réapparues qui ont dégénéré en conflit ouvert. C’est pourquoi
l’impact des discussions sera faible sur le terrain où il est difficile de
contrôler tous les groupes. Des forces spéciales américaines ont été intégrées
au sein des SDF. De son côté la Turquie interdit aux États-Unis de coopérer
avec le YPG qualifié de groupe terroriste. Il existe en fait une réelle
concurrence pour le contrôle de certains territoires et tant que ces questions
ne sont pas résolues, alors la guerre par procuration continuera de plus belle.
Washington
mesure l'opportunité de travailler avec la Russie qui «va devoir faire
ses preuves en premier lieu». Mais les Américains le doivent s’ils
veulent éviter que les trois convois de groupes différents qui convergent vers
Manbij ne se combattent pour le contrôle de la ville. Les trois chefs militaires auront à définir le
plan pour une offensive commune pour extirper Daesh de Raqqa et ensuite du
reste de la Syrie. Le problème de l’armée syrienne sous seul commandement russe
est une question ouverte. Il est fort probable que la solution passe par une
répartition des zones entre les trois pays, chacun y ayant une responsabilité
totale.
Donald
Trump pousse son armée à travailler avec les Russes car il estime que c’est le
seul moyen d’éradiquer Daesh et de désengager les États-Unis du Moyent-Orient. Ce serait par ailleurs une victoire de Poutine
qui avancerait ses pions stratégiques pour l’éradication du terrorisme
islamique. Quant à Erdogan, sa position serait renforcée s’il devenait un
partenaire stratégique des Occidentaux et de la Russie. Il aura atteint le
statut de puissance régionale sunnite face à l’Iran dès lors que les relations diplomatiques ont été renouées avec Israël. La Russie prend progressivement le rôle de parrain de la région.
Il semble que les Américains aient délégué Israël pour être leur interlocuteur dans la région. D'ailleurs le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s'est rendu le 9 mars 2017 à Moscou pour une visite éclair afin de s’entretenir avec le président russe Vladimir Poutine. Il s’agit de la cinquième visite de Netanyahou à Moscou en moins d’un an.
Comment si retrouver dans ce méli-mélo. Cette discorde voire une éventuelle division de la Syrie ne peut être que de bonne augure pour la conservation de la partie du Golan occupée par Israel. La sécurité d'Israel étant constamment invoquée par les occidentaux.
RépondreSupprimerIl y a quelques craintes à voir tout ce beau monde se mettre d’accord pour sacrifier l’incontournable nécessité d'aider à asseoir la démocratie et les libertés fondamentales aux peuples de la région.
RépondreSupprimerLes tentatives americaines d'etablir des regimes democratiques au Moyen-Orien se sont soldees par des bains de sang et le demembrement de fait de l'Irak. Trump n'est pas pousse a adopter une telle politique et est pret a fermer les yeux sur les agissements d'Erdogan, Quant aux Russes, ils n'ont jamais ete democrates, pourquoi le seraient-ils maintenant? Enfin si Israel gene, Poutine pourrait tres bien finance un Russe a la place de Bibi et disperser la Knesset pour la remplacer par une Douma no.2!
RépondreSupprimer